La question du racisme autour de la candidature d’Obama

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Depuis quelques semaines s’aggrave considérablement aux USA la question du racisme liée à la candidature de Barack Obama (l’hostilité d’une partie de l’électorat blanc contre Obama parce qu’il est Africain-Américain, – ou moitié Africain-Américain, mais cette particularité n’a pas l’air d’avoir le moindre effet). Le Sunday Times d’hier rapporte une interview d’un des leaders noirs au Congrès, James Clyburn, qui est un des chefs de la majorité démocrate de la Chambre.

Clyburn est très inquiet, d’une part des intentions affichées par certains de faire pression, voire forcer Obama à se retirer à cause de cette hostilité des électeurs blancs, d’autre part des conséquences au niveau des électeurs noirs (traditionnellement démocrates), de l’unité du parti démocrate, et, d’une façon générale, de la situation des rapports inter-raciaux aux USA. Clyburn, qui n’a pourtant pas pris partie pour l’un ou l’autre candidat, attaque notamment avec force le comportement d’Hillary Clinton qui cherche une élimination d’Obama par des manoeuvres auprès des “super-délégués”.

Dans trois grands Etats, essentiels pour l’élection, on trouve des sondages impressionnants pour les intentions de vote. En Floride, 27% des électeurs disent qu’ils refuseraient de voter pour un Noir, 20% dans l’Ohio et 19% en Pennsylvanie. En plus existe le fameux phénomène de la différence de comportement entre les réponses aux sondages sur une question aussi “politically correct” et le comportement dans l’isoloir. («“When it comes down to it, they are not going to vote for a black man,” said Jim Whitworth, 43, who wore a Harley-Davidson motorcycle T-shirt and a chestful of Hillary for President buttons to a Clinton rally in Fayetteville, North Carolina. He said the more he learnt about Obama, the more he found him “scary”. “I don’t feel like I’m a racist, but this country is. People say they will vote for a black person, but when they get to the polls they won’t.”»)

Voici quelques-unes des déclarations de Clayburn et d’autres sur cet aspect si particulier de la candidature d’Obama:

«“We’ll be playing with fire if we interfere with the voters’ choice,” James Clyburn, the party’s chief whip in the House of Representatives, told The Sunday Times. “African-Americans will feel cheated.”

»Clinton is hoping to win by persuading superdelegates – the party officials with a free vote and the power to tip the nomination at the Democratic convention in August – to back her, even if Obama is in the lead once all the primaries and caucuses have been held.

»But Clyburn, who has yet to endorse either candidate, believes this path would be suicidal for the Democrats. African-Americans were not the only ones who would feel betrayed, he said. “Barack Obama has brought in a lot of young voters for the first time, and they’ll feel cheated too.” Many Clinton supporters are equally adamant that their candidate must win because white Americans are not going to elect a black president. Either way, Democrats are on a collision course.

(...)

»The Democratic party is splitting over the most ugly, divisive issue in America. The contest began as an exciting, inspirational battle between two widely respected candidates with the potential to make history as the first woman or first black president. Yet it could end in bitterness and defeat at the hands of the Republicans if the breach is not healed. [...]

»When Obama won in Iowa, a predominantly white state, in early January, it was a moment of promise. Some people were moved to tears as crowds chanted: “Race doesn’t matter.” Clyburn has a different opinion. “Race always matters,” he said. “That slogan was more about young college graduates telling people, ‘Race doesn’t matter to us’.”

(...)

»The vexing question is whether the superdelegates are willing to countenance a civil war in the party by throwing the nomination to Clinton even if she lags behind Obama in delegates. Some equate this to telling black people to get to the back of the bus, as they did during the years of segregation.

»Kevin Marsh, 57, an Obama supporter in Fayetteville, said: “If Hillary wins, there are countless numbers of people of colour who are going to say she stole the election – and they’ll say, ‘I’m not going to vote at all’. It could get really, really bad.”»

La question est ici envisagée du point de vue du parti démocrate et essentiellement pour ses conséquences électorales. Elle commence à prendre des allures si graves qu’elle semble désormais avoir le potentiel de largement dépasser ce cadre pour éventuellement redevenir une des crises centrales aux USA, comme elle l’avait été dans les années 1950 et 1960. La phrase citée ci-dessus («Some equate this to telling black people to get to the back of the bus, as they did during the years of segregation») montre que l’état d’esprit est assez exacerbé sur cette question, et avec du temps pour une aggravation dans ce sens, pour susciter une évolution vers un climat de crise nationale. Ce serait bien entendu un résultat en apparence paradoxal de la candidature Obama que de faire renaître une crise des tensions raciales aux USA. “En apparence”, disons-nous, parce qu’il nous a toujours semblé que l’“intégration” des Noirs dans les années 1960 avait été essentiellement formel, juridique, etc., jusque dans la politique des “quotas”, mais qu’il n’avait pas vraiment modifié le coeur du problème. Il est possible que les USA nous en fassent, les mois prochains, la démonstration en grandeur réelle, ajoutant une crise de plus dans une situation qui n’en demandait pas tant.

Inutile d’ajouter que cette affaire contribue et contribuera de plus en plus à ajouter au ternissement de l’image des USA à l’étranger. Les derniers partisans de l’“American Dream”, surtout chez les intellectuels libéraux européens, arguent qu’au moins dans le domaine racial, les USA ont résolu leur problème d’une façon exemplaire. Tout cela pourrait bien être bientôt dit au passé.


Mis en ligne le 28 avril 2008 à 09H56