Sarkozy, ou l’art de la nuance radicale et culottée

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L’habileté politicienne de Sarko étant ce qu’elle est, le président français manœuvre joliment pour nuancer des positions politiques dont il mesure qu’elles ont peut-être été trop loin et pour en “nuancer” d’autres, déjà populaires, en les radicalisant. Somme toute, il a découvert l’art de “la nuance radicale”. C’est un produit d’époque. Nous nous proposons de parcourir ce qui nous paraît l’essentiel de son interview à l’International Herald Tribune du 23 septembre (the first dans une publication de langue anglaise depuis son élection).

• Parlons de l’Iran et demandons-nous en lisant Sarko: le sujet de sa critique constante et implicite est-il l’Iran ou Kouchner? Ou bien, éventuellement, les USA ou l’Iran?

«France's position, he explained, is clear: ”No nuclear weapon for Iran, an arsenal of sanctions to convince them, negotiations, discussions, firmness. And I don't want to hear anything else that would not contribute usefully to the discussion today.”

»“For my part, I don't use the word ‘war,’” he said, signaling that he will not tolerate any dissent on the issue.

»His words were in sharp contrast to those of his foreign minister, Bernard Kouchner, who said in a radio and television interview last Sunday that France was preparing for the “worst” scenario with Iran — “war” — and has spent much of his time since then declaring that he had been misunderstood.

»Sarkozy also contradicted his foreign minister a second time, saying that Kouchner's public offer to visit Iran was a nonstarter. “I don't think that the conditions for a trip to Tehran are present right now,” he said. “We can talk things over in the halls of the United Nations.”

»Asked whether France agreed with the Bush administration that “all options are on the table,” he replied, “The expression ‘all the options are on the table’ is not mine. And I do not make it mine.” He added, “I am not determining my position on the Iranian question based on the position of the United States alone.”»

• Deuxième sujet dont on a beaucoup parlé : l’OTAN (la réintégration de la France dans l’organisation intégrée de l’OTAN). Sarkozy éclaire substantiellement notre lanterne en énonçant deux conditions, sine qua non semble-t-il, pour la réintégration de la France dans l’OTAN. Il place la barre très haut, si haut...

«In the interview, Sarkozy announced for the first time two conditions that would have to be met beforehand: American acceptance of an independent European military capability and a leading French role in NATO's command structures “at the highest level.”

»Sarkozy's predecessor, Jacques Chirac, sought to rejoin NATO's military command, but in 1997 the Clinton administration rejected the conditions set by Paris. Sarkozy also seemed to put the onus not on France but on the United States.

»“I would make progress on European defense a condition for moving into the integrated command, and I am asking our American friends to understand that,” he said.

»He also made clear that in order to even “consider” returning to the fold, NATO's “governing bodies” would have to make considerable space for France.»

• L’Europe, c’est simple, — la France doit y être la première parce qu’elle est la première, point final: «I can't be criticized for wanting first place for France. […] If France doesn't take the lead, who will?». Cette affirmation ne va pas nécessairement ravir les partenaires européens de la France, de même que les demandes françaises sur l’OTAN ne vont pas nécessairement ravir les autres pays de l’OTAN, — et les deux choses trouvent une étrange illustration dans les “conditions” péremptoires et culottées pour entrer dans l’OTAN, qui concernent aussi l’Europe. Pour que la France entre dans l’OTAN et y joue un rôle prépondérant, une défense européenne indépendante doit être créée, sous impulsion française cela va de soi. Cela revient à rendre tout le monde responsable du retour de la France dans l’OTAN — sauf la France, qui est prête à rentrer dans l’OTAN dans un rôle essentiel et à faire sous sa propre direction (de la France) une défense européenne indépendante; “tout le monde responsable sauf la France”, c'est-à-dire: les membres de l’OTAN en faisant une place prépondérante à la France et en acceptant une défense européenne indépendante, les Européens de l'UE en acceptant de faire une défense européenne sous la direction de la France, les USA en acceptant de faire une grande place à la France dans l’OTAN et en acceptant une défense européenne indépendante sous direction française. Le résultat ne serait pas loin de faire de la France le leader de l’Europe et le co-leader (bon prince: avec les USA) de l’OTAN. Culotté, indeed.

• “Co-leaders avec les US, effectivement, puisque, pour justifier son amour des USA, Sarkozy met simplement la France et les USA sur le même plan : «Accused of being too enamored of all things American, he put France and the United States on an equal footing and as somehow better than many others, because they believe that their values are universal and therefore destined to “radiate” throughout the world. The Germans, the Spaniards, the Italians, the Chinese, by contrast, do not think that way, he said.»

• Un dernier mot pour les Américains qu’on adore, indeed; Sarko tient à conserver le potentiel de sa réputation d’ami des Américains après avoir montré qu’il entend défendre les intérêts de la France comme les dirigeants US défendent ceux des USA, et confirmant ainsi le diagnostic d’“Américain manqué” d’Adam Gopnik: «“I want to tell the American people that the French people are their friends,” he said. “We are not simply allies. We are friends. I am proud of being a friend of the Americans. You know, I am saying this to The New York Times, but I have said it to the French, which takes a little more courage and is a little more difficult. I have never concealed my admiration for American dynamism, for the fluidity of American society, for its ability to raise people of different identities to the very highest levels.”»

Le “scélérat” Sarko ne manque pas de souffle. Avec cette interview, il nuance beaucoup de chose, comme on l’a dit, à sa manière, d’une façon radicale. Il a dû entendre le vent des sondages et l’agacement général en France pour des initiatives jugées trop pro-US; d’où des mises au point sur l’OTAN et sur l’Iran et la mise en scène d’un Kouchner qui pourrait découvrir qu’il va servir dans ce gouvernement de paratonnerre et de souffre-douleur pour tout ce qui sera considéré comme trop pro-US dans la conduite des affaires.


Mis en ligne le 24 septembre 2007 à 15H41