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649Lors de sa rencontre avec les dirigeants saoudiens, le président GW Bush a parlé de la NIE 2007 en des termes inattendus d’un point de vue formel mais compréhensibles du point de vue de sa position personnelle.
Pour Bush, l’Iran a été, est et restera une menace, “malgré la NIE 2007”. Bush a notamment déclaré à propos de ses entretiens avec les dirigeants saoudiens (selon AFP, relayé par RAW Story) : «I defended our intelligence services, but made it clear that they're an independent agency; that they come to conclusions separate from what I may or may not want.»
La même dépêche rapporte, dans le même sens, à propos des entretiens de Bush avec les dirigeants israéliens, au début de sa tournée au Moyen-Orient:
«Citing an anonymous senior US administration official, Newsweek magazine reported Monday that Bush had all but disowned the NIE in talks with Israeli Prime Minister Ehud Olmert.
»“He told the Israelis that he can't control what the intelligence community says, but that (the NIE's) conclusions don't reflect his own views” about Iran's nuclear-weapons program, the weekly quoted the official as saying.»
A Washington, la porte-parole de la Maison-Blanche Dana Perino a été interrogée sur ces prises de position du président. Elle assure que Bush a une complète confiance dans les services de renseignement et précise d’une façon ambiguë, nuançant jusqu’à une contradiction implicite certains aspects des déclarations de Bush: «He does not believe that the NIE that was produced ... should provide anyone any comfort that Iran is not a threat» Cette ambiguïté de position marque sans aucun doute le malaise de la bureaucratie du système devant les prises de position de Bush qui mettent en cause la cohésion du système.
La position de GW Bush n’a qu’une importance moyenne du point de vue politique du fait de l’influence déclinante et désormais presque négligeable du président, de sa “marginalisation” de facto qui est apparue évidente durant son voyage au Moyen-Orient. Elle constitue par contre, du point de vue formel, une intéressante mise au point.
Le président des Etats-Unis nous a confirmé implicitement que les services de renseignement constituent désormais un pouvoir indépendant, sur lequel il n’a pas (plus) de contrôle,qui fait ses analyses et donnent son opinion sans réel souci de la position de la Maison-Blanche. Bush a une autre position que celle de la NIE 2007, ce qui est une belle affirmation de sa part (la Maison-Blanche est donc, de son côté, “indépendante” des services de renseignement); mais sur quoi repose cette affirmation, sinon sur sa conviction et sur une expérience de président entachée de multiples erreurs de jugements et d’échecs politiques? Entre l’analyse des services de renseignement et l’opinion de Bush, le choix est évident et vite fait. Cela est confirmé par l’orientation générale de la crise iranienne, qui est celle d’une détente certaine par rapport à la période d’avant la NIE 2007.
D’une façon plus générale, les déclarations de Bush constituent une confirmation de l’éclatement du pouvoir aux USA, de l’autonomie des divers centres de pouvoir (notamment celui que constitue la communauté du renseignement), de la perte de crédit et de légitimité du pouvoir suprême en théorie qu’est la présidence. C’est la confirmation d’une situation déjà souvent analysée depuis quelques semaines. Il est intéressant qu’elle soit dite d’une façon aussi claire et dans des termes officiels.
Face à des interlocuteurs aussi sensibles et importants pour lui que les Israéliens et les Saoudiens, Bush, qui est totalement étranger à une notion comme “le sens de l’Etat” impliquant qu’on doit défendre et affirmer à tout prix la centralité et la légitimité du pouvoir, ne pouvait faire autrement. Il n’était pas question pour lui de démentir tous ses actes politiques à l’encontre de l’Iran depuis plusieurs années, d'autant que le brave homme doit effectivement croire à la “menace” iranienne. Il a choisi sa “stature politique”, aussi piètre soit-elle, contre la cohésion du système gravement secoué par la NIE 2007. Il a fait un choix qui, justement, correspond parfaitement à l’éclatement du pouvoir US et contribue à renforcer cet éclatement. Cette mécanique de l’éclatement du pouvoir US, donc de son affaiblissement, dépasse désormais les différents acteurs. Nulle surprise, ces acteurs ayant la faiblesse de caractère et l'indignité de comportement qu'on sait. Il faudrait, après Bush, un successeur d’une singulière stature et d’une grande légitimité, – vertus bien improbables aujourd'hui, – pour espérer renverser cette tendance.
Mis en ligne le 16 janvier 2008 à 06H25