Katrina, mauvaise surprise pour le Pentagone

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Katrina, mauvaise surprise pour le Pentagone


6 septembre 2005 — Il faut dire : Katrina tombe comme un cheveu sur la soupe, ou plutôt dans la soupe DoD-Rumsfeld (Congrès). En d’autres mots, un peu plus collet monté : quel va être l’impact de l’ouragan et de ses suites éminemment politiques sur la situation du Pentagone et du complexe militaro-industriel? Bad news, really bad news

Tout le monde s’intéresse, avec quelque angoisse au cœur, aux conséquences de Katrina sur l’économie US, et donc sur l’économie mondiale. Laissons les experts spéculer et se tromper comme d’habitude. (En 1973, ils avaient prévu une catastrophe pétrolière, comme en 1991. Elle n’eut pas lieu. Par contre, personne aux USA ne vit venir celle de 1979, conséquence de la chute du Shah, fin 1978.) Par contre, l’effet budgétaire et psychologique de Katrina sur la situation du Pentagone et, par conséquent, sur la situation de l’entreprise militaro-économique et technologique qui soutient toute la politique américaniste d’hégémonie (de tentative d’hégémonie) belliciste, voilà qui peut être examiné et qui importe diablement.

Nous nous contenterons d’aligner les divers facteurs qui interviendront. On verra que la somme n’est pas rose pour le Pentagone.

• D’abord, comme on le sait, le Pentagone est dans une situation de crise profonde. Sans Katrina, il était déjà dans une situation pathétique, avec des tensions internes très fortes et des choix douloureux à faire. C’est le contraire de la position de force qui vous protège contre les pressions extérieures ; au contraire, le Pentagone est une cible tentante à l’heure où l’on cherche des boucs émissaires et l’on ne se privera pas de le viser et de frapper fort.

• Katrina renverse l’ordre des préoccupations et des priorités pour la définition de la sécurité nationale. On passe du domaine extérieur au domaine intérieur ; on passe des préoccupations guerrières déjà largement mises en question par la guerre en Irak et l’échec général de la guerre contre le terrorisme, à la question humanitaire intérieure. Tout cela va absolument contre le sens général de la poussée bureaucratique du DoD depuis un demi-siècle.

• Katrina va peser sur les contraintes budgétaires du DoD, déjà très fortes. Deux raisons à cela : le fait direct du coût pour le trésor public de la catastrophe (coût général, selon l’évaluation actuelle promise à grossir, de $100 milliards, dont moins d’un quart sera pris en charge par les assurances ; sur ce point où la sensibilité publique est exacerbée, l’administration GW ne pourra faire jouer son habituelle politique de non-interventionnisme et devrait au contraire être conduite à en rajouter) ; le fait indirect du changement de priorité de sécurité nationale, qui sera fortement ressenti au Congrès, qui va rendre les dépenses du Pentagone impopulaires au profit des dépenses intérieures.

• Justement, Katrina va peser sur l’attitude du Congrès, qui trouvera lui aussi dans cette cause un motif impératif d’activisme politique. Cela signifie que, sur les dépenses et les choix du Pentagone à propos desquels il est déjà chauffé à blanc, le Congrès va se montrer encore plus tatillon, exigeant, pressant et interventionniste.

• A l’intérieur du Pentagone, enfin, Katrina aura son effet. En modifiant les priorités comme on a vu, l’événement renforce la cause de Rumsfeld contre la bureaucratie, des partisans d’une adaptation de l’outil militaire à la diversité des menaces contre les partisans du développement classique des grands programmes conventionnels, type-Guerre froide. On est sûr désormais que la question sarcastique “à quoi aurait servi un F/A-22 ou un JSF dans l’intervention militaire à New Orleans?” va résonner dans les couloirs du Pentagone et dans les salles de réunion de la QDR ou de la programmation budgétaire.

Le dossier du Pentagone, déjà mauvais avec ses dépassements budgétaires et son inadaptation catastrophique aux conflits modernes, va devenir très mauvais dans l’époque “post-Katrina”. Cette époque commence avec la rentrée parlementaire qui vient d’avoir lieu. C’est effectivement au Congrès, dans les auditions de cet automne sur le budget FY-2006, qu’on en aura les premiers échos.

Comme suggéré plus haut, ce mauvais effet se portera également, d’une façon plus large, sur la politique militaro-industrielle et technologique de l’administration GW Bush. Sa popularité en sera encore plus entamée, ce dont elle n’avait évidemment pas besoin. Dans ces domaines de la sécurité nationale, Katrina bouleverse tout.