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1er juin 2007 — Ils le voulaient, ils l’ont eu. “Ils”, ce sont les autres, les amis du reste du monde (ou du G-8) ; “le”, c’est GW. Tout le monde appelait de ses vœux l’implication de la grande Amérique. La grande Amérique est donc impliquée. Résultat : l’affaire de la lutte contre le réchauffement climatique achève de se transformer en un enjeu politique épousant toutes les querelles, toutes les divergences de conception, toutes les ambiguïtés et toutes les contradictions.
Devant le blocage en vue au G-8 et devant la possibilité que les USA se retrouvent complètement isolés, les fins esprits de l’administration GW ont riposté. Ils proposent un autre processus, hors de l’ONU et hors de tous les processus multinationaux (dont le G-8), lancé par les USA, contrôlé idem, surveillé idem et ainsi de suite.
L’éditorial du Guardian, assez caustique, décrit l’initiative et les appréciations auxquelles elle conduit.
«George Bush has a history of making visionary speeches which come to nothing. But nothing quite prepared his G8 partners for the proposal he made yesterday on climate change. Six days before they are due to meet in Heiligendamm on the German Baltic coast, to discuss climate change among other things, Mr Bush called on 15 nations, the world's major emitters of greenhouse gases, to reach a consensus in the next 18 months on a global emissions goal. It would be up to each nation to decide how to meet that target, if and when it was agreed. The meetings would be convened by the US, which would take over the process of controlling emissions. Mr Bush called his proposal a contribution to the debate on climate change — and it is quite something that he is now admitting that there is a problem. But other G8 countries had other ideas. One senior European official, furious at the hijacking of Germany's G8 agenda, called the announcement a poison pill. Greenpeace called it a classic spoiler.
»It is not difficult to see why. The process, if it came to pass, would bypass the UN search for a new international treaty to regulate emissions to replace the Kyoto protocol when it expires in 2012. Kyoto is the world's only international treaty that compels countries to act. If a replacement is not found soon, emerging carbon markets, seen as the most effective means to limit emissions, will collapse…
(...)
»Mr Bush has no time for mandatory emissions caps, which he claims would damage the US economy, and his negotiators have persistently tried to frustrate the search for a successor to Kyoto. At talks in Montreal last year US negotiators walked out when the idea of setting global goals was raised. Tony Blair yesterday hailed the inclusion of a global goal in Mr Bush's speech as a huge step forward. Mr Blair said that this was the first time America was saying it wanted to be part of a global deal.
»But what deal? A deal that puts emphasis on finding new technologies rather than concentrating on energy conservation and zero-carbon housing? The fossil-intensive approach developed by the US and Australia has no chance of reducing emissions to the degree needed. It has little chance of reaching an agreement by 2008. But it has every chance of blocking the current attempt to find a multilateral solution through a UN conference which starts in December.»
The Independent, journal très impliqué dans les questions écologiques et dans la lutte contre le réchauffement climatique, est encore plus engagé dans l’appréciation critique. Il n’accorde guère de chance à l’initiative de Bush, même d’être concrétisée : «In a last ditch — and almost certainly unsuccessful — bid to fend off international criticism of his climate change policies, President George Bush has called on 15 of the world's biggest polluting countries, including China and India, to agree on a target for reducing greenhouse gasses by the end of 2008.»
Peut-être l’initiative de GW Bush pourrait-elle être résumée, d’une façon un peu différente — mais pas si fausse, vraiment, dans ce qu’elle dit des motifs profonds, — par ce commentaire qui suit l’édito du Guardian, d’un lecteur US qui se présente sous le pseudo éclairant de “Yanksrule” : «Yet another reason why I love Bush. I love how he pokes you Euros in the eye and I love watching you squeal afterward. Thank God for him, and thank God we didn't sign Kyoto (well actually I guess Clinton did as a last minute “f*uck you” to newly elected Bush). Personally, I think this whole climate change crap is just a stealthy way for leftist Europe to try f*cking this country over. You were all praying for the Soviets to do it, only they failed, and you only got madder. Now its “The world is getting warmer” and of course the only solution is for America to commit economic suicide. Not China, India, or Europe, but America. But I suppose the next president will have to sign on to some Kyoto-style crap. I only hope our commitment to any of that bullsh*t is illusory.»
… Et avec cette réponse de “am3386”, autre lecteur américain : «“YanksRule” epitomizes the problem with conservatism here in the US right now. It's the only political movement in world history whose entire philosophy of government is based on annoying other people. Larger principles are irrelevant. Pragmatic consideration of the facts on the ground, the merits or flaws in a policy... all of these are unimportant. If it annoys liberals/Europeans/feminists/the other, it must be a good idea. Nothing else matters.»
Quelque obstination qu’on mette dans l’appréciation que la politique américaniste est une chose sérieuse, il ne faut pas écarter les deux commentaires de lecteurs du Guardian reproduits ci-dessus. Ils ne sont pas loin de dire une bonne part de la vérité dans cette affaire, comme ils pourraient le dire pareillement dans d’autres circonstances où l’apparemment incompréhensible politique US est développée.
Pour quelles raisons l’administration GW lance-t-elle son initiative?
• Parce qu’elle craint d’être isolée au G8 et au-delà si les problèmes rencontrés jusqu’ici ne sont pas mieux contrôlés. Pour autant, il n’est pas assuré que cette initiative écarte cette possibilité dans la mesure où elle tend à écarter des processus type-G8.
• Parce qu’il est strictement insupportable à cette même administration qu’un processus international d’une quelconque importance ne soit pas marqué du sceau du leadership US. La vanité tient une place considérable dans l’élaboration de la politique US.
• Parce que l’administration tient à affirmer son engagement technique, teinté d’un choix idéologique qui se réclame du pur américanisme (croyance dans la technologie et dans le progrès), — comme on le comprend en détaillant le programme offert par l’administration pour lutter contre le réchauffement.
L’initiative est purement “bushiste”, jusqu’à l’être dans la chronologie. Elle est fixée pour être bouclée dans 18 mois, soit en décembre 2008, à la fin du deuxième et dernier mandat GW Bush. Elle a été lancée d’une façon solitaire et unilatéraliste, même à Washington où elle en a surpris plus d'un. Les partenaires du G8 n’ont pas tous apprécié d’être placés devant le fait accompli. La remarque du Guardian («One senior European official, furious at the hijacking of Germany's G8 agenda, called the announcement a poison pill») mesure ce que pourraient être les réactions officieuses des alliés, — nationaux et institutionnels.
Mais allons au-delà de l’effet immédiat, qui dépendra de nombre de facteurs pour l’instant incertains. L’initiative de Bush, qui représente pour certains (“Yo Blair” inévitablement au premier rang) un “premier pas” dans la reconnaissance du problème, — ce qui est discutable dans la mesure où Bush a déjà effectivement admis qu’il y a un problème, — recèle des conséquences à long terme assez intéressantes.
• Quoi qu’on en veuille, elle représente un engagement de l’administration dans la lutte contre le réchauffement climatique, qui tend à fixer des normes d’une politique US en la matière qu’il sera difficile de renverser (notamment, pour le successeur de Bush). En un sens, Bush tend à imprimer une orientation marquée, un choix américaniste dans ce domaine. Or, ce choix est complètement hostile à des engagements internationaux restrictifs et à des interventions dans les processus économiques. Bush réaffirme sa confiance dans une explosion technologique vertueuse et bienfaisante et dans les mécanismes régulateurs du marché (la fameuse “main de Dieu”).
• Parallèlement, les engagements dans le processus différent, pour ne pas dire contraire des restrictions, sont très affirmés pour nombre de pays, pour l’UE, mais aussi pour des parts importantes du domaine US : outre un Congrès très activiste, au moins onze Etats, dont la Californie et New York, plus une quarantaine de grandes villes (dont New York, Los Angeles, Chicago…), ont déjà lancé des grands programmes de restriction qui se réfèrent à Kyoto et au-delà de Kyoto.
• Cette contradiction entre les deux visions de la lutte contre le réchauffement était plus ou moins acceptable avec une administration à la traîne, voire inactive, avec l’espoir qu’elle finirait par accepter le grand courant. La situation est différente avec une administration redevenue activiste, mais dans une voie différente. On risque des conflits ouverts et sans aucun doute avec une forte dimension politique, avec des affrontements avec des pays étrangers et des querelles internes de prérogatives de pouvoirs concurrents (entre le niveau fédéral et le niveau des Etats).
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