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1677Nous re-publions ce Faits & Commentaires assorti d’un commentaire “au goût du jour”, c’est-à-dire dans le cadre du tonitruement étouffé autour des projets de “globalisation de l’OTAN”, présentés ce jour.
“Plus ça change, plus c’est la même chose”, c’est la rengaine des neocons et de la non-politique américano-bushiste. Les neocons sont toujours là parce qu’il n’y a rien d’autre à Washington pour les remplacer, sinon le désarroi et le désordre généraux. Leurs projets gardent les vertus d’être à la fois trop utopiques pour être réalisables, et trop destructeurs pour être constructifs (sic), — par conséquent, des projets qui ne sont jamais accomplis, jamais confrontés à la réalité. L’Irak est un bon exemple : rien, absolument rien ne s’est passé comme prévu, et d’ailleurs il n’y avait rien de prévu… Cela permet d’arguer que l’aventure irakienne version-neocon a été trahie par les inconséquences de la bureaucratie et de quelques personnalités (d’où la vindicte des neocons pour Rumsfeld). L’échec irakien c’est donc, plus que jamais, une raison pour recommencer, et vite fait, avant qu’on s’aperçoive que le nouveau projet est une sornette. C’est ce que disait in fine le sémillant Perle, toujours bon pied bon œil, “en marge” de la stupide Wehrkunde de la semaine dernière.
Richard Perle, justement…
Le texte ci-dessous, dont nous aurions tendance à ne pas retirer une ligne, pourrait servir de canevas aux nouvelles (oups) perspectives de “globalisation” de l’OTAN. Avant même d’arriver à quoi que ce soit, le bataclan américaniste sera précédé d’un tel désordre qu’il pourrait bien, après tout, avoir la peau de l’OTAN. La seule question qui conserve un poil de rationalité (comptable dans ce cas) est de savoir s’ils (les américanistes) arriveront à vendre leur quincaillerie (des gros C-17 de Boeing, très, très chers) avant que tout cela sombre dans la Foire de Babel.
Faits & Commentaires, dedefensa.org, 28 novembre 2002
Voilà une idée dans l'air, et elle l'est notamment et précisément puisque Richard Perle l'énonce. Dans ce court extrait d'une intervention de à une conférence de la Trilatérale à Prague, Perle pose une question qui est aujourd'hui dans l'esprit des inspirateurs neocons de la politique américaine : pourquoi l'OTAN ne remplacerait-elle pas l'ONU ? Cette approche explique notamment pourquoi l'élargissement de l'OTAN a eu lieu, littéralement, “comme une lettre à la poste”, et pourquoi on parle déjà d'un élargissement suivant aux pays de l'ex-URSS et de la région du Caucase, voire à d'autres zone asiatique et pacifique.
Le texte publié est court et, apparaissant comme extrait de l'intervention de Perle à une conférence, mérite d'être cité in extenso. Il doit fixer, pour beaucoup d'entre nous, les termes d'un débat qu'on va voir et entendre se poursuivre dans les mois qui viennent. Il revient implicitement à proposer que l'OTAN remplace l'ONU...
« I am very troubled at the idea that the United Nations is the sole legitimizing institution when it comes to the use of force. Why the United Nations? Is the United Nations better able to confirm legitimacy than, say, a coalition of liberal democracies?
» Does the addition of members of the UN like China, for example, or Syria add legitimacy to what otherwise might be the collective policy of countries that share our values? I don't think so. It's a dangerous trend to consider that the United Nations, which includes a very large number of nasty regimes, is somehow better able to confirm legitimacy than other institutions like the European Union or NATO.
» The UN is in grave danger of going the way of the League of Nations, by failing to rise to an obvious challenge — the expulsion of the inspectors, the violation of a dozen different resolutions.
» Votes are bought and sold at the UN. It is an institution that I once heard Helmut Schmidt refer to as a “sandbox for the Third World.” That's a patronizing view of it - but it has not yet reached the point where anyone would be wise to rely on its ability to protect the interests of any one of us.
» I hear it said that the UN is imperfect but it's the only one we've got. It seems to me that if you've got a fire extinguisher that you know won't work, you don't approach a fire with it because it's the only one you've got. You find another way to put out the fire! The UN has its role, but the mistake is in relying on the UN to do things that the UN cannot do.
» Why is the United Nations a greater source of legitimacy than NATO? NATO has every capacity to become a legitimizing international institution with respect to the use of force because it is composed of liberal democracies that have exhibited since its inception an absence of self-aggrandizement and a responsible effort to bring about peace and stability. Why shouldn't NATO be as legitimate as the UN, which happens to contain a lot of dictatorships? »
Il y a quelques morceaux de bravoure, — comme celui de condamner l'ONU notamment parce que les votes achetés y sont, si l'on peut dire, monnaie courante. Venant d'un homme proche de l'actuelle administration et venant d'un washingtonien qui connaît la musique, c'est-à-dire d'un homme appartenant à un un pays dont la pratique d'achat de votes (sans compter d'autres méthodes) est courante, la critique est déconcertante. Elle s'explique par la certitude, ancrée dans l'esprit de Perle, que tous les actes américains sont vertueux et qu'il n'est pas question d'y faire figurer cette pratique, quand elle est américaine, comme condamnable.
L'important est qu'il marque bien l'offensive politique US qui se développe. Il marque bien, indirectement, combien la session d'automne à l'ONU menée par la France a été durement ressentie à Washington, à la fois comme un affront et comme un obstacle inadmissible. Pour qu'une telle idée soit née, qui est à la fois la condamnation du multilatéralisme non complètement manipulé par les US et une proposition d'un multilatéralisme complètement manipulé par Washington, de la part d'hommes (comme Perle) qui détestent le multilatéralisme, il faut que le coup ait été rude.
Cette proposition implique par ailleurs l'étrange certitude que les USA pourront continuer à manipuler l'OTAN comme ils l'ont fait jusqu'ici à 15, 16 et 19, dans le cas où l'OTAN compterait, disons, 150 ou 160 États (on met à part les rogue states qui, selon l'idée de Perle, seraient probablement mis à l'index d'une telle construction multilatéraliste). Elle implique également l'étrange certitude qu'une telle “société des nations” militarisée (un délice pour les esprits neocons et libéraux) pourrait fonctionner avec 150 à 160 droits de veto (ce qui est le statut de fonctionnement de l'OTAN de facto , puisque toute décision doit être prise à l'unanimité), — à moins de changer ce statut, ce qui promettrait du sport pour déterminer qui garderait et qui perdrait ce droit, à moins que personne ne l'ait.
Certains commentateurs pourraient également avancer que cette idée devrait être soutenue par ceux qui souhaitent mettre des obstacles sur la politique de Washington. Présentée par Perle comme génératrice d'un ordre nouveau, et implicitement comme l'idée d'un ordre qui serait aisément manipulée par Washington, elle serait en fait génératrice d'un désordre extraordinaire. (La foire à “l'achat des votes” pourrait prendre un caractère extravagant dans une OTAN “onufiée”, laissant l'ONU au rang des enfantillages.) En un mot, le but des neocons et des washingtoniens, leur instinct pourrait-on dire, voire leur inconscient, c'est plus que jamais la déstructuration et le désordre. Le neo-multilatéralisme de Perle, c'est une nouvelle proposition pour tenter de briser une nouvelle structure. (Il est possible que cette idée prenne prochainement, une forme plus officielle à Washington, Perle étant présenté en général à la fois comme l'inspirateur et l'avant-garde des nouvelles idées washingtoniennes.)