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1er janvier 2007 — Cette année sera sans aucun doute la première année de la mobilisation globale contre la Grande Crise universelle qu’est la crise climatique. Dans un article qu’il publie aujourd’hui dans The Independent, Sir David King, conseiller scientifique du Premier ministre et du gouvernement britannique, met en évidence que 2006 fut un tournant dans la réalisation de la gravité de la crise climatique, — ce qui est complètement notre opinion, — et que 2007 ouvre nécessairement une nouvelle époque de mobilisation et de lutte contre cette crise.
«For those of us seeking to tackle the threat of climate change, 2006 was an encouraging year. At the start of the year, the conversation — when it took place at all — was about whether climate change was really happening. That discussion is now over.
»This public shift has been mirrored in the political and industrial arenas. Australia was once vehemently opposed to the Kyoto Protocol, and indeed to any government-based incentives to attempt to cap carbon emissions. But in November, the Australian Prime Minister, John Howard, announced that fiscal measures were now necessary to deal with global warming. California, under Republican Governor Arnold Schwarzenegger, has even promised to reduce its emissions by a full 80 per cent by the year 2050, which is the highest formal commitment made anywhere in the world.
»Companies too have begun to recognise that climate change is not just a threat but an opportunity. Earlier this year retail giant Wal-Mart announced it had reduced energy consumption (and therefore energy costs) by 42 per cent. With their internal emissions trading scheme, BP saved $650m (about £340m) over three years, and others are following suit.
»And of course, in November there was the Stern report, which finally put paid to the tired arguments that dealing with climate change is too costly to the economy. As Nick Stern demonstrated clearly and effectively, tackling climate change need not cost the Earth. It is only if we make no effort to curb emissions that the world economy will be crippled. All political, economic and social arguments now point to the same conclusion. We need to deal with carbon emissions, and we need to start now.»
On voit par ailleurs la place importante que The Independent accorde aujourd’hui à la crise climatique. Avec cette spécialisation dans ce domaine, le journal et son contenu du jour nous donnent sans aucun doute une excellente indication de l’importance de l’événement, qui peut être défini comme l’arrivée à maturité politique de la crise climatique. Son poids sur nos politiques et sur les relations internationales ne va cesser de s’accroître.
Le meilleur signe et le signe le plus convaincant que la Grande Crise entre dans nos mœurs politiques, c’est dans les nuances des arguments pour lutter contre la crise qu’on les trouve. On voit se dessiner les grandes lignes des deux tendances qui vont s’affronter à l’intérieur de ce cadre nouveau : les réformistes et les radicaux, — d’une part, ceux qui disent que les choses peuvent être contenues, sinon résolues, sans apporter des modifications fondamentales au système tel qu’il est ; d’autre part, ceux qui disent que les problèmes sont tellement gigantesques, la logique de la crise tellement puissante, que les mesures recherchées doivent passer par des changements extrêmes, voire une mise en cause du système. On pourrait être tenté de dire que c’est la capacité du système à réagir rapidement à la crise qui réglera le conflit entre ces deux tendances ; c’est dans tous les cas une appréciation à considérer en théorie.
• Manifestement, Sir David fait partie désormais de la première tendance. Son article est d’une tonalité très nouvelle pour lui, qui tranche par rapport à ce qu’il disait et ce qu’il faisait ces dernières années. Aujourd’hui, Sir David est “optimiste” et il ne doute plus qu’il y ait désormais une chance sérieuse de l’emporter contre la crise climatique («At last, I'm hopeful about climate change. Events last year have brought the prospect of tackling global warming a giant leap forward»). Selon lui, et avec une référence directe au rapport Stern, la lutte contre la crise climatique ne changera rien de fondamental au système : «[I]n November there was the Stern report, which finally put paid to the tired arguments that dealing with climate change is too costly to the economy. As Nick Stern demonstrated clearly and effectively, tackling climate change need not cost the Earth. It is only if we make no effort to curb emissions that the world economy will be crippled.»
Tout le texte de Sir David respire le même optimisme roboratif, le même entrain, le même élan. Après avoir connu quelques problèmes de relation avec Tony Blair (en 2003-2004) parce qu’il n’était pas encore opportun de parler de la crise climatique avec un GW Bush triomphant qui n’en voulait pas entendre un mot, les choses ont changé. Bush ne pense plus qu’à l’Irak et n’est plus triomphant, Tony Blair s’affiche comme un guerrier anti-“global warming” tandis que Gordon Brown en sera, lui, le chevalier blanc. En échange, Sir David adopte le ton optimiste qui sied au New Labour.
• L’interview également publiée par The Independent de Fred Hansen, ce scientifique de la NASA qui fut censuré pendant quelques années par les bureaucrates de la communication américaniste, est beaucoup moins enthousiasmante. Hansen, qui proclame depuis presque vingt ans que l’espèce est en danger, voit les mêmes choses que Sir David avec une humeur bien plus sombre, — laquelle n’est pas vraiment excessive lorsqu’on réalise les difficultés qu’il y a à former une unité de pensée et d’attitude entre des directions politiques marquées par le conformisme de la pensée et la médiocrité dans l’appréciation de leurs intérêts. («In an interview with The Independent, Jim Hansen, who was one of the first scientists to warn of climate change in scientific testimony to the US Congress in 1988, claimed that we have less than 10 years to begin to curb carbon dioxide emissions before global warming runs out of control and changes the landscape forever.»)
Effectivement, comme l’observe l’éditorial de The Independent, «[t]he argument has been won, but unless this new consensus produces the kind of leadership necessary to curtail climate change it will prove a hollow victory indeed».
Il y a en effet une assez forte probabilité que l’action contre la crise climatique ne démarrera pas du jour au lendemain comme l’espère Sir David. Il n’est pas impossible que l’appréciation d’un Anatol Lieven soit par contre fondée, — telle que Lieven l’exprime nettement :
»The question now facing us is whether global capitalism and Western democracy can follow the Stern report's recommendations, and make the limited economic adjustments necessary to keep global warming within bounds that will allow us to preserve our system in a recognizable form; or whether our system is so dependent on unlimited consumption that it is by its nature incapable of demanding even small sacrifices from its present elites and populations.
»If the latter proves the case, and the world suffers radically destructive climate change, then we must recognize that everything that the West now stands for will be rejected by future generations. The entire democratic capitalist system will be seen to have failed utterly as a model for humanity and as a custodian of essential human interests.»
D’ores et déjà l’opinion implicite d’un Fred Hansen, partagée en demi-teinte par l’édito de The Independent et reprise jusqu’à l’extrême de sa logique par Lieven, est largement représentée dans la communauté scientifique internationale. Au reste la complexité et les contradictions de la situation la justifient. On le comprend lorsqu’on voit la Commission européenne se mobiliser contre le global warming et, en même temps, appeler à un redoublement de l’activité économique (celle qui alimente le global warming) européenne face aux nouveaux colosses capitalistes (Chine, Inde), eux-mêmes alimentant le même global warming ; — mais que faire d’autre ? — et c’est évidemment rencontrer les craintes de Lieven («...our system is so dependent on unlimited consumption that it is by its nature incapable of demanding even small sacrifices from its present elites and populations»).
Le pessimisme est aujourd’hui un sentiment répandu et il se répandra encore plus si les mesures nécessaires et urgentes ne sont pas adoptées. Il s’agit bien ici du pessimisme de la communauté scientifique, ce qui ouvre des perspectives nouvelles et bouleversantes pour nos conceptions. La civilisation occidentale est fondée sur l’optimisme scientiste, qui soutient le mythe du Progrès sans lequel nos valeurs et nos conceptions s’effondrent. Pour la première fois d’une façon universelle, après une première alerte théorique lors de l’apparition de la Bombe Atomique, la science occidentale se découvrirait porteuse d’une vision radicalement pessimiste de sa propre destinée. Cette vision crépusculaire fait ainsi envisager que la crise climatique susciterait un effondrement des conceptions de la civilisation occidentale, parallèlement aux dangers physiques et climatiques qu’elle ferait peser sur elle.
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