Le nucléaire contre l’Iran? Le Pentagone semble ne pas être chaud du tout

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C’est une intervention intéressante que celle de Linton Brooks, undersecretary of energy for nuclear security au Pentagone, lors d’une rencontre avec le Defense Writers Group le 11 mai. Nous empruntons au Daily Report de Air Force Association (AFA) du même jour le rapport de deux des principaux axes de cette intervention. Nous en donnons ensuite une rapide interprétation.

« The Hardest Targets. It is “very clear that there are underground structures in the world that are beyond the limits of US power” to destroy, said Linton Brooks, undersecretary of energy for nuclear security, in a meeting with the Defense Writers Group Thursday. Deterrence is improved if nations know they are not sheltered from US retaliation, he asserted, adding that nuclear weapons are not to be taken lightly. “I don’t think there is any question that there is a military requirement” to hold these underground facilities at risk, he said. A national debate centers on whether nuclear weapons should be developed for this purpose. So far, Congress has said no and has refused to allow the development of the Robust Nuclear Earth Penetrator.

» Big Sticks. If the US does eventually develop penetrating nuclear weapons capable of knocking out buried military sites, don’t expect the weapons to be neat. There is “certainly no way” to avoid a large amount of radioactive fallout if an earth penetrating nuclear weapon is delivered through “traditional delivery modes,” Linton Brooks told defense reporters Thursday. Shaping or hardening the case of an existing weapon would only allow the weapon to plow a few meters into the earth. It would still, essentially, be a surface burst. The undersecretary of energy for nuclear security said use of a penetrating weapon would allow a given target to be attacked with a smaller warhead, but the choice is between “lots of fallout and even more fallout.” The notion of a “surgical nuclear war” is a fallacy, said Brooks, adding, “The idea that the use of nuclear weapons is other than unimaginably destructive is not a helpful idea.” He continued, “If you want to use brute force, then nuclear weapons are attractive,” but the best solution is to find ways to hold underground facilities at risk “through conventional means.” »

Le premier point (“The Hardest Targets.”) est un classique: il s’agit de convaincre le Congrès, par l’intermédiaire des médias, de l’importance considérable des systèmes nucléaires de destruction par pénétration. Argumentation classique de type bureaucratique, rien à redire. Pour autant… Le deuxième point (“Big Sticks”) nous paraît beaucoup plus intéressant, en même temps qu’il constitue une argumentation en partie contraire à la promotion que fait Brooks dans son premier argument.

Brooks s’échine à avertir les journalistes, par conséquent le Congrès, le public, etc. : les armes nucléaires de pénétration selon l’utilisation envisagée actuellement (entrée dans le sol par le haut) restent des armes nucléaires avec tous les effets secondaires et collatéraux catastrophiques. Il s’agit de systèmes du plus haut degré de destruction intervenant dans des domaines déstabilisants (radiations notamment), ouvrant la voie à l’inconnu en matière de conflit comme il n’a jamais été expérimenté auparavant (les deux bombes atomiques contre le Japon ont été utilisées en période de monopole US, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui).

Notre interprétation de ce deuxième point, notamment la véhémence implicite de la plaidoirie de Brooks («  The notion of a “surgical nuclear war” is a fallacy, said Brooks, adding, “The idea that the use of nuclear weapons is other than unimaginably destructive is not a helpful idea” »), est qu’il reflète l’extrême réticence du Pentagone devant certaines idées d’emploi du nucléaire contre l’Iran. (Brooks insiste même sur le fait que la meilleure solution demeure de rechercher la destruction de l’objectif “through conventional means”.) Il s’agit de contrer les arguments de certains neocons particulièrement “allumés”, tel Michael Ledeen, selon lesquels une intervention nucléaire “chirurgicale”, sans effets catastrophiques, est possible.

Par le fait même, l’argument comme nous l’interprétons serait la confirmation qu’effectivement un tel emploi est envisagé. Il donne un certain crédit à diverses informations, dont celles de Seymour Hersh, selon lesquelles l’opposition des militaires à une telle option prendrait des formes concrètes (menaces de démission).


Mis en ligne le 12 mai 2006 à 14H26