Rumsfeld-Mao et sa QDR 2005 en passe d’être écrasés par le dernier bastion du marxisme bureaucratique (le Pentagone, of course)

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Rumsfeld-Mao et sa QDR 2005 en passe d’être écrasés par le dernier bastion du marxisme bureaucratique (le Pentagone, of course)


9 juin 2005 — Nous étions si naïfs… Nous pensions qu’effectivement la QDR 2005 serait révolutionnaire, parce que c’est une question de survie pour le Pentagone qu’elle le soit, parce que cette “revue” quadriannuelle devrait (devait) définir une révolution de fond en comble du Pentagone. Un très intéressant article (du 2 juin 2005) de Elaine M. Grossman, de Inside The Pentagon, — auteur et publication parfaitement au fait de l’évolution interne du DoD, — jette une lumière crue sur l’état totalement chaotique du processus. Si l’on pouvait parler d’une “pathologie de la démence” à propos d’une bureaucratie, nul doute que le jugement qu’une telle idée implique a ici tout son poids.

L’article de Grossman est repris par le site “Defense & National Interest”, un site notoirement réformiste et même révolutionnaire, violemment critique de la bureaucratie du Pentagone, qui a dû éprouver la satisfaction du devoir accompli en le mettant en ligne. Cet article mérite une lecture attentive, peut-être moins tant par les informations qu’il nous donne sur l’état d’avancement de QDR 2005 que par ce qu’il nous dit de l’état de paralysie fonctionnelle par accumulation des procédures, des structures et du personnel, du Pentagone, — ployer, craquer, s’affaisser, être progressivement paralysé sous son propre poids, voilà le sort du Pentagone. La question qui se pose aujourd’hui, comme dans nombre d’activités monstrueuses du système au sens général, est de savoir par quelle(s) voie(s) et de quelle(s) façon(s) va s’exprimer une contestation, voire une révolte contre cette situation incontrôlée d’affaissement général d’une masse complètement inerte et productrice d’une transformation du travail en gaspillage et inefficacité systématiques par le biais des folles sommes d’argent qu’elle dépense sans le moindre contrôle de rien.

Voici quelques morceaux choisis du texte de Grossman. Ce n’est pas de l’information, c’est de la description pure, à la fois gargantuesque et kafkaïesque. Le chaos général, la montagne qui va accoucher d’une souris dont on sait pourtant déjà qu’elle sera monstrueuse, difforme, folle et ainsi de suite…


« Critical issues are being weighed “more by gut reaction than by cold, hard facts,” another Pentagon official tells ITP. “There’s a lot of guys sitting around the table talking … But in terms of programmatic guidance, [we] haven’t seen that yet.” Rather, “each one of these roundtables resulted in, ‘Let’s study this more,’” this official said.

» The Defense Department has built a considerable review apparatus to do just that. It begins with six integrated process teams, or IPTs, dedicated to: the mix of force capabilities; capability “enablers” that support combat forces; roles and missions required to address the four challenges; balancing force manning; business practices; and DOD legal authorities.

» To get into the nuts and bolts of the review, the Pentagon has created under the six IPTs no fewer than three dozen working groups, ranging in title from “Core Problem Development and Integration” to “Human Capital Strategy” to “Coalition Management,” according to defense sources. “There’s virtually no part of the department that remains untouched,” says one military official.

(...)

» “This was going to be the right guidance from the top. We weren’t going to let the [action officers] run rampant,” says one Pentagon official, recalling the dueling PowerPoint briefings and frenzied meeting schedules of past reviews. “But [this time] either the top guys haven’t engaged yet or they’re afraid to make a decision.” A senior level review group meeting slated for May 26, entitled “Hard Choices,” appears to have been postponed, defense officials say.

» “I don’t know what they could have done in terms of hard choices,” says one military official. “No choices have been teed up yet.”

(...)

» “There’s a lot of talk of the need to [integrate across study teams] but not a clear vision of how to do that,” says one officer.

» “The process we plan on today is different from what we planned last week and different from what we planned last October,” says a senior official, who calls the atmosphere in the review “chaotic.”

» Senior military and civilian leaders have expressed concern behind the scenes “that we’re doing too much and giving it all equal weight,” another officer said.

(...)

» Many are predicting the quadrennial review is more likely to culminate in weighty decisions late this year, which could then be incorporated into the FY-07 budget request delivered to Congress next February.

» But there is a chance — some say a likelihood — that no substantial changes at all will emanate from the Pentagon’s quadrennial review. Interservice fighting and political pressures from Capitol Hill may preclude an executive branch decision on the biggest issues facing the department, officials say.

» “The chances of nothing being done that’s material as a result of the QDR are about 80 percent,” says one officer who nonetheless hopes the review process can be a vehicle for well considered change.

(...)

» “We’re all fighting over one-half of 1 percent” of the Pentagon budget, says one source. Despite the overall growth of the defense budget through time, “we probably have fewer dollars to play with … than in any of the previous QDRs,” another defense official agrees.

» Some say the amount of effort being expended in this year’s quadrennial review may be out of step with the ultimate effect it will have. But others say perhaps there is a method to the madness.

» “This is crazy and we’ve never done [it like] this before,” one Pentagon official says. “Or [it could be that] someone already knows the answers.”

» Though the QDR may be “ready to collapse under its own weight,” says a senior defense official, “they’re playing it at such a high level that if they ever get to the tough issues, then we should have some pretty good decisions out of it.” »


Il ne faut pas se cacher que nous avons là la description de la perversion absolue de notre époque, du Mal pur et simple si nous voulions parler en termes religieux, — “Mal” d’autant plus irrépressible qu’il est fait d’une addition presque infinie de bonnes volontés d’être partie prenante, d’être présent, non pour un but commun mais pour une promotion de soi-même. Le tout est saupoudré d’incantations sur la possibilité d’une intervention d’En-Haut qui résoudrait tout, malgré tout (« “Or [it could be that] someone already knows the answers”. »). On ne peut résister à cette référence qui revient de manière récurrente dans cette sorte de textes de dedefensa.org, du discours génial, prémonitoire, absolument fondateur de l’explication de notre crise de civilisation, — discours du ci-devant Rumsfeld, prononcé le jour d’avant, la veille de l’événement que l’Histoire retiendra comme l’événement qui a précipité la chute finale.

La mécanique est implacable. Nous avons besoin d’une réforme révolutionnaire, constate le chef, comme Mao l’avait constaté avant de lancer la Révolution culturelle qui eut le sort qu’on sait. Nous le clamons haut et fort, comme n’a pas manqué de le faire le ricanant Rumsfeld-Mao. Aussitôt, toute la bureaucratie s’ébroue et rugit, non pour bloquer cette révolution (ce serait facile : on identifierait l’adversaire), mais pour y participer au contraire, pour faire assaut de zèle, de propositions, de papiers gribouillés, de rapports, d’e-mails, de “copiés-collés”, de commissions, de réunions, de programmes, de sigles et acronymes incompréhensibles. Et la révolution s’effondre sous le poids des révolutionnaires sans nombre, accourus pour être de la fête. Le Pentagone est le plus puissant bastion des restes considérables du marxisme bureaucratique recyclé en postmoderne et “high tech”: Rumsfeld-Mao, qui l’avait pourtant bien compris le 10 septembre 2001, s’y cassera les dents et partira pour une retraite mélancolique.