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24 mai 2007 — Inutile de traduire le titre, n’est-ce pas? Pour être sérieux, face à la désolante et courante médiocrité de l’analyse de la presse MSM française, rien ne vaut de piquer une tête chez les meilleurs représentants de la partie adverse. Le Financial Times (FT) fait l’affaire, tellement plus fin et subtil que les grossiers godillots de Fox.News qui croient avoir gagné la guerre avec l’élection de Sarkozy parce que leur jugement s'arrange de l'image de Sarkozy qu'ils ont eux-mêmes tracée. Le FT nous dit à peu près le contraire.
Le rapport du journal anglo-saxon, libre-échangiste et transatlantique, sur la visite-éclair de Sarkozy à Bruxelles, nous permet de mieux distinguer “les fondamentaux” de l’époque à venir. La France dans la globalisation? Nous l’avons, et ce ne sera pas triste.
Extraits de l’article du FT, avec ses commentaires feutrés et néanmoins sans ambiguïté ;
«Mr Sarkozy, on his first presidential visit to Brussels, called on Europe to “protect” its citizens, buying them time to adapt to the pressures of globalisation.
»His comments suggest he will pursue an assertive French agenda in Europe that could put him in conflict with free traders including Angela Merkel, German chancellor, and Gordon Brown, incoming UK prime minister.
»Mr Sarkozy’s passionate defence of French farmers will concern Europe’s trade partners who hoped he might be more flexible in his approach to cutting EU farm tariffs than Jacques Chirac, his predecessor.
»The French president has previously criticised the European Commission for offering too many concessions on agriculture during world trade talks. On Wednesday night he said: “It is goodbye to naivety.” He said he would not allow cuts to support for European farmers while their US counterparts benefited from the same policies, adding: “I’m not going to sell agriculture to get a better opening for services.”
»Europe’s defence of its agriculture sector has been blamed by other countries for the lack of progress in the Doha world trade round, but Mr Sarkozy said he was not going to be “boxed in” if others failed to make reciprocal offers.
»He hinted that he expected Europe to take defensive measures against globalisation generally, a view that clashes with the “open Europe” message of his host, Jose Manuel Barroso, European Commission president.
»“Europe has to protect its citizens, not worry them,” Mr Sarkozy said. “Europe has to prepare itself for globalisation – it can’t just be overtaken by it. Globalisation can’t be a Trojan horse in Europe.”
»Although Mr Sarkozy’s allies deny this approach amounts to protectionism, Mr Barroso sent out a thinly veiled warning of the risks of going too far down that route. “Fortress Europe would be bad for our economy and all of our people,” he said.»
Depuis des mois et des années, libéraux et atlantistes français, qui sont fort nombreux, gémissent à propos du “refus” de la France d’entrer dans le système de la globalisation et, par là, de renouer avec le triomphant système de l’américanisme. (C’est logique dans leur esprit cartésien puisque la globalisation, c’est l’américanisation.) Ils ont conclu que Sarkozy était l’occasion rêvée pour y parvenir. Ils s’en mordront les doigts.
Effectivement, Sarko prend à bras le corps le problème de la globalisation. Il fait entrer la France, et l’Europe avec elle, non dans la globalisation mais dans la dialectique de la globalisation, et selon la formule anglo-saxonne : pour y faire fructifier les intérêts de la France et de l’Europe.
L’erreur des libéraux et atlantistes français est d’avoir cru que la France n’était pas dans la globalisation (dans l’américanisation). Elle y est par la force des choses, parce que c’est le système général auquel personne n’échappe. (Elle y réussit d’ailleurs bien mieux que ce qu’on dit, bien entendu, mais c’est une autre histoire.) Mais elle y était jusqu’ici d’une façon contrainte, geignarde et rechignant, en affirmant qu’elle n’aimait pas et en laissant entendre qu’elle résisterait comme si elle ne s’y trouvait pas, — mais en ne résistant pas trop, en réalité. Avec Sarko, elle y entre à la façon anglo-saxonne : agressive, revendicatrice, méchante s’il le faut. Cela ne signifie pas que la France devient anglo-saxonne mais que la France va mettre en avant ses intérêts français à la manière anglo-saxonne, — et, toute honte bue et tous complexes apaisés, en cherchant à entraîner l’Europe dans une occurrence où les tacherons type-Barroso ne feront plus le poids.
Qu’il s’agisse ou pas d’une tactique consciente ou volontaire, ou d’un réflexe de bon jogger de demi-fond, ne nous importe pas. Seul importe ce fait fondamental : Sarko fait de l’entrisme, à la manière trotskiste si vous voulez. Il entre au cœur du système pour réclamer ce qui est dû à la France, au nom des arguments du système. On peut même dire, si l’on veut en juger avec un humour proche de l’objectivité perdue, qu’il se fait guerrier type-G4G, en retournant contre l’“adversaire” ses propres armes. C’est ce qu’il nomme effectivement : «Good bye to naivety», — et l’on comprend bien ce que cela veut dire.
Cela ne signifie pas que Sarkozy est en passe d’être le grand homme qui perce sous Bonaparte ou qu’il est un imposteur plus imposteur que jamais. Peu importent ces supputations de salon et l’indice de vertu du président de la République. Ce qui importe est que Sarkozy est un “modèle-turbo”, qui n’aime rien tant que foncer (ou bien : «Jamais les hommes politiques n'ont été d'une aussi faible carrure intellectuelle pour une énergie aussi grande, tant politique que dialectique. Sarko est le “modèle-turbo” de cette sorte.»). Il a une cause, un bon argumentaire, une scène où toutes les TV du monde le filment, et en plus devenu le sujet des éditos chic du FT ; alors, il fonce, et il fonce dans le sens de son succès, de son élection, et des intérêts dont il est débiteur.
Accordons-lui pourtant le crédit de l’instinct. Il semble que cet homme a compris, ou “senti” serait mieux dit, que la globalisation n’est ni une sinécure, ni une garantie de progrès, ni un apaisement du monde dans l’ordre retrouvé, ni rien de ce genre mais le contraire, — que c’est une bataille sans merci, où tout le monde est divisé, où il n’y a aucune unité d’action, — une bataille sans merci et un désordre formidable, où la France a des armes également formidables pour s’affirmer, et où la France n’est pas plus seule que les autres puisque chacun est seul à sa façon en défendant ses intérêts. On comprend que la chose n’amènera pas beaucoup d’amitiés à la France, surtout chez nos “amis” anglo-saxons (mais tout de même, le temps que les Américains comprennent). De ce côté, elle n’a strictement rien à perdre, et peut-être pas mal à gagner d'une façon inattendue. Par ailleurs, cette destinée dictera à la France sa politique extérieure, laquelle politique sera plus que jamais souveraine et indépendante puisque c’est la condition de sa puissance pour figurer dans la globalisation.
Ainsi l’Histoire met-elle ses pions en place, effectivement sans trop céder à la naïveté.
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