Le système au bout de lui-même

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Le système au bout de lui-même


15 mars 2007 — Le même Justin Raimundo qui s’extasiait aux possibles projets de Chuck Hagel ne trouvait hier que ce mot : “trahison”, — pour désigner le comportement du Speaker démocrate de la Chambre des Représentants, la très élégante et très charmante Nancy Pelosi. Récemment encore, Jean-Philipe Immarigeon nous rappelait avec quels transports les pro-américanistes des salons parisiens avaient accueilli l’élection de cette femme au troisième poste du système (le Speaker est deuxième dans la ligne de succession du président en cas d’accident) :

«Nancy Pelosi, écrivait Philippe Labro, est le symbole même de la grandeur de l'Amérique, puisque son élection cloue le bec à tous les détracteurs (raisonnement dont la logique est d'autant plus belle qu'elle est totalement incompréhensible).»

Résumons le reproche que l’on adresse à Pelosi (et à la direction démocrate à la Chambre) à ceci : elle et sa direction sont intervenues pour modifier le projet de loi (sur les dépenses militaires) auquel travaille la Chambre dans un sens absolument restrictif. leur intervention ôte tout ce qui pourrait ressembler à une contrainte constitutionnelle impérative pour contrôler tout engagement d’une attaque ou d’une guerre contre l’Iran par l’administration Bush. Le résultat est qu’un tel projet n’est plus soumis à une nouvelle autorisation du Congrès, comme le voulaient au départ les rédacteurs du projet de résolution.

Raimundo résume le cas comme ceci :

«Read it and weep:

»“Top House Democrats retreated Monday from an attempt to limit President Bush's authority for taking military action against Iran as the leadership concentrated on a looming confrontation with the White House over Iraq. Officials said Speaker Nancy Pelosi and other members of the leadership had decided to strip from a major military spending bill a requirement for Bush to gain approval from Congress before moving against Iran. Conservative Democrats as well as lawmakers concerned about the possible impact on Israel had argued for the change in strategy.”

»… To begin with, the president has been given the green light to attack Iran. Withdrawing this provision from the spending bill is an act not just of complicity, but of open collaboration with the Bush administration's war plans. When the bombs begin to fall, and the Democrats rise up in a yowl of righteous indignation, the president will be quite justified in doing this.

»Secondly, the Democrats are either being dishonest or they lack fundamental knowledge of geography, because Pelosi is attacking the president for his Iraq “surge” even as she gives him the go-ahead for a super-surge right across the border in Iran….»

Le même argument peut être trouvé dans diverses autres colonnes, par exemple par Linda O'Brien, sur le site CommonDreams.org. Quelques lignes suffisent :

«“Officials said Speaker Nancy Pelosi and other members of the leadership had decided to strip from a major military spending bill a requirement for Bush to gain approval from Congress before moving against Iran.” — Associated Press.

«Once again members of Congress, this time led by the Dems, have betrayed the safety of the United States to protect their political hides.»

La pente fatale

Si l’on ajoute, au comportement de Pelosi, celui de Clinton tel que nous le rapportons, il reste bien peu d’espoir à cultiver sur la possibilité que ce système puisse lui-même incurver sa pente fatale, — et bien peu d’espoir, ô étrange ironie, que les femmes qui s’estiment injustement écartées de l’exercice de ce pouvoir puissent y apporter la sagesse dont elles s’estiment porteuses au contraire des hommes. Ni Pelosi ni Clinton n’en montrent la moindre.

Le cas n’est pas ici celui de la guerre contre l’Iran. La décision de la direction démocrate de la Chambre n’implique nullement que cette guerre va avoir lieu. (Nous ne sommes d’ailleurs nullement assurés qu’une décision de contrainte de la Chambre aurait pu, dans des circonstances données dont certaines auraient été bien sûr provoquées, freiner l’administration Bush dans son intention d’attaquer ; elle aurait pu même l’y inciter dans des circonstances désespérées et dans un geste de désespoir de cette administration, où l’irrationalité règne.) Mais le fait est que, depuis plusieurs semaines, de nombreux facteurs évoluent, dans un sens où cette possibilité de guerre devient une option insaisissable et moins assurée, de plus en plus improbable, de plus en plus marginale. Qu’importe donc et quoi qu’il en soit, puisque ce n’est pas le cas de la guerre qui nous occupe ici.

Le cas que nous mettons en évidence est celui de la validité du système américaniste. Le fait est que cette décision démocrate lui porte symboliquement le coup de grâce en en trahissant son esprit de manière irrémédiable. Le pouvoir législatif a cédé, sans aucune contrainte, alors qu’il est démocratiquement le plus fort, qu’il a été récemment élu pour exercer cette force démocratique et qu’il a pour lui le soutien populaire. Il a cédé au nom de ses intérêts politiciens les plus bas, — qu’ils soient assimilés à ceux d’Israël par l’intermédiaire du lobby qu’on sait ne fait qu’ajouter la stupidité au déshonneur, en impliquant un peu plus, même si involontairement, la cause d’Israël dans ces magouilles indignes.

Ce système n’est pas monstrueux, — ou s’il l’est, il l’est par inadvertance, parce que des forces qui le dominent ont effectivement cette puissance d’être monstrueuses. Il est en essence d’une désespérante médiocrité et d’une stupidité sans frein. Par ailleurs, rien ne dit qu’une telle médiocrité et qu’une telle stupidité ne sont pas les conditions de base de la monstruosité. Monsieur Philippe Labro pourrait en faire un film, pour l’honneur de l’Amérique.