Quand l’affaire BAE-Yamamah risque de devenir américaniste, sur l’autel de la lutte anti-corruption…

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L’habitude était prise. Lorsqu’on voulait des nouvelles sur la saga du “scandale BAE” (principalement l’affaire des marchés Yamamah et des diverses enquêtes de corruption entre le Royaume-Uni et l’Arabie Saoudite), on ouvrait les pages du Guardian (ou bien la nouvelle était en première page). C’est un tournant: les dernières nouvelles de l’affaire BAE, après plusieurs semaines de silence qui firent croire à son enterrement, sont dans le New York Times du 25 novembre et c’est seulement dans le Guardian du lendemain, c’est-à-dire d’aujourd’hui, qu’on en trouve l’écho.

Nous parlons ici de la perception, c’est-à-dire de l’intérêt des médias et (ensuite) du Congrès, en attendant d’autres cercles dirigeants. On sait que l’affaire BAE est dans les mains du département de la justice US depuis le 15 juin. Jusqu’ici, on ne distinguait pas, dans la presse et dans les processus qui font l’opinion à Washington, des signes sûrs permettant de penser que cette affaire était entrée dans le cycle de l’information US, avec, dans ce cas, des conséquences possibles pour BAE. (Le consortium BAE est très fortement impliqué aux USA, où il fait près de 50% de son chiffre d’affaires. Il y serait beaucoup moins “protégé” si l’affaire y éclatait vraiment, au contraire du Royaume-Uni où le gouvernement est presque totalement engagé dans sa protection.)

Le climat pourrait être en train de changer. L’article du New York Times, extrêmement long, donne certaines indications dans ce sens. Il indique notamment que l’affaire BAE s’inscrit dans une mobilisation générale pour une bataille (aux USA et hors des USA) contre la corruption – dont il y a beaucoup à dire, sans aucun doute, mais qui s’avère effectivement être une bataille contre la corruption.

«While the BAE investigation apparently ran aground in Britain, it has gained enough interest in the United States to cause some of those in the middle of it to secure high-profile legal advisers. Prince Bandar, a confidant of the Bush family, recently retained the former Federal Bureau of Investigation director Louis J. Freeh, as well as one of the fathers of the F.C.P.A., the retired federal judge Stanley Sporkin, to represent him.

»“There have been no charges filed,” Mr. Freeh said in an interview. “The prince denies any impropriety and violating any statutes in the United Kingdom or the United States.”

»The revelation that British investigators had discovered that BAE deposited $2 billion in payments into Prince Bandar’s Washington bank accounts led the Justice Department to enter what analysts describe as the highest-profile F.C.P.A. case to date. Passed by Congress three decades ago in the wake of Watergate, it is only in the last five years that the F.C.P.A. has become a powerful tool for prosecuting domestic and overseas companies suspected of bribing foreign officials to secure business.

(…)

»Lawyers, prosecutors and corporate executives in the United States and abroad say they are closely watching the BAE investigation because it offers a test of how aggressively anti-corruption initiatives will be pursued globally, particularly in countries like Britain and Japan that have resisted enforcing such efforts. “The BAE case is a watershed moment,” says Mark Pieth, who oversees anti-bribery efforts for the O.E.C.D. “Large multinationals in many countries have come to us and told us that.”»

Comme on peut le lire, l’article indique que l’effort anti-corruption est en train de prendre son élan aux USA, notamment en activant une loi datant de l’époque du Watergate et jusqu’ici peu appliquée (la FCPA déjà mentionnée, ou Foreign Corrupt Practices Act); c’est une situation typiquement américaniste où la Loi (en général) n’est appliquée que si cela rencontre des intérêts majoritaires, – mais elle est alors appliquée avec rigueur. Quelles que soient les causes de cet événement possible, – causes qui doivent être analysées avec attention, et qui peuvent s’avérer paradoxales, – l’article est très précis à cet égard, notamment en ce qui concerne la position du monde des affaires US, dont l’influence est déterminante:

«…Although some American companies once actively lobbied to water down the F.C.P.A., arguing that it made it hard to compete overseas, many corporations here have now thrown their weight behind it in the belief that it can be used to prevent competitors from indulging in bribes. So anti-corruption efforts in the United States are now gathering legal steam.

»“There has been a dramatic increase in the resources dedicated to enforcing the law by the Justice Department and the F.B.I., and even more important, a strong public commitment to compliance as well as enforcement,” says Peter B. Clark, who oversaw F.C.P.A. prosecutions at the Justice Department from the enactment of the law in 1977 until his retirement two years ago.»

L’article indique que la menace que fait peser cette loi, notamment sur BAE, est principalement de l’ordre de la relation publique, de la bonne réputation si l’on veut, ou plutôt de l’apparence de bonne réputation pour répondre aux règles de fonctionnement du virtualisme qui comprend une dimension moralisante formelle évidente à laquelle tous doivent se soumettre. (Ce n’est pas une question d’argent : il semble bien qu’aucune amende ne fait peur à BAE, qui dispose de tous les fonds nécessaires à cet égard.) Ainsi l’article peut-il écrire à propos du risque couru par BAE:

«The threat of an indictment under the F.C.P.A., more than financial penalties, is what worries most companies that may come under scrutiny as part of the Justice Department’s crackdown on bribery.

»“No publicly traded company wants to be branded with the stigma of an indictment,” says David Zornow, who directs the white-collar criminal practice in New York for the law firm of Skadden, Arps, Slate, Meagher & Flom. “It’s potentially ruinous.”»

(Sur les circonstances elles-mêmes de l'affaire détaillée par le NYT, voir notre note suivante.)


Mis en ligne le 26 novembre 2007 à 13H41