La crise et la spécificité britannique

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… D’autre part et quoi qu’il en soit, il n’est pas indifférent que l’un des pays les plus frappés par la crise venue de nulle part, — c’est-à-dire des USA, — soit, conformément aux normes des special relationships, le Royaume-Uni. Depuis vendredi, le royaume vit au rythme effréné du chaos de la banque Northern Rock, — «Britain's fifth biggest mortgage lender and the former darling of the financial markets» (souligné sardoniquement en gras par nous), selon un Will Hutton furieux, dans The Observer d’aujourd’hui. C’est la panique dans les rues, pour aller retirer son argent de cette banque aussi solide que le rocher de Gibraltar, — «a full-blown run on a bank, something we have not seen on such a scale since the 19th century», poursuit Hutton, de plus en plus furieux, — et qui enchaîne enfin: «…and a measure of the depth of mismanagement, non-regulation and structural dysfunctionality of today's financial system».

Bref, voilà qu’on commencerait à s’interroger sur le système. Pourtant, les choses manquent-elles de logique, voire de justice? Est-il tellement incompréhensible que le Royaume-Uni, qui navigue depuis un quart de siècle sur les extrêmes les plus mirobolants du système, sous les applaudissements du reste du monde abasourdi (l’Angleterre de Blair, modèle des “déclinistes” français pour redresser la France, n’est-il pas?), — est-il tellement incompréhensible que cette nation soit frappée en priorité? Dans tous les cas, cela conduit à une mise en branle de ce qui pourrait devenir un déchaînement d’appréciations critiques et de critiques acides des uns et des autres…

Différence essentielle, dans l’esprit de la chose qui, à notre sens, reflète le sens profond des événements: dans la crise des années 1997-98, c’étaient les pays “non-alignés” et/ou forcés d’entrer dans le système qui souffrirent, notamment la Russie et l’Argentine. Aujourd’hui, c’est l’un des pays-phares du système qui est frappé. Ici (années 1990), la globalisation triomphait; là (temps présent), elle s’abîme dans la crise. Dans le premier cas, on applaudissait presque, jugeant nécessaire que les “impies” en passassent par la thérapie de choc avant d’être admis à tous les fastes et honneurs de la conversion. Aujourd’hui, on grince des dents parce qu’il semblerait bien que les fondements du sacrement soient en cause et c’est même le temps des règlements de compte plus ou moins feutrés.

• Les conservateurs commencent à lancer des attaques sérieuses contre les travaillistes au pouvoir depuis 1997 sur cette question de l'assise financère du royaume. Ce qu’ils leur reprochent, si l’on s’en tient aux déclarations de Cameron reproduites par le même Observer aujourd’hui, c’est d’avoir été un peu trop dans le sens du système qu’eux-mêmes (les conservateurs) patronnent depuis tant de temps, notamment pour ce qui concerne l’océan d’endettement qu’est devenu le Royaume-Uni, et sur lequel s’est bâti la croissance dont tout le monde faisait, il y a quelques mois encore, l’honneur et la vertu du tandem Blair-Brown:

«In the first signs of political fallout from the crisis, David Cameron accused Gordon Brown of failing to rein in public and private borrowing over the last decade, saying the nation's economic growth is based on a “mountain of debt”. Writing in today's Sunday Telegraph, the Tory leader says: “This government has presided over a huge expansion of public and private debt without showing awareness of the risks involved.

»“Though the current crisis may have had its trigger in the United States... under Labour our economic growth has been built on a mountain of debt.”»

• Les milieux financiers, par la voix feutrée mais de plus en plus sévère du Financial Times, montrent un certain désir de s’offrir le scalp du directeur de la Banque d’Angleterre, dont on dit que la manœuvre n’a pas été impeccable durant l’affaire de la Northern Rock; lui, l’intégriste du non-interventionnisme volant au secours de Northern Rock… En écrivant ceci, le 14 septembre, Chris Giles parlait pour beaucoup de monde, y compris en Europe et à la BCE :

«Given the Bank of England’s firm and principled stance against bailing out banks that have made risky lending decisions, its willingness to lead a rescue of Northern Rock may legitimately raise some eyebrows.

»Never has the reputation and credibility of Mervyn King, the Bank’s governor, dangled from such a thin thread. By accepting far lower-quality collateral from Northern Rock in return for pristine central bank money, the Bank is gambling – with taxpayers’ cash – that Northern Rock’s borrowers will maintain their low-default record.

»The Bank has also created moral hazard: other banks will consider riskier lending decisions in future in the knowledge that if they cannot fund themselves, the central bank will step in.»

…Pour terminer et en revenir à la colère de Hutton, finalement :

»Make no mistake. Britain's financial system is in the most precarious position since the war. In 1974, there was a banking crisis caused by banks lending far too much on speculative property deals, but the so-called 'secondary' banks were then at the periphery of the system.

»The inter-bank market continued to function. There was no public run on a bank the size of Northern Rock. And the British system was not so closely linked to the fate of the American mortgage market or, indeed, to the Chinese economy, where British banks have paid top prices for stakes in valueless Chinese banks whose bad lending makes Northern Rock look positively virtuous.

»So the stakes are much higher now, hence the Bank of England's bail-out — and my guess is that there is more to come. The potential impact on house prices and the wider economy is obvious; even if a downturn is averted, these risks should never have been run. The pictures of Gordon Brown having tea with Lady Thatcher in Downing Street in the middle of a bank run could hardly have been more compromising. It was her philosophy that above any other has led us to this pass. Winston Churchill once pronounced that in Britain, finance is too proud, industry too humble.

»Proud finance has insisted it needs no regulation, that it can be trusted to deploy the nations' savings with care. The trust has been abused. We need a solid, social democratic government to reduce the risk of such recklessness in future, not tell us that finance should be left to finance while the taxpayer picks up the pieces. I hope Mr Brown is embarrassed. If he is not, so much the worse for all of us.»


Mis en ligne le 16 septembre 2007 à 15H39