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1109On sait que les Britanniques suivent Sarkozy de près ; parce qu’ils n’aimaient pas Chirac et que Sarkozy leur a fait espérer une direction française plus malléable ; parce qu’ils ont “interprété” Sarkozy à la lumière de cette espérance ; parce que, depuis l’élection, ils auraient tendance à flairer le coup fourré à-la-française, surtout depuis Bruxelles à la fin juin. Les commentaires britanniques sur le discours de Sarkozy étaient intéressants à lire.
Ils sont étonnants dans leur diversité parfois exotique, parfois très fine, parfois aveuglée. Cete diversité reflète bien l’extraordinaire passion et la débauche d’interprétations contradictoire que suscite Sarkozy, — pour l’instant, personnage bien plus intéressant par les perceptions qu’on en a et par les réactions qu’il suscite que par ce qu’il est.
Dans les réactions de cette presse, nous nous sommes cantonnés à deux quotidiens, qui représentent chacun dans leur genre des tendance bien marquées, où ils sont à la fois les plus représentatifs et les plus significatifs. Malgré leur proximité idéologique, leur divergence d'interprétation est remarquable, au point que l'on se demande s'il s'agit du même discours.
• Le Financial Times a pris de la distance et lu le discours à sa façon. Dans le texte qu’il a mis en ligne, le 27 août et réactualisé le 28 août au matin, pas une seule fois le mot “Iran” n’apparaît. Pas un mot sur le passage qui a mobilisé l’attention générale. Le FT se concentre sur les projets européens de Sarko, qu’il juge manifestement comme le passage plus important dans le discours. Peut-être n’a-t-il pas tort. Il aurait pu alors relever le passage sur la défense européenne, qui précise exactement les moyens que Sarko voudrait mettre en œuvre pour pousser sa politique européenne et qui confrontera les Britanniques à un problème épineux (comment se situer par rapport aux propositions françaises à venir?). La description que fait le FT du projet implique que le quotidien a la perception d’un projet d’“Europe puissance”. Encore une fois, peut-être n’a-t-il pas tort.
«France will press for a bolder European Union security strategy when it assumes the rotating presidency next year, aiming to turn the continent into a global power with a decisive role in promoting a more just and effective world order.
»In his first major foreign policy speech as France’s president, Nicolas Sarkozy described the EU as a model of effective multilateralism that boasted a full range of instruments to address international crises, including military force, humanitarian assistance and financial aid. “Europe must progressively affirm itself as a first-rank player for peace and security, in co-operation with the United Nations, the Atlantic alliance and the African Union,” he said.»
• Le Times a une analyse rageuse, absolument néo-conservatrice, d’une France basculant (enfin) dans le camp américaniste. L’entame de l’article du 28 août, qui confirme le titre («Sarkozy talks of bombing if Iran gets nuclear arms»), est significative dans son raccourci, car quelle autre impression d’une attaque prochaine de l’Iran à laquelle participerait la France peut-on tirer de ces 30 mots? Où voit-on l’impression essentielle de l’expression “alternative catastrophique” que Sarkozy propose pour qualifer cette situation?
«President Sarkozy called Iran’s nuclear ambition the world’s most dangerous problem yesterday and raised the possibility that the country could be bombed if it persisted in building an atomic weapon.»
Lorsqu’on va dans le détail, on trouve la même sollicitation des fats, comme dans ce passage où le “président français le plus pro-américain depuis des décennies”, semble le prouver aussitôt en réitérant sa condamnation de l’attaque US en Irak (?), mais surtout en répudiant le mot “multipolarité” qui donne des boutons à Washington. Pour comparaison, le texte français où Sarko parle de la “multipolarité”, observant qu’elle est un fait accompli mais malheureusement bien mal utilisé. L’enchaînement sur une critique de Washington a de la peine à nous réconcilier avec l’interprétation du Times :
«President Sarkozy, the most pro-American French leader for decades, condemned the US invasion of Iraq, but also distanced himself from Mr Chirac’s doctrine of a “multipolar world”, a formula that Washington saw as code for a refusal of European partnership.»
Extrait du discours de Sarkozy :
«Ces évolutions s'accompagnent d'une seconde réalité, qui n'est pas moins préoccupante : le monde est devenu multipolaire mais cette multipolarité, qui pourrait annoncer un nouveau concert des grandes puissances, dérive plutôt vers le choc de politiques de puissance.
»Les Etats-Unis n'ont pas su résister à la tentation du recours unilatéral à la force et ne démontrent malheureusement pas, dans la protection de l'environnement, cette capacité de “leadership” qu'ils revendiquent ailleurs.»
Mis en ligne le 28 août 2007 à 18H42