Rappelez-vous, nous avions fait la guerre à cause du “nettoyage ethnique”…

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Rappelez-vous, nous avions fait la guerre à cause du “nettoyage ethnique”…


15 septembre 2005 — Alors qu’on ne parle plus guère du “front” de New Orleans, une question : un journaliste a-t-il déjà écrit que ce qui se passe à New Orleans et dans d’autres villes de la zone Katrina a bien des raisons d’être désigné comme du “nettoyage ethnique”? (Beaucoup de choses sont rapportées sur Internet à propos de cela, auquel on n’ose encore donner le nom mérité. Nous recommandons les commentaires du site ’Xymphora’, du 14 septembre et les liens qu’il nous ménage.) A la fin des années 1990, lors de la guerre du Kosovo, il fallait porter des sels à un président ou un Premier ministre occidental, anglo-saxon de préférence, lorsque l’expression “nettoyage ethnique” était dite à haute voix et à portée de ses chastes oreilles, — comme si on leur parlait du Diable, les pauvres. C’est à ce propos que nous prenons, ici, la plume électronique, — à propos du Diable ou du “nettoyage ethnique”, c’est selon.

Ce qui s’est passé et se passe encore dans la zone du désastre Katrina est exactement et précisément du “nettoyage ethnique”, Made In USA, avec promptitude et dextérité. Pour ce cas, l’organisation marche bien. Cela permet une application plus directe et plus rentable du “Disaster Capitalism”, à propos duquel Noami Klein nous informait il y a quelques mois, et à propos duquel ‘Xymphora’ à nouveau, décidément fort précieux, nous informe le 13 septembre. Cela implique que le capitalisme post-moderne est partisan des guerres, si possible préventives parce qu’on peut mieux préparer les contrats de reconstruction, et dans tous les cas extrêmement destructrices ; cela signifie que, pour ces gens-là, la guerre a une véritable signification, une véritable vertu de destruction en elle-même, que plus ça casse plus c’est bon. Cela signifie également que ces gens-là sont partisans des désastres “naturels” dont le global warming a commencé à nous abreuver (tsunami, Katrina, etc).

A propos de ce dernier cas du goût du “capitalisme catastrophique” pour les catastrophes naturelles renforcées par le global warming, Klein nous rappelle une intéressante sortie de Condi Rice, la secrétaire d’État dont la tâche principale semble être de nous rassurer à propos du traitement réservé aux gens de couleur à l’intérieur du système : « In January [2005], Condoleezza Rice sparked a small controversy by describing the tsunami as “a wonderful opportunity” that “has paid great dividends for us.” Many were horrified at the idea of treating a massive human tragedy as a chance to seek advantage. But, if anything, Rice was understating the case. »

A propos (suite) du global warming, nous écrivions dans de defensa-papier, rubrique Contexte, dans le numéro du 25 septembre 2003 :


« Lors d’une visite à Washington, au début du mois, un groupe d’experts européens a rencontré de manière informelle quelques représentants des néo-conservateurs. Au cours d’une conversation avec un expert 'neocon' connu, l’un de ces experts européens (un Portugais) parla de l’été brûlant en Europe, de la dégradation de l’environnement, des conséquences avec les incendies. Il parla de son pays, le Portugal, où une superficie supérieure à celle du Grand-Duché du Luxembourg avait brûlé. L’autre l’interrompit : “Cela touche beaucoup de gens ? Quelle catégorie sociale ?” Son interlocuteur répondit : des paysans surtout, et il décrivit cette catégorie sociale comme conservatrice, traditionnelle, etc. L’Américain lui dit alors : “C’est un bien pour un mal. Cela contribue à la disparition de catégories rétrogrades de la population. Ces gens vont se reclasser dans les villes, devenir plus modernes, plus sophistiqués.” La conclusion de néo-conservateurs fut péremptoire : “Vous voyez bien que nous avons raison de nous opposer au Protocole de Kyoto. L’évolution de l’environnement doit être considérée comme étant un facteur non négligeable d’avancement de notre doctrine.”

» L’expert qu’on cite ici insiste sur cette terminologie employée par son interlocuteur : ‘l’évolution de l’environnement’. “Il prend bien garde de ne pas employer les expressions de ‘crise de l’environnement’ ou de ‘dégradation de l’environnement’”. L’appréciation rejoint celle qu’on rencontre parfois dans ces mêmes milieux US sur le pillage du Musée National de Bagdad. Dans ce cas également, et sans préjuger des circonstances réelles de l’attaque contre le Musée ni des intentions des auteurs des pillages s’il y a eu intention organisée, il s’agit, selon les mots d’un commentateur dans ces milieux américains, d’“une attaque contre une structure traditionnelle de type monopolistique, parce qu’imposée par un gouvernement dont le caractère non démocratique est évident.” La thèse est étrange : dans ce cas, l’administration du Musée National par les autorités publiques était un abus de pouvoir, dans la mesure où ce pouvoir est jugé comme ‘rétrograde’ (“caractère non démocratique évident”). »


A propos (suite et poursuite) de la terre d’élection du “capitalisme catastrophique” (notre traduction de “Disaster Capitalism”), l’écrivain américain Gore Vidal dit, dans une récente interview du Monde (nous l’avons déjà cité et nous reproduisons ci-après un extrait de cette citation) : « …alors qu’il prend la précaution ironique de se déclarer athée pour ne pas se trouver dans la même galère que GW (“Oh oui ! Un pur athée. Un athée born again...”), Vidal répond à propos de la religion en Amérique — mais il est entendu, pour nous, que, dans le cas américaniste, la religion n’est qu’un instrument hystérique du système et vraiment rien d’autre:

« “C'est l'œuvre du diable. Il n'y a peut-être pas de bon Dieu, mais il y a sûrement un diable et sa passion dominante, c'est la religion des fondamentalistes protestants. Je crois que mon pays commence, à de nombreux égards, à ressembler à une théocratie. Par le biais de la télévision, les évangélistes lèvent des fonds considérables qu'ils investissent ensuite pour faire élire des obscurantistes attardés. Comme il n'y a pas de système d'éducation publique, la grande majorité de mes concitoyens est d'une ignorance à faire peur. Ils ne savent pas où est l'Irak. Ils prennent tout ce que le gouvernement leur dit pour parole d'Evangile. Bon sang, n'importe quel pays normal se serait révolté contre cette guerre ! Mais nous sommes un pays anormal, gouverné par des experts en publicité mensongère.” »


Gore Vidal parle ici de l’attitude américaine vis-à-vis de la guerre d’Irak. Nous prenons sur nous d’avancer l’hypothèse que son propos peut s’appliquer également à ce qui se passe à La Nouvelle Orléans.

L’activité de “nettoyage ethnique” dans la zone de La Nouvelle Orléans est précautionneusement placée sous la responsabilité de Dieu. Il n’y a aucune raison de ne pas penser que Celui-Ci, — Dieu, on veut dire, — occupe une place d’Honneur de choix dans le Conseil d’Administration qui a présidé à la mise au point de la Doctrine corporate du “capitalisme catastrophique”. Si l’on se réfère à l’analyse de Vidal et à l’habituelle ruse du Malin (la principale ruse du Mal est de se faire passer pour le Bien), nous y sommes.

Il n’est pas question de verser dans l’“antiaméricanisme primaire” qui choque tellement dans les dîners en ville et vous fait prendre, si vous semblez en manifester quelque symptôme, pour un malade, primaire, pervers et ainsi de suite. Il est temps par ailleurs de se frotter les yeux, de bien regarder pour prendre conscience que ce que l’on voit est bien ce qui se passe, et la signification de tout cela. Il est temps de réaliser ce que signifie l’affirmation coutumière et qui va de soi selon laquelle nous avons les mêmes “valeurs” que ces gens-là.