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1826Nous suggérons dans notre F&C de ce jour sur la situation française l’emploi du terme “décliniste” plutôt que “déclinologue” pour désigner ceux qui avancent la thèse que la France est en déclin. (Le chef de file médiatique de cette “école de pensée” est Nicolas Baverez.) Sur Google, consulté ce matin, on trouve 396 références à “déclinologue” et 306 à “décliniste”, — ce qui montre qu’il y a là un débat implicite qui mérite d’être explicité. La différence entre les deux termes est fondamentale. Le débat sémantique est, dans ce cas, un débat d’opinion et de déguisement d’opinion.
A bien comprendre le terme, les “déclinologues” sembleraient être les membres d’une sorte de “science” qu’on nommerait par conséquent “déclinologie”, — c’est-à-dire, pour ce cas, la “science” de l’étude du déclin (français), comme il y avait in illo tempore (époque de l’URSS) les “kremlinologues” pour étudier soi-disant scientifiquement les mystères de la situation politique du Kremlin. C’est une objectivation bien dans la manière des courants intellectuels français dominants ; c’est-à-dire un tour de passe-passe sémantique hypocrite permettant d’affirmer l’existence objective de ce qui n’est que l’objet du débat polémique ; permettant d’affirmer in fine que le déclin (français) existe puisqu’il est l’objet d’une observation extérieure soi-disant “scientifique” ; permettant d’affirmer, enfin, que ce qui reste à être tranché à l’issue du débat (déclin ou pas?) est tranché avant que le débat n’ait commencé…
Pour être plus proche de la réalité et plus conforme au sens des choses dans ce cas où il importe de l’être précisément, nous sommes évidemment partisans de parler de “déclinistes” (et de “déclinisme”) et nullement de “déclinologues”. Le suffixe “isme” décrit une opinion ou un “système d’opinion”, c’est-à-dire un engagement. Les “déclinistes” seraient des “partisans du déclin”, ou plus précisément pour le débat en cours, des “partisans du fait de l’existence du déclin” (français dans ce cas). Par ailleurs, on peut, par hypothèse largement fondée, garder la définition initiale et avancer que les déclinistes français actuels sont réellement des partisans du déclin du “modèle français” (ce dernier terme ayant une signification politique, économique et culturelle entendue par tous).
Dans tous les cas, “décliniste” correspond évidemment mieux à la situation intellectuelle que “déclinologue”, en écartant l’hypocrisie de se dire observateurs scientifiques d’un déclin pré-existant à cette observation. Les Américains étaient à cet égard plus honnêtes lorsqu’ils parlaient, dans les années 1980, de leur “école décliniste” à la suite des travaux de Paul Kennedy sur le déclin supposé de la puissance américaine (Rise and Fall of the Great Empires, 1987). Kennedy était un partisan de la thèse de ce déclin et il était par conséquent le chef de file l’école décliniste. Il n’a jamais été désigné comme un “déclinologue” ni ne s’est désigné lui-même de la sorte, ce qui eut supposé acquis le fait du déclin de l’Amérique.
Mis en ligne le 17 mars 2006 à 06H43
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