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29559 novembre 2002 — Jim Lobe, qui est un auteur et journaliste américain intéressant, travaillant notamment pour Inter Press Service et atimes.com, donne de précieuses indications sur la formation d'un lobby washingtonien pour la guerre contre l'Irak. Son récent (6 novembre) article qui nous renseigne là-dessus porte le titre « New champions of the war cause ». Le nouveau lobby se nomme Committee for the Liberation of Iraq (CLI), et en fait de nouveauté on ne retiendra que le nom. La méthode aussi bien que les membres de ce “comité” sont archi-connus et archi-éprouvés.
La méthode, le lobbying de guerre, est d'une efficacité avérée depuis l'affaire du “Team B” de 1976-77, affaire préparée et exécutée par un autre “comité” du même type, de même structure, de même orientation, etc, — à croire que l'histoire (américaine, en tout cas) balbutie. Nous parlons du Comittee on Present Danger (CPD), qui monta cette affaire du “Team B”, qui fut à la base de la résurgence de la Guerre froide. (Nous renvoyons nos lecteurs notamment à la recension, sur ce site, du livre de Ann Hessing Kahn, qui rapporte l'histoire du “Team B” : Killing the Detente.)
Mieux encore : avec l'affaire du “Team B” et du CPD, nous retrouverons les principaux acteurs à l'oeuvre dans cette affaire du CLI, comme le montre Jason Vest, auquel nous procurons un accès par notre site. Qui sont ces hommes ? La litanie est connue puisque nous sommes effectivement dans les mêmes milieux dits neo-conservatives : Perle, Kristoll, Kagan, etc. Quelques mots de Lobe sur les conditions de la naissance du CLI, qui sera également une émanation du Project for a New American Century (PNAC), autre organisation de lobbying du même groupe, de même tendance, pour les mêmes fins :
« A small group of influential right-wingers with close ties to the offices of Pentagon chief Donald Rumsfeld and Vice President Dick Cheney will this week launch a new political campaign to rally public support for the invasion of Iraq. » (...)
» The Committee for the Liberation of Iraq, which is setting up its office on Capitol Hill this week, plans to announce its formal launch next week, according to its president, Randy Scheunemann, a veteran Republican Senate foreign policy staffer who until recently worked as a consultant to Rumsfeld on Iraq policy.
» The committee appears to be a spin-off of the Project for a New American Century (PNAC), a front group consisting mainly of neo-conservative Jews and heavy-hitters from the Christian right, whose public recommendations on fighting the war against terrorism and US backing for Israel in the conflict in the occupied territories have anticipated to a remarkable degree the administration's own policy course.
» Scheunemann, who is best known for drafting the 1998 Iraq Liberation Act that authorized US$98 million for the Iraqi National Congress (INC), a loose coalition of Iraqi dissidents that is widely distrusted by the State Department and the Central Intelligence Agency, said that he was still putting together the group's board of advisers. »
Si la nouvelle vaut d'être annoncée, elle ne mérite pas de longues explications tant elle décrit une situation archi-connue. Mais il y a dans le CLI un aspect très intéressant et, pour la cause, complètement novateur, qui est même quelque chose de révolutionnaire. Il s'agit de ce fait qu'on retrouve, en première ligne dans cette machine de guerre ultra-politicienne, dans la position de chairman, une personne directement liées au complexe militaro-industriel et, plus spécifiquement, à Lockheed Martin (LM), l'un des deux géants US du domaine avec Boeing. Jim Lobe donne les indications qui importent, sur lui et sur deux autres personnes ayant des liens avec LM qui lui sont liées et évoluent dans le même milieu. Il semble probable qu'on retrouve ces deux autres personnes comme dans la mouvance du CLI, comme autres liens de LM avec ce groupe de pression. Voici les trois personnes :
• Bruce P. Jackson est le chairman du CLI, il est également Vice-President (VP) chez LM.
• Steve Hadley est lié à Jackson et devrait travailler avec lui. Il a travaillé chez Shea & Gardner, un cabinet d'avocats représentant Lockheed Martin.
• Tom Donnelly fut directeur-adjoint du PNAC avant d'être engagé chez LM. Depuis, il a quitté LM pour l'American Enterprise Institute (AEI), qui est le relais, dans les instituts stratégiques de Washington, des neo-conservatives type-Perle (dont le CLI est évidemment une émanation). Donnelly pourrait tenir un rôle de relais entre l'AEI et le CLI.
Jim Lobe présente ces trois hommes et leurs connections de cette façon :
« So far, Bruce P Jackson, a vice president at arms maker Lockheed Martin, who chaired the Republican Party's subcommittee for national security and foreign policy when George W Bush ran for president in 2000, has signed on as chairman. (...)
« Jackson's position as the committee's chairman is notable because senior executives in the defense industry have generally shunned the limelight, particularly in citizens' or lobby groups that promote wars, lest they be painted by the media as ''merchants of death''. A former military intelligence officer in the US Army, Jackson worked in the office of both Frank Carlucci and Dick Cheney when they served as defense secretaries under former presidents Ronald Reagan and George Bush Sr. After a brief stint as an investment banker for Lehman Brothers in New York, he joined the defense industry, rising to his current post as vice president for strategy and planning at Lockheed Martin.
» An outspoken champion of Taiwan, Jackson came to public prominence as head of the US Committee to Expand NATO, which lobbied Congress in favor of the greatest possible eastward expansion of new NATO members, a lucrative new market for major arms sales for Lockheed Martin, as well as five other big US military contractors.
» Working with him was Steve Hadley, an assistant secretary of defense under Bush Sr and currently George W Bush's deputy national security adviser. At the time, Hadley worked for Shea and Gardner, a law firm that represents Lockheed Martin. More recently, the PNAC's deputy director, Tom Donnelly, joined Lockheed Martin, but was then assigned to the AEI, where he reportedly works with Perle.
Oui, c'est certainement un événement important et révolutionnaire, que l'apparition sur le devant de la scène, dans un groupement aussi éminemment politique, aussi évidemment idéologique, aussi clairement à l'extrême-droite belliciste et destiné à jouer un formidable rôle politique, d'un homme de LM, dont les liens avec LM sont archi-connus puisqu'il occupe de fait une position de direction dans le géant de l'armement. Cela indique que le complexe militaro-industriel, autant que le monde des grandes entreprises (corporates), n'estime même plus nécessaire de s'affubler d'un faux-nez en se tenant dans les coulisses de l'action d'influence (même si ce faux-nez ne trompait personne parmi les informés). Désormais, cette puissance joue à visage découvert, comme une force politique de premier plan en faveur de la guerre.
Il s'agit également d'une précieuse indication sur le changement de climat aux USA, qui va dans le même sens que celui que nous indique le texte de Hugo Young tel que nous le présentions hier, dans cette rubrique F&C. Désormais, il n'y a plus aucun frein au déchaînement de cette puissance du Big Business aux USA, et ses prétentions de peser de tout son poids sur la détermination de la politique US sont exposées sans le moindre frein. Les liens entre l'industrie, les groupes d'extrême-droite et le Pentagone sont désormais une donnée quasiment officielle de la situation politique à Washington. Cette officialisation est un important événement.
Les conséquences directes et indirectes doivent être mesurées à la lumière de ces hypothèses :
• La politique extérieure des États-Unis a désormais un lien direct et officiel avec la vision de marketing des grandes entreprises du complexe militaro-industriel. Dans certains cas, ce lien direct pourrait constituer l'explication centrale d'une action de l'administration.
• Les exportations de systèmes d'arme sont désormais, aux USA, une affaire complètement politiques, une affaire dont les perspectives supposées peuvent peser sur la politique des États-Unis jusqu'à l'influencer sur le fondement même.
• Toute entreprise de coopération que lance une entreprise comme LM Doit être désormais considérée, majoritairement et impérativement, selon son aspect politique le plus polémique. L'exemple le plus évident est celui du programme JSF en Europe, le choix d'entrer dans ce programme fait par 4 pays européens : il s'agit d'une entreprise politique d'investissement et de conquête politique de la part de LM, et qui ne peut plus désormais être considérée de façon différente.
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