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1024On connaît la verve et la furia de Paul Craig Roberts, ancien secrétaire adjoint au trésor de Reagan, ancien commentateur-vedette du Wall Street Journal reconverti dans la polémique anti-système dans les réseaux dissidents sans rien perdre de ses conceptions de conservateur classique. Simplement, Roberts pointe le doigt vers la direction américaniste, essentiellement depuis 9/11 bien sûr, et il affirme in fine: “ce sont eux qui ont trahi les conceptions classiques du conservatisme américain”.
Le 20 mars, sur OnLine Journal, Paul Craig Roberts publie un de ces articles qui reprennent toute une pensée critique des événements courants, en leur appliquant sa vision désormais eschatologique pour ce qui concerne le destin de l’Amérique. C’est, simplement titré, «The collapse of American power». Rapide mais largement documenté, argumenté selon les lignes rigoureuses d’un spécialiste en économie, l’article expose au point qu’on soit proche de la démonstration la validité de l'hypothèse de l’inéluctabilité de l’effondrement très rapide de la puissance US.
Voici sa péroraison...
«Noam Chomsky recently wrote that America thinks that it owns the world. That is definitely the view of the neoconized Bush administration. But the fact of the matter is that the US owes the world. The US “superpower” cannot even finance its own domestic operations, much less its gratuitous wars except via the kindness of foreigners to lend it money that cannot be repaid.
»The US will never repay the loans. The American economy has been devastated by offshoring, by foreign competition, and by the importation of foreigners on work visas, while it holds to a free trade ideology that benefits corporate fat cats and shareholders at the expense of American labor. The dollar is failing in its role as reserve currency and will soon be abandoned.
»When the dollar ceases to be the reserve currency, the US will no longer be able to pay its bills by borrowing more from foreigners.
»I sometimes wonder if the bankrupt “superpower” will be able to scrape together the resources to bring home the troops stationed in its hundreds of bases overseas, or whether they will just be abandoned.»
La dernière remarque est particulièrement originale en ce sens qu’elle concerne une hypothèse concrète à partir d’une situation de banqueroute du gouvernement fédéral US, – et l’attitude de ce gouvernement dans ce cas, ou/et du Congrès, vis-à-vis de l’énorme amoncellement de puissance militaire outremer, avec des bases et des détachements militaires dans plus de 130 pays. La question qui se poserait alors est de savoir si l’on retrouverait des situations similaires, particulièrement dans deux exemples du passé.
• En quelques mois à partir de mai-septembre 1945, l’énorme puissance militaire US accumulée pendant la Deuxième Guerre mondiale fut quasi-totalement pulvérisée, notamment dans nombre de ses déploiements outre-mer. Par exemple, l’effectif en service actif de l’USAAF en Europe passa en un an et demi à partir de mai 1945 de 17.000 avions de tous types à 48 chasseurs-bombardiers P-47 Thunderbolt. Bien entendu, la cause de la brutalité de cette “démobilisation” ne fut pas la banqueroute mais une décision du Congrès, en septembre 1945 sous la pression populaire, d’accélérer radicalement le processus de la démobilisation des forces armées US, sans prêter attention aux priorités structurelles programmées, jusqu’à une dynamique de “désintégration de l’armée”. (Le général Marshall employa ce qualificatif en décembre 1945 pour désigner le processus de démobilisation des forces US tel que le Congrès l’avait perverti. Il compara la “désintégration” des forces armées US à celle de l’armée russe en 1917, après la chute du tsar.) Dans ce cadre, une partie importante du matériel déployé outremer fut simplement envoyé à la casse sur place ou rétrocédé dans certains cas aux pays-hôtes.
• A partir de 1989-90, l’effondrement de la puissance militaire soviétique, qui conduisit dans de nombreux cas à l’abandon en l’état de matériels militaires, puis à leur trafic, à leur revente, à leur destruction, etc., tout cela dans la plus complète anarchie. Le cas toucha même des matériels nucléaires militaires, laissés parfois dans des conditions effarantes d’absence de protection, de surveillance et de sécurité. Le cas soviétique concerna surtout des forces armées stationnées sur le territoire national mais également les forces soviétiques dans les pays du Pacte de Varsovie.
Paul Craig Roberts a raison de faire cette réflexion. Il ouvre un champ de spéculation intéressant, tant l’hypothèse qu’il évoque, comme en passant, acquiert de plus en plus de crédit à mesure que la situation évolue. La rapidité des événements aux Etats-Unis, la révélation avec la crise financière, même pour les esprits les plus fermés, que les USA sont le moteur évident de la crise systémique du monde, le lien établi par Stiglitz entre cette crise et la guerre extérieure, et la logique qui s’ensuit par rapport à l’évolution de la politique de sécurité nationale, tout cela rend cette remarque “comme en passant” de Roberts beaucoup plus vivace et féconde... C’est à partir de tels “accidents” du commentaire que la perspective théorique d’un effondrement de la puissance américaine devient plus concrète, pour s'inscrire dans le possible à court terme de notre temps historique. (On retrouve ce texte en accès direct sur notre site.)
Mis en ligne le 25 mars 2008 à 04H40