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64310 février 2007 — Toutes nos exclamations effrayées, toutes nos appréciations incrédules n’ont aucun sens. C’est dans tous les cas ce que doit furieusement penser l’USAF. (Toutes nos excuses à l’USAF.)
Aujourd’hui, avec le budget du Pentagone FY2008, l’USAF a un trou considérable, elle a besoin de $20 milliards de plus par an pendant vingt ans. C’est le côté “verre à moitié vide” alors que nous nous sommes exclamés à propos du côté “verre à moitié plein” (en fait, hein, bien plus qu’à “moitié plein”, nous semblait-il.).
Ci-dessous, voici un extrait d’un texte de commentaire de l’Air Force Association (Air Force magazine) en date du 5 février 2007, dont le titre est déjà dramatique : «How to Break an Air Force.» Le texte l'est également.
«The Bush Administration budget to be released today simply doesn’t permit anything like a reasonable rate of equipment replacement for the Air Force and drives a steady decay in readiness. “We are being forced to accept significant risk,” a senior service official told reporters in a background briefing Friday afternoon. Air Force leaders hope to persuade both the Defense Department and Congress that it needs an extra $20 billion a year for the next 20 years.
»The Air Force has been fighting in the Middle East for more than 16 years and continuing funding constraints are exacting a toll. The number of USAF units falling into “yellow” and “red” readiness conditions has risen over the past three fiscal years, with reds rising from 15 percent in 2004 to 20 percent in 2006 and yellows from 17 percent to 25 percent. And the 2008 defense budget will exact a greater toll, cutting flying hours by 10 percent and reducing depot maintenance to 77 percent of requirements.
»The service’s ability to replace its aging aircraft inventory is faltering—badly. Fighter recapitalization under the new budget numbers will be on a 50-year rate. That means it will be 50 years between production of the last USAF F-16 and the last of its replacement, the F-35 Joint Strike Fighter. Unless the service can build the new fighters at a rate of about 110 per year starting in 2013, the F-16s will retire due to old age before the F-35s are fielded. However, under current budget projections, USAF can only fund 48 per year. That means it will take about 40 years to buy all 1,763 F-35s that the Air Force needs.
»“Clearly, this is not going to work,” asserted the senior USAF official.»
Bien sûr, l’USAF n’est pas seule à se débattre dans une comptabilité cauchemardesque. Elle est même (avec d’autres services) paradoxalement l’objet de convoitises, dans une mesure telle qu’on craint le retour d’affrontements sauvages entre services, des “raids” de pirates de l’un ou l’autre pour littéralement “dérober” quelques $milliards dans le budget du confrère et néanmoins frère d’arme.
Aviation Week & Space Technology nous signale, le
(…)
»Nonetheless, “the Air Force and Navy are very, very nervous that ultimately they will have to pay if the Army and Marine Corps [are enlarged],” says Robert Work, a CSBA analyst and former military assistant and senior aide to former Navy Secretary Richard Danzig. “How Congress handles this will really determine [if] the flames of inter-service rivalry are fanned or dampened. If Congress starts raiding certain funds, and shifting [the money] among the services, it could really get ugly like it did after World War II,” he says, when the Navy's admirals revolted over Air Force dominance in funding.
»“The Army has never appreciated the F-22 [stealth fighter] or F-35 [Joint Strike Fighter] and wants to focus on such big-ticket items to siphon off a few billion dollars here and there,” the senior Air Force official says. The Air Force's new KC-X and additional C-17s could also be targets, say those concerned by Army budget demands.»
Il faut prendre cette remarque dans toute sa rigueur : il y a deux mondes, — le nôtre, le vôtre, le mien d’une part, — celui du Pentagone tout seul d’autre part. Dans le premier, c’est bien d’un “budget gargantuesque” dont il s’agit. Dans le second, le budget est minable, une chose de misère. Cette courte analyse concerne le second…
En décidant de mener littéralement deux sortes de guerre, — l’une à multiples théâtres dans notre monde réel, de l’Afghanistan à l’Irak, l’autre à multiples ambitions technologiques dans son propre monde virtualiste, d’une exigence bureaucratique à l’autre, — le Pentagone s’est enfermé dans une spirale infernale. Il est déchiré entre deux tendances :
• D’une part un budget colossal (gargantuesque), qui pèse de plus en plus lourd sur Washington, qui accroît le gaspillage plus que le volume des forces, qui finit par effrayer les alliés des USA par son inefficacité. (Le rétablissement de la “vérité fiscale” du budget, c’est-à-dire l’inclusion des dépenses de guerre dans le budget au lieu de procéder par “suplementals” saisonniers, a été une terrible erreur de communication. Désormais, le véritable volume officiel de $650 milliards, — en réalité, d’autres postes dissimulés devraient être rajoutés, — est dans toutes les têtes, et il se compare aux pitoyables résultats de la puissance militaire US dans le monde. C’est une image dévastatrice de gabegie, de gaspillage, d’absurdité gestionnaire.)
• D’autre part, un budget insuffisant pour les exigences des forces, à la fois les missions réelles et les missions virtualistes. Ce dernier aspect est de plus en plus dramatique, comme nous en avons eu quelques exemples plus haut.
Aujourd’hui, aucune force au Pentagone n’est à un niveau acceptable pour rencontrer toutes les exigences de diverses orientations suivies. L’USAF veut $20 milliards de plus par an, l’U.S. Army et le Marine Corps, plus de $30 milliards à eux deux pour les unités de combat terrestre, la Navy entre $10 et $15 milliards. On n’est pas loin de constater un trou de $100 milliards annuels dans un budget qui fait aujourd’hui, guerres comprises, au minimum $650 milliards. Le vertige est garanti.
D’autre part, à cause de l’effet produit par la réalité fiscale du budget (disons, le budget dans le monde réel), il est quasiment impossible, du point de vue de la communication, de rencontrer les augmentations que demandent les forces. (On n’imagine pas qu’il soit possible que le Pentagone puisse demander $750 milliards en février prochain, pour la FY2009. Il y aurait un tel tollé que l’administration ne peut y songer.) Ces augmentations peuvent nous paraître surréalistes et absurdes, elles sont néanmoins nécessaires au bon fonctionnement de la chose. C’est tout le système qui est surréaliste et absurde, pas la seule demande d’augmentation qui est logique à l’intérieur du système.
Appréciés de ce point de vue, le Pentagone et son énorme budget sont plus que jamais en marche vers un désordre grandissant et une aggravation de la crise endémique du système. Tout cela n’en est que plus spectaculaire, quand cela se fait au rythme d’une dépense de $2 milliards par jour, pour le résultat qu’on constate chaque jour, — entre la catastrophe irakienne et le F-22 à $350 millions l’unité qui ne fonctionne pas à cause des tentatives de brouillage des communications des rebelles irakiens. Ce mélange intime des absurdités diverses du monde postmoderne fait tout le charme du complexe militaro-industriel. Le travail d’analyse en est ainsi facilité : il suffit d’observer le Pentagone pour comprendre les divers fondements de la crise de notre temps. Le Rumsfeld du 10 septembre 2001 ne pensait pas différemment.
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