Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
233212 mars 2007 — Les partisans de Chuck Hagel reconnaissent que sa base de départ n’est pas rêvée. «The conventional (Republican) wisdom is to discount Hagel's organizational and financial capabilities and point to his low poll numbers (he's currently at 1 percent)…», écrit le libertarien (et rédacteur en chef d’Antiwar.com) Justin Raimundo, dans sa chronique du jour. Qu’importe ! Le même Raimundo estime qu’une candidature Hagel est ce qu’attend l’Amérique profonde, et qu’une élection de Hagel en 2008 est la seule sauvegarde possible du parti républicain, et peut-être des Etats-Unis.
«…Most importantly, the Hagel campaign will legitimize anti-interventionist arguments and inject them into the national conversation in a way that will destroy the whole red/blue, partisan political dichotomy that keeps the War Party in the saddle. By characterizing all opposition to our foreign policy of relentless aggression as a partisan ploy – the work of Bush-hating left-wing Democrats – war-supporters have not only shored up their (shrinking) base, they've effectively neutralized the opposition. For the war hero ex-Marine, with his gruff no-nonsense voice and his quintessentially Republican resume – no one in the Senate voted with the White House more than Hagel – to stand up and speak out against the war in such uncompromising and combative terms smashes that stereotype for good.
»Hagel insists he's not an “antiwar” candidate, but this is precisely what I mean about the effective stereotyping of all opposition to the neocons' foreign policy: critiques of the war not steeped in either pacifism or blame-America-first leftism are simply inconceivable. What Hagel doesn't seem to understand, quite yet, is that his campaign will do much to erase the red/blue paradigm at a time when it is doing the most damage possible. But that's okay: historic figures almost never comprehend the impact or larger meaning of their actions, except in retrospect. That's why we have political analysts and pundits.»
Si nous insistons sur l’argument de Raimundo, c’est parce que ce critique acharné de la politique interventionniste US n’a pas l’habitude de couvrir de fleurs un sénateur, nécessairement membre par ce fait de l’establishment washingtonien. Au reste, Hagel, dont l’annonce probable de la candidature est imminente (peut-être aujourd’hui, lors d’une conférence de presse), est une personnalité qui attire beaucoup d’attention. Un commentateur aussi avisé, républicain modéré très influent à Washington, que Steve C. Clemons est un partisan inconditionnel de Chuck Hagel. Dans un commentaire d’un discours sur l’Iran de Hagel, Clemons écrivait le 22 février :
«I think that Hagel's speech is visionary and, yes, i will say it — presidential.
»I think this speech says things, meaningful things. It makes concrete proposals about how to get America's foreign and national security portfolio back in shape and offers suggestions that Americans can debate.
»Some will attack Senator Hagel — from the right and the left — but this will also serve as a clarion call to others to rally to this sort of sensible, problem-solving enlightened American realism in foreign affairs.
Sénateur du Nebraska, ancien Marine et combattant du Viet-nâm, Hagel s’est taillé une stature de “sage” sans avoir pour cela à changer d’avis une fois par semaine ou à brandir de nouvelles menaces contre de nouveaux pays une fois par mois. Il nous change heureusement des “vedettes” type McCain ou Giuliani, ou Clinton du côté démocrate, obsédées par les sondages et incapables de se détacher de la fascination du bellicisme proclamatoire introduit par Bush et ses acolytes après 9/11. Hagel est sans aucun doute un homme honorable.
…Honorable, sans aucun doute, — mais cela suffit-il ? Nous ne parlons même pas de la campagne électorale mais de l’élection faite et supposant Hagel ou un homme de sa trempe élu, homme de bonne volonté, raisonnable, au caractère affirmé et étranger à la démagogie clinquante du type “neocon”. Hagel tranche évidemment sur la cohorte qu’on a signalée plus haut et tout montre que ses conceptions, sa façon de voir, sa perception de la crise répondent au sentiment d’une majorité d’Américains, voire d’une majorité de l’establishment washingtonien. Nous répétons notre question : cela suffit-il ?
C’est une mesure de la profondeur de la crise US que de voir ainsi les “favoris” proliférer, dans les sondages autant que dans les déclarations d’intention, et de constater qu’on est encore à la recherche de l’oiseau rare, et de constater que l’oiseau rare peut tout de même survenir. C’est une autre mesure de cette crise de lire, comme nous le signale Raimundo, que Hagel, s’il est finalement candidat, pourrait aussi bien se dégager du cadre des partis traditionnels pour se présenter comme indépendant :
«Another fascinating possibility is that, having failed to save the GOP from the neocons and its own worst impulses, Hagel will run as a third-party candidate, possibly on a bipartisan ticket under the rubric of the “Unity ’08” movement. If it happens, we could see another seismic shift with long-term consequences: the breakdown of the two-party system. Another happy development, as far as I'm concerned…»
On observe combien, mais cette fois avec beaucoup plus d’ampleur, — on est encore à 16 mois de la désignation officielle des candidats et à 11 mois des premières “primaires”, — l’élection présidentielle américaniste ressemble par son mélange déroutant de certitudes systémiques et d’incertitudes anarchiques (du point de vue du système) aux présidentielles françaises. Les deux pôles de perception de la crise (les USA et la France) expriment également cette même crise qui n’a rien à voir avec les frontières et avec les situations politiques, qui les dépasse toutes, qui a évidemment l’allure d’une crise de civilisation. Les soubresauts causés par cette crise systémique/de civilisation qui nous secoue ne se font même plus sentir à l’extérieur du système mais à l’intérieur. L’inquiétude puis l’angoisse ont finalement gagné le système lui-même.
Un homme peut-il sauver un système si complètement à la dérive? (On parle ici de Hagel, selon la considération la plus radicale, celle de Raimundo.) Il y a tant d’arguments pour en douter ! Sans doute le plus déterminant de ces arguments est bien que les Américains eux-mêmes n’ont pas pris conscience de l’ampleur de la crise qui les touche, — et nous parlons là des Américains jusqu’aux plus critiques du système, jusqu’aux plus “dissidents”, comme Raimundo par exemple.
Nous avons écrit cette chronique intentionnellement sans attendre la possible/probable annonce de Hagel qu’il est candidat (mais aussi, la possibilité, plus faible mais qui existe, qu’il ne le soit pas) ; la chose pourrait être dite aujourd’hui lors de sa conférence de presse de 10H00 (17H00 pour nous). Il s’agit ainsi de bien montrer combien l’importance incontestable d’une candidature Hagel reste relative, même si elle aboutissait, au cas où Hagel se déciderait dans ce sens, par une élection d’une incontestable importance historique elle aussi. Finalement, c’est la réponse implicite à la question que nous nous posons : nous croyons que, malheureusement, le système, la machine est désormais bien trop loin dans sa dynamique de puissance aveugle et déchaînée pour qu’un homme puisse la stopper, la dompter et la contrôler.