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17 octobre 2002 —Il y a, dans la lecture du Weekly Standard, qui est l'organe de presse des
• La résolution belliciste de GW ;
• les effets du débat à l'ONU, notamment avec l'action de la France.
Le premier cas apparaît dans l'éditorial de William Kristol, « From Truth to Deception », publié sur le site de l'hebdomadaire le 12 octobre. (Cela est inhabituel, montrant combien le Weekly Standard entend accorder d'importance à cette interprétation ; la règle est que les textes publiés dans l'hebdomadaire restent inaccessible directement, leur accès passant par une prise d'abonnement ; sa mise “en ligne” sans restriction indique l'importance qu'on lui accorde par la diffusion qu'on voudrait qu'il ait.)
Kristol explique le cas qu'il entend défendre de la façon suivante : jusqu'ici, GW a dit la vérité parce qu'il entendait rassembler le peuple américain et le Congrès derrière lui. Cela étant fait, il se transforme en chef de guerre et a pour fonction désormais de chercher à tromper l'ennemi, donc ce qu'il dit devient tactique, dissimulation, désinformation, etc. L'explication vient à point pour expliquer qu'aujourd'hui, GW nuance son propos, semble dire que la guerre n'est pas inéluctable, etc.
« So the president has succeeded in explaining why Hussein must go, why time is not on our side, why deterrence can't be counted on, and why war is necessary. But now the president has to move from building support for a war to fighting a war. (The coming U.N. Security Council machinations are better understood as a prelude to war than as a real effort at persuasion.) The president now becomes a war leader, not merely — though the "merely" is unfair — a war mobilizer. He will have to demonstrate the skills described in his summer reading: Eliot Cohen's "Supreme Command" — the ability to shape grand strategy and execute precise tactics in the fog of war.
» This will require a change in the president's manner of speaking. He has benefited, in making the case for war, from an impressive clarity of presentation and lucidity of argument. But now his task is not to educate or persuade us. It is to defeat Saddam Hussein. And that will require the president, at times, to mislead rather than to clarify, to deceive rather than to explain.
» The president's audience is no longer the American public, or even our allies. It is Hussein. Deceiving him as to the timing of the war and the manner of attack is crucial to success. We obviously cannot achieve real strategic surprise; Hussein knows an attack is likely. But tactical surprise remains possible and, especially given Hussein's arsenal of chemical and biological weapons, very much desirable, if we are to minimize casualties and risks.
» So when the president seems to equivocate about whether war is inevitable, when he holds out hope for inspections, when he talks about giving peace one last chance, when he seems to invite coups and rebellions while implying this might prevent an American occupation, supporters of the president's policy shouldn't worry that he is losing focus or retreating from the moral and strategic clarity of the past six weeks. »
Le deuxième aspect se dégage d'un texte de Reuel Marc Gerecht, intitulé « A Necessary War, — Unless Saddam Hussein is removed, the war on terror will fail ». La thèse est pressante, après l'attentat de Bali : tenter de montrer qu'au contraire de l'analyse générale qui en a été faite (c'est parce que les USA se concentrent sur l'Irak que Al Qaïda et les autres terroristes prolifèrent sans entraves et frappent comme à Bali), la chute de Saddam aurait un effet très bénéfique dans la lutte général contre le terrorisme.
Ce qui est intéressant dans ce texte, c'est les allusions indirectes plutôt laudatives qui sont faites à la France (par exemple, cette phrase qui, en passant, rend hommage au juge Bruguière comme à un des meilleurs spécialistes de la lutte anti-terroriste). Les pratiques des neo-conservatives dans cette sorte d'appréciation critique se font effectivement toujours de façon indirecte, par allusion, — que ce soit les critiques négatives (comme lorsqu'il y eut quelques incidents antisémites en France, au printemps dernier), que ce soit une appréciation positive, comme ici. On prendra donc effectivement se passage du texte comme un signe que les neo-cons font aujourd'hui patte de velours vis-à-vis de la France. Gerecht parle de la France comme d'un pays qui fait partie de la communauté occidentale (ce qui est évident mais qui l'est encore plus lorsqu'on l'écrit), comme d'un pays frappé par le terrorisme, qui a su y répondre, qui coopère parfaitement aux niveaux qu'il faut avec les US dans la lutte anti-terroriste et ainsi de suite. Bref, la France toute belle, presque un allié “privilégié”. Dans le Weekly Standard, ce n'est pas courant.
« Islamic radical networks, in various states of organization and health, have crisscrossed Western Europe for years. If only a minuscule fraction of the growing Muslim fundamentalist population of Europe were to join bin Laden's holy warriors and aim their terrorism against their neighbors, internal-security officers would confront nightmare scenarios. In the mid-1990s, a somewhat ragtag group of militants, inspired primarily by the troubles in war-torn Algeria, the frustrations of being Muslim in France, and a violent anti-Western brand of Islamic preaching, robbed banks, bombed Paris metro stations, and tried to derail a super-fast "TGV" passenger train. Less ragtag and far more suicidal, al Qaeda could certainly do better. Which is why European security services by and large have responded with alacrity to September 11, questioning, arresting, and incarcerating hundreds of fundamentalists. With the possible exceptions of the Belgians and the Dutch, the West Europeans have reacted as vigorously as the Americans, if not more so. The French and the British, both less agitated than Americans about civil liberties in times of stress, aggressively use temporary imprisonment as an investigative counterterrorist tool. France's famous counterterrorist judge Jean-Louis Bruguière could teach Attorney General John Ashcroft and the Federal Bureau of Investigation many things about using randomness in arrests and detention to sow anxiety amongst the enemy and give the (perhaps justified) impression of effective state power. »
Additionnons les deux textes, nos deux rapides analyses, et concluons :
• Quoiqu'il en soit de la réalité du supposé-machiavélisme de GW, le schéma offert par Kristol paraît un peu simpliste (vérité jusqu'ici, mensonges désormais), d'autant que GW a déjà parlé de la possibilité d'une issue non-guerrière alors qu'il était en période soi-disant “de vérité”. Une autre explication nous paraît plus plausible et par conséquent plus probable : les neo-cons sentent effectivement un flottement, une hésitation très sérieuse de GW dans ses projets de guerre, et ils commencent à s'inquiéter sérieusement. L'“explication” de Kristol est aussi bien une mesure pour dissimuler les conclusions que d'autres pourraient tirer, et une sorte de “proposition dialectique” faite à la Maison-Blanche pour effectivement retrouver une ligne plus belliciste sans trop se compromettre.
• Le texte de Gerecht, lui, confirme indirectement que l'affaire de l'ONU et la position française font souffrir les Américains. D'où un rappel indirect, affable et amical, plein du thème “la solidarité dans l'égalité”, en rappelant qu'il existe un ennemi commun et en plaidant que sa chute passe par celle de Saddam. Aucune dialectique venant des US (affabilité, amitié, surtout “solidarité dans l'égalité”) ne pourrait faire plus plaisir aux Français en temps normal. Sauf que les Français sont aujourd'hui ancrés à un principe qu'ils ont pris l'habitude de croire juste, et qu'ils ne croient en aucune façon anti-américain bien sûr ; leur cartésianisme bien connu autant que la structure de leur diplomatie bâtie autour de principes solides les conduisent à ne pas céder. Les résultats jusqu'ici plutôt positifs de leur attitude les renforcent dans leur détermination.