Le JSF vu par le GAO : le “Moby Dick” des programmes de défense

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Le 15 mars, le Government Accountability Office (GAO) a publié un rapport, le troisième qui lui ait été demandé par le Congrès, sur le programme JSF. La même philosophie d’appréciation du GAO est poursuivie et amplifiée dans ce rapport, — dont on peut trouver, sur le site du GAO, un “Abstract” aussi bien que le texte lui-même, au complet. Le GAO est de plus en plus inquiet sur les conditions de développement du programme, dont il confirme la monstruosité en chiffres et en parts de développement des programmes militaires :

«[The JSF programm is] the Department of Defense's (DOD) most expensive aircraft acquisition program. DOD currently estimates it will spend $623 billion to develop, procure, and operate and support the JSF fleet. The JSF aircraft, which includes a variant design for each of the services, represents 90 percent of the remaining planned investment for DOD's major tactical aircraft programs.»

Nous donnons ci-après l’essentiel de l’Abstract que présente le GAO :

«The JSF program has delivered and flown the first development aircraft. However, cost and schedule goals established in the fiscal year 2004 rebaselined program have not been met. Total JSF program acquisition costs (through 2027) have increased by $31.6 billion and now DOD will pay 12 percent more per aircraft than expected in 2004. The program has also experienced delays in several key events, including the start of the flight test program, delivery of the first production representative development aircraft, and testing of critical missions systems. Delays in the delivery of initial development aircraft were driven by incomplete engineering drawings, changes in design, manufacturing inefficiencies, and parts shortages. Despite these delays, the program still plans to complete development in 2013, compressing the amount of time available for flight testing and development activities. Also, the program projects it will meet all but one key performance requirement — line of sight communications — that is currently dependent on other capabilities being developed outside the JSF program. Accurately predicting JSF costs and schedule and ensuring sufficient funding will likely be key challenges facing the program in the future. JSF continues to pursue a risky acquisition strategy that concurrently develops and produces aircraft. While some concurrency may be beneficial to efficiently transition from development to production, the degree of overlap is significant on this program. Any changes in design and manufacturing that require modifications to delivered aircraft or to tooling and manufacturing processes would result in increased costs and delays in getting capabilities to the warfighter. Low-rate initial production will begin this year with almost the entire 7-year flight test program remaining to confirm the aircraft design. Confidence that investment decisions will deliver expected capability within cost and schedule goals increases as testing proves the JSF will work as expected. The JSF program also faces funding uncertainties as it will demand unprecedented funding over the next 2 decades — more than $12.6 billion a year on average through 2027.»

Il faut noter encore que le rapport n’a pas bénéficié des dernières informations du DoD sur le programme. On peut admettre que l’état du programme qu’il décrit est vieux d’à peu près un an. Entre temps, le GAO suppose, à la lumière de son expérience, que l’état inquiétant du programme qu’il décrit s’est aggravé : «At the time of our review, DOD was still preparing its new cost estimate to be included in the program’s Selected Acquisition Report dated December 31, 2006, expected to be delivered to the Congress by April 2007. Because the new cost estimate for the JSF program will not be available until after this report is issued we are unable to make informed judgments on those estimated costs. It should be noted that after our 2006 report was issued on March 15, 2006, DOD released its December 2005 Selected Acquisition Report, which showed an increase of over $19 billion in estimated JSF program costs.»

L’impression que donne ce rapport, encore une fois en confirmation constante de ce que le GAO juge du programme, est celle d’un programme JSF de plus en plus tendu entre les réalités techniques et budgétaires et les impératifs des promesses et annonces faites depuis des années concernant le programme JSF-virtualiste. C’est un cas presque parfait de confrontation entre le réel et le virtuel, entre le véritable programme JSF tel qu’il est en train de prendre forme et le JSF-virtualiste dont il est fait une ardente promotion depuis des années, accompagnée d’une “narrative” surréaliste sur ses capacités, son avenir, etc.

Nous avons beaucoup insisté sur ce JSF-virtualiste, autant dans la façon dont le programme a été préparé, que dans la façon dont il a été et est utilisé comme instrument de politique étrangère (voir cet aspect sur notre site, extrait de notre Lettre d’Analyse de defensa, en français et, extrait de notre Lettre d’Analyse Context, en anglais). Combien de temps le programme supportera-t-il cette tension ? Le GAO n’est pas très optimiste. Le Congrès, dominé par les démocrates, pourrait suivre l’avis du GAO. Comme ce Congrès n’ose pas s’attaquer à la politique extérieure de Bush, il y a de fortes chances qu’il se replie, pour exprimer son opposition, sur les matières qui lui sont chères, — le “micromanagment” et les dérives budgétaires des programmes du Pentagone. Le JSF est un gros poisson à cet égard, un cachalot, une baleine, — une sorte de “Moby Dick” des programmes de défense. C’est “Moby Dick” que nous décrit le GAO.


Mis en ligne le 16 mars 2007 à 07H16