Le succès de WASG en Allemagne : un événement antimoderne

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Le succès de WASG en Allemagne : un événement antimoderne


13 août 2005 — Sur le site PINR, Federico Bordonaro, notamment déjà cité dans ces colonnes pour un texte sur l’ascension du souverainisme en France, aborde la question des élections allemandes d’un point de vue intéressant: le succès (dans les sondages) de la liste WASG, formée à l’inspiration d’Oskar Lafontaine.

Nous n’avons guère prêté attention à l’évolution de cette liste. Nous considérons essentiellement les élections allemandes du point de vue des équilibres existants en Europe, notamment en fonction des positions enregistrées à l’occasion de la guerre en Irak. La question centrale est, pour nous, de savoir si l’Allemagne gardera sa position de soutien de la France après les élections, avec ou sans Schröder d’ailleurs. Bien entendu, cet intérêt subsiste, il est même plus grand que jamais, et la question reste posée. Mais il est bon d’y ajouter la problématique proposée par l’événement du succès de la liste WASG avec l’alliance Linksbuendnis qui recueille 11% des intentions de vote.

[En fait, Linksbuendnis représente l’alliance de WASG et du PDS cantonné à l’ex-Allemagne de l’Est par statut. Cette alliance soulève une question juridique d’importance, comme l’explique Bordonaro : « [O]n August 5, some high-profile independent lawyers, and experts from the German Federal Constitutional Court (Bundesverfassungsgericht) told the press that the Left has misused federal electoral laws because in some German states it is not clear whether voters of the Linksbuendnis would be voting for a P.D.S. or for a W.A.S.G. candidate. It is argued that this confusion has been created in order to get P.D.S. officials elected in western states where they normally receive very little support. Therefore, some German states could disallow the Linksbuendnis to take part in September's vote. » Quoi qu’il en soit de cette alliance et de sa destinée juridique, il est evident que nous examinons ici la signification du fait d’ores et déjà acquis que 11% des personnes interrogées dans les sondages se disent prêtes à voter pour elle.]

L’avancée de la liste WASG est un phénomène important, mais d’une autre nature à notre sens que la question du maintien de ce qu’on pourrait nommer la “ligne Schröder” en matière de politique étrangère. L’initiateur et l’inspirateur de WASG, Oskar Lafontaine, quitta l’équipe Schröder en mars 1999, après avoir largement participé à la victoire de Schröder en 1998. Son courant réformiste radical, nettement anti-globalisation, avait été mis en minorité au sein de l’équipe Schröder. (Lafontaine comprit à cette occasion ce qu’il pouvait attendre comme aide des Verts dans cette occurrence : quasiment rien, les Verts allemands cohabitant confortablement avec le libéralisme capitaliste, à l’image très emblématique et vociférante d’un Cohn-Bendit.) A cette lumière des événements passés et dans le cadre de l’évolution générale depuis 2001, l’avancée de la liste WASG doit être prise comme un mouvement de contestation générale du système.

Voici ce qu’en écrit Federico Bordonaro dans le texte cité, dans le passage de ce texte intitulé : “The German Crisis and the Rise of W.A.S.G.


« W.A.S.G. is without a doubt the most important political novelty of today's Germany. Launched by former Social Democrat minister Oskar Lafontaine and his leftist followers, W.A.S.G. has been able to successfully intercept S.P.D.'s disappointed voters. Social Democrat Prime Minister Gerhard Schroeder, elected in 1998, has tried in the last years to introduce market reforms in accordance to the wishes of German entrepreneurs, but the German social and political landscape has shown signs of severe unhappiness with his policies.

» Trade unions, workers and parties from the Left judge the reforms too market-oriented and fear that the renowned German welfare state will be dismantled. On the contrary, liberal conservative movements and German capitalists believe the reforms were too weak and insufficient to tackle what German President Horst Koehler argued on July 22, that Germany faced “an unprecedented crisis” that needs the government to “pursue its agenda with full determination and energy.”

» As a result, the S.P.D.-led coalition experienced a dramatic decrease of support in the last four years, and Schroeder's ability to remain in power after 2002 is explained by some analysts as due to his steadfast opposition to the U.S.-led war in Iraq, which made it possible for the Social Democrat to keep the Left's votes in 2002. However, notwithstanding a new foreign policy, characterized by a strategic partnership with Russia, a strong commitment to refuse any involvement in the Iraq war, and an open dialogue with Washington in order to relaunch the transatlantic relationship, Schroeder's days in power seem to be nearing an end.

» Germany's social system is nowadays widely perceived as unable to cope with the aggressive Anglo-Saxon neo-liberal model. In the post-bipolar geo-economy, statist policies based on public spending and labor market guarantees are often considered impossible to harmonize with companies' needs to compete globally. Moreover, the European Union — of which Germany is the largest country, and one of its leading states — has been built upon neo-liberal principles.

» However, German wealth and an excellent welfare state are inextricably linked to the twentieth century's German “social market system” — also known as “Rhine capitalism.” Should such a model be dismantled — in order to increase economic competitiveness — it is fairly obvious that the social stability largely enjoyed by the country in the last 60 years would be extremely hard to maintain.

» This context has witnessed an unexpected rise of the Linksbuendnis. Whereas P.D.S. has always remained strong in the eastern states, the W.A.S.G. has rapidly gained consensus in various states of the country, and not only in the poorer ones in the east. Lafontaine's strategy is to gather the votes of those German citizens who do not believe the welfare state is doomed to fail in the age of globalization. After the E.U.'s single currency introductions, Germany has fallen prey to recession and economic depression. Many Germans no longer believe that the euro — and the European Union — are without question in Berlin's interests.

» As wages no longer progress like they did in the 1980s, and the E.U. is plagued by inner division and economic crisis, a significant part of the German population is skeptical about the classical Europeanist and moderately liberal policy advocated by both the C.D.U. and the S.P.D. (and their respective allies the Free Democratic Party (F.D.P.) and the Green Party).

» Since in 2005 the new W.A.S.G. party rapidly found a strategic agreement with P.D.S. to create the Linksbuendnis, Christian Democrats and Social Democrats realized how dismal their situation looked. Hence, the current juridical issues are regarded by some observers as a C.D.U./S.P.D. maneuver to hamper the Left alliance's rise.

» However, the general situation looks unsettled. W.A.S.G.'s leader Klaus Ernst announced on July 20 that his party does not rule out entering a coalition with the Social Democrats and the Greens in order to prevent the formation of a C.D.U.-C.S.U.-led government. Moreover, 39 percent of German citizens would accept a C.D.U./S.P.D. “Grand Coalition,” according to a recent poll. »


Pour nous, aucune hésitation n’est possible. Ce succès dans les sondages et les intentions de vote des électeurs de la liste WASG sont à classer dans la catégorie des “événements antimodernes” selon la catégorisation que nous envisageons dans notre texte extrait de la Lettre d’Analyse ‘de defensa’ dans ses éditions du 10 juillet. Nous le classons sans la moindre hésitation, dans l’interprétation que nous en faisons, aux côtés (à la suite) du “non” français au référendum du 29 mai. (La différence en importance sera à mesurer selon le résultat des élections allemandes, selon le résultat de WASG et le rôle que cette liste jouera ensuite : soit opposition pure et simple, et son importance restera cantonnée au niveau de la politique intérieure sans perdre bien entendu sa signification antimoderne ; soit influence directe ou indirecte sur la direction générale des affaires allemandes, et son importance dépassera le cadre allemand. C’est ce qui différencie les deux événements : pour le référendum français, on savait qu’il y avait par définition une dimension extérieure.)

Il s’agit d’un “événement antimoderne” dans la mesure où ses causes et ses effets se résument dans l’idée de repousser les poussées modernistes aveugles et déstructurantes manifestées par le courant de la globalisation. Le paradoxe est que ces “frères ennemis” (le SPD de Schröder et sa coalition avec les Verts d’une part, la liste WASG d’autre part), qui ont comme moteur principal de s’opposer comme on est capable de le faire au sein de la gauche, suivent en réalité une convergence antimoderne même s’ils l’ignorent, même s’ils écartent cette interprétation. La position de Schröder contre la politique US, depuis août 2002, répond évidemment à une logique politique fondamentale à laquelle souscrit WASG. De même, et quelles que soient leurs étiquettes électorales et les vaticinations de leurs théoriciens, ces deux mouvements poursuivent la même bataille, du même côté s’entend, que les souverainistes français ou un Jacques Chirac lorsqu’il lui arrive d’être inspiré.