Le double sens de quelques mornes et monotones platitudes européennes

Bloc-Notes

   Forum

Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.

   Imprimer

 742

Il est de notre devoir de signaler un texte d’une platitude morne et monotone décrivant le besoin d'une défense européenne. Il est publié aujourd’hui dans le Guardian. Il est signé par le Dr Nuno Severiano Teixeira, ministre portugais de la défense, avec ce titre qui ne laisse pas de nous étonner: «Defence is our priority»,

Il s’agit d’un solennel et pompeux défilé de lieux communs sur la défense européenne, où il apparaît ontologiquement impossible d’écrire une seule phrase sur la défense européenne qui puisse être prise au sérieux, qui ne fasse en l’instant référence à une coopération serrée et confiante avec l’OTAN («… efforts to work with Nato», «All this should complement Nato», «… and the EU-Nato partnership»).

Mais il y a d’autres raisons de s’arrêter à ce texte que le plaisir douteux de quelques remarques venimeuses. Il s’agit somme toute d’un texte étrange parce qu’il est d’un Portugais; qu’il semble annoncer la volonté du Portugal de lancer, de susciter ou de proposer un grand processus de défense européenne ; que le Portugal préside l’UE depuis le 1er juillet et que s’il s’agit effectivement de l’intention des Portugais de faire quelque chose au niveau de la défense européenne c’est un peu tard ; qu’effectivement, présidant l’UE depuis le 1er juillet dernier, les Portugais n’ont rien fait dans ce domaine de la défense alors que le ministre annonce (titre de l'article) «Defence is our priority»...

Ce passage, par exemple, n’est-il pas étonnant? Il rappelle des engagements, des intentions, des volontés diverses, comme s’il annonçait une prochaine présidence où le Portugal déclencherait un processus, alors que justement nous commençons à nous acheminer vers la fin de cette présidence et que rien ne s’est passé. (Chose qu’est obligé de signaler, tout de même, le rédacteur de l’article du ministre, mais parlant de “la seconde moitié de 2007” d’une manière ambiguë, comme si la période était encore à venir: «Portugal's commitment is being put to the test as it presides over the EU Council in the second half of 2007.»)

«Portugal is an integral part of European defence. It has been a player from the start, participating in the Common European Security Policy and in all EU military missions, and contributing to the development of European military capabilities. Portugal's commitment is being put to the test as it presides over the EU Council in the second half of 2007. We want to reinforce Europe's capacity to intervene in international crises, and the EU-Nato partnership. We are committed to strengthening relations between the EU and the UN, not least to address the task of rebuilding war-torn states. We want to broaden strategic and military cooperation between the EU and the African Union to help prevent conflict and ensure the consolidation of Africa's states. We want to reinforce dialogue with the countries of the southern Mediterranean, which is essential to address shared threats.»

… Mais il faut bien tenter d’expliquer les choses. Malgré toutes les évidences de l’inattention de nos dirigeants, ce texte inutile et rabaché doit avoir sa signification — et voici une hypothèse. Disons qu’il pourrait être interprété par certains comme une réaction agacée du Portugal et une précaution du même pays pour l’avenir. Il signalerait la préoccupation des Portugais qu’on ne dise pas de leur pays qu’il a été (durant sa présidence) et qu’il est en général indifférent aux questions de défense européenne, — ceci et cela dans la perspective de ce que la France veut faire dans ce domaine. Par conséquent, ce texte sans importance d’un ministre d’un pays qui a peu de poids dans le domaine de la défense mesure pourtant l’impression considérable et préoccupée produite par les intentions françaises de lancer une initiative très importante en matière de défense européenne pour leur présidence (juillet-décembre 2008). Ces intentions dites et répétées par Sarkozy, et accueillies très diversement dans la discrétion des conversations de couloir, constituent pour les milieux européens une cause d’agitation considérable quoiqu’encore dissimulée.

Disons enfin que cet article est un de ces signes sans importance qui indiquerait éventuellement que cette affaire de défense sera de la plus haute importance, et sans doute le point central du débat européen de l’année 2008.


Mis en ligne le 26 septembre 2007 à 14H54