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1095Les déclarations de Sarko sont souvent interprétées selon le principe de sa réputation d’américanisme (de pro-américanisme), — justifiée ou pas c’est selon et c’est le secret de son coeur; et réputation présentée comme tranchant d'une façon radicale sur celle de ses prédécesseurs. Par exemple, Le Monde juge dans son compte-rendu du discours du 27 août que Sarkozy est beaucoup plus atlantiste (pro-OTAN) que Chirac.
«Nicolas Sarkozy plaide pour un “renforcement de l'Europe de la défense”, qu'il considère comme un mouvement “complémentaire”, et non pas comme une “compétition”, pour l'OTAN. “Opposer l'Union à l'OTAN n'a pas de sens : nous avons besoin des deux'', dit-il, évoquant comme ''principal souci, la sécurité du monde occidental”.
»Le président français rompt avec la méfiance qu'éprouvait Jacques Chirac à l'égard de l'Alliance atlantique, en appelant à une “rénovation de l'OTAN et de sa relation avec la France”.»
Faiblesse courante de notre mémoire collective. Affirmer cela, c’est ignorer que l’espoir du “renouveau atlantiste” est une tradition de tout nouveau président français. Le reste du mandat est consacré à la déception de cet espoir originel. La phrase que Le Monde consacre à cette attitude de Sarko, il aurait pu l’écrire en 1995-96 pour Chirac de cette façon (pour le texte du Monde, remplacez François Mitterrand par Jacques Chirac): «Le président français rompt avec la méfiance qu'éprouvait Jacques Chirac [François Mitterrand] à l'égard de l'Alliance atlantique, en appelant à une “rénovation de l'OTAN et de sa relation avec la France”.» (Lequel Mitterrand, lui-même, avait été jugé in illo tempore, à son arrivée au pouvoir, plus atlantiste que l’on attendait pour un “socialiste” ; et ainsi de suite en remontant, jusqu’à de Gaulle par exemple, unanimement loué pour avoir été le meilleur allié de l’Amérique durant la crise de Cuba de 1962.)
Si Sarko a des intentions de rénovation des liens de la France avec l’OTAN, il pourra se rendre dans les archives du Quai et reprendre les projets de Chirac de 1995-96. Durant ces deux années, le ministre des affaires étrangères Hervé de Charrette négocia inlassablement, avec l’aide des Britanniques face aux Américain, la réintégration de la France dans l’OTAN. A l’été 1996, dans un “coup” bien dans son tempérament, Chirac proposa à un Clinton très intéressé (il avait échappé à la surveillance de son secrétaire à la défense Cohen) de donner le commandement du flanc Sud (AFSOUTH) à l’Europe (par rotation entre les grands pays, dont la France) contre la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN. On parla de cette affaire tout au long de l’automne, avec en arrière-plan un Pentagone tétanisé par la perspective de perdre un de ses commandement OTAN. (Le brave Thomas Friedman alla même jusqu’à publier un article dans le New York Times disant : “Français, vous n’aurez pas notre VIème Flotte” [celle de la Méditerranée] !) Et ainsi de suite.
(La France a d’ailleurs, depuis, réaménagé ses relations avec l’OTAN, avec rapprochement des structures militaires.)
Répétons-le, l’affirmation du renouveau atlantiste (OTAN) français avec au menu “rénovation de l'OTAN et de sa relation avec la France” fait partie des premières agapes auxquelles tout nouveau président françaissacrifie avec plus ou moins de bonheur. Si cela ne va pas plus loin, il faut bien admettre que c’est Chirac l’anti-américain qui fut le plus proche de la dégustation du plat du jour avec cette affaire d’AFSOUTH. (Bien entendu, le commandement n’aurait donné aucun pouvoir sur la VIème Flotte en vertu du principe de “la double appartenance” des grandes unités nationales affectées à l’OTAN, et restant toujours en dernière instance sous contrôle national. Les craintes de Friedman étaient dues à l’énervement.)
Mis en ligne le 28 août 2007 à 11H00