Les effets contrastés de la dénonciation par les anti-guerres des manœuvres pro-guerres : le cas du B-52 de Minot AFB

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Il est vrai qu’il existe des rapports involontairement ambigus entre les pro-guerres et les anti-guerres, dans la publication de scénarios de guerre, dans le démontage de complots à moitié vrais ou à moitié faux, etc. Les uns le font pour faire progresser leur cause en créant une atmosphère propice à la guerre, les autres entendent dénoncer le complot de la guerre, preuves à l’appui. Il y a également, et des deux côtés, dans toutes les analyses, informations et révélations qui s’échangent, une bonne part de désinformation, d’intoxication et de dramatisation, c’est selon.

Après les manœuvres des pro-guerres, voyons les activités des anti-guerres. L’article un peu étrange de Gordon Prather, le 29 septembre sur Antiwar.com, n’est pas nécessairement à placer dans l’une des catégories que nous indiquons, — bien que Prather soit évidemment un anti-guerre, — mais il s’appuie sur un des articles anti-guerre qui s’y place, lui, sans aucun doute. L’article de Wayne Madsen (c’est de lui dont il est question) décrit ce que l'auteur estime être, avec de nombreuses affirmations et informations inédites à l’appui, le cadre général de l’affaire du B-52 de Minot AFB. Pour Madsen, il s’agissait bien de la préparation d’une attaque nucléaire qui a été avortée grâce à des interventions hostiles, qui devait être coordonnée avec la mystérieuse attaque israélienne en Syrie du 6 septembre.

L’article de Prather est remarquable parce qu’il traduit bien l’ambiguïté du cas, la façon dont on réagit en général à cette sorte de révélations…

«According to a seemingly authoritative report in the Washington Post, it came to pass that, on or about 2045 hours, August 30th 2007, as the cruise missiles that had been mounted on one pylon of an Air Force B-52 – flown from Minot AFB and parked, unattended, for more than eight hours on a ramp at Barksdale AFB – were being transported to a storage area, an ''airman,'' a member of the transport crew, ''noticed something unusual'' about the missiles.

»It turned out these six AGM-129 cruise missiles were the real thing, armed with the W80-1 ''dial-a-yield'' (5KT-120KT) nuke warhead!

»The Military Times first revealed the discovery of August 30th by a lowly transport crewman on September 5th. And as Barksdale AFB has been widely reported to be the staging base for Air Force operations in the Middle-East, and when word got out that the Israelis had staged on September 6th some sort of attack on a facility on the far side of Syria that was alleged by Bonkers Bolton to be some sort of Syrian-North Korean processing plant for nuclear materials destined for Iran, conspiracy theories blossomed.

»Can it be that we have just witnessed Red Alert – the serious book on which the farcical movie Dr. Strangelove was based — in reverse?

»In the book-movie a paranoid Air Force General – believing himself near death – decides to leave the world a better place by ordering his nuke-armed B-52 bombers who are approaching the point where they would ordinarily turn back, to go ahead and bomb their assigned targets. The White House frantically tries to stop them, even ordering Air Force fighters to intercept the bonkers general’s bombers and shoot them down.

»Can it be that a lowly ''airman'' has thwarted one or more paranoids in the White House?

»Welcome to the world of Wayne Madsen Reports;»

Et tout au long de l'article, à mesure des citations (de Madsen mais aussi d’autres), ces diverses remarques interrogatives, exclamations, etc.: «Welcome to the world of Wayne Madsen Reports» / «Wow !» / «Doesn’t that seem strange to you? Wouldn’t that have seemed very strange to them?» / «But, getting back to Wayne’s World» / «Well, what do they know?»

• A côté de l’article de Madsen, on peut citer l’article de Michel Chossudovsky, qui développe une longue thèse, abondamment documentée, sur une attaque nucléaire contre l’Iran à partir du même incident du B-52. La thèse est encore plus large que celle de Madsen puisqu’elle englobe une appréciation politique générale, avec notamment l’affirmation que la France soutient cette frappe nucléaire préventive, — voire même serait prête à y participer, est-il laissé entendre ou croit-on comprendre, — et cela non seulement depuis l’arrivée de Sarkozy (ricanements divers) mais bien avant, avec Chirac lui-même depuis son discours de L’Île Longue de janvier 2006. C’est vraiment beaucoup pour un seul article. Reprenons notre souffle.

Finalement, l’article de Prather est exemplaire parce qu’il semble nous dire: dans l’atmosphère actuelle, on ne peut ignorer cette sorte d’articles à révélation de complot parce que des informations exactes peuvent s’y trouver, et pourtant le simple bon sens nous conseille d’y regarder à deux ou trois fois, — au moins. C’est le péril de l’information, aujourd’hui, installé par les autorités elles-mêmes, avec la relativisation de l’information, les manipulations, le virtualisme, la perte complète de références objectives. Dans ce péril, il s’agit de naviguer à vue, plutôt au bon sens qu’avec un radar qui est irrémédiablement brouillé. C’est ce que fait manifestement Prather.

… Ce qui n’empêche pas, au contraire, de confirmer notre appréciation objective un peu incertaine de l’étrange complicité entre pro-guerres et anti-guerres dans ce cas et dans cette circonstance, puisqu’exploitant la même veine d’informations, les mêmes constructions, avec le même penchant de la draùatisation, — ici dans un but de pression pour faire la guerre, là dans le but de mettre à jour et de dénoncer la préparation à la guerre. Il y a de la place pour des vérités et il y a une bonne place pour que se glissent, de tous les côtés et pour toutes les causes, des esprits énervées et des imaginations emportées.


Mis en ligne le 30 septembre 2007 à 13H24