Les amis (européens) sont arrivés, Washington est satisfait

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Les amis (européens) sont arrivés, Washington est satisfait — voilà un big message pour un big triomphe, et pour des big dégâts


A lire avec attention, ce texte de John Vinocur dans l'International Herald Tribune du 9 décembre 2002. Il est en fort bonne place, en manchette de la une de ce jour, et puis en titre cette phrase qui nous en dit beaucoup : « The big winner in the EU expansion: Washington. »

La thèse est brève et percutante, et elle rencontre des idées qui sont dans l'air du temps : l'entrée de 10 pays notoirement pro-américains dans l'UE va faire basculer l'UE dans un camp pro-américain complètement verrouillé. Ce que nous dit John Vinocur :


« The European Union's coming enlargement to 25 members, including many former Soviet bloc countries now entering NATO, seems sure to increase the United States' overall influence in Europe and within the EU —while putting aside for the time being the idea of an emergent Germany leading the continent from Berlin.

» The entry of these essentially pro-American countries of Central and Eastern Europe into the EU, according to a German official, also signifies the end of any attempts within the EU to define itself and its evolving foreign and security policy as aligned against the United States.

» “You can no longer muster a majority for that,” said Karsten Voight, the German Foreign Ministry's coordinator for German-American relations. (...) with the addition of former Soviet bloc countries to the EU, Voigt said: “Any concept attempting to define the EU as an organization that is basically against the United States is no longer able to muster a majority. That temptation is finished. As an enlarged Europe comes into being and defines itself, that view of (an antagonistic) Europe, or that American analysis of what the EU means, is overtaken.” »


Le reste, qui ne manque pas d'intérêt, est le développement de cette thèse, avec quelques citations à l'appui. Certaines (les allemandes) sont les plus intéressantes sinon les plus convaincantes, d'autres plutôt de circonstance, — et, dans ces dernières, nous mettons celles des Polonais (le représentant des pays de l'est appelé à témoigner en faveur de la thèse), — d'autres, éventuellement sollicitées malgré des qualificatifs flatteurs (les Français, qualifiés pour la bonne cause de « France's most sophisticated European planners »). Voici les deux dernières appréciations citées, successivement le Polonais et les Français :


« President Alexander Kwasniewski of Poland caught that note recently in insisting, “To say that we're a Trojan horse of the United States” in the EU “is unjust.” But he also asserted that “there would be no Europe without American democracy,” and that the EU's stringent conditions for entry meant risking “what there is left of enthusiasm” for joining the organization. »

(...)

« This interpretation or perception appears to have reached some of France's most sophisticated European planners, a number of whom have been the most prone to regard an expanded EU as creating a global force to counter-balance for the United States.

» Jacques Delors, the former president of the European Commission, now talks, for example, of a Europe whose ambition is to be “influential.” This contrasts with the French notion of “Europe puissance” — or roughly, Europe as a competitor for world political power — that has had extensive appeal in Paris. »


Nous allons laisser de côté ces références non-allemandes, effectivement jugées accessoires. Nous allons nous intéresser aux références allemandes qui sont les plus importantes. D'ailleurs, ce texte ne s'adresse pas à l'Europe mais à l'Allemagne. C'est un big message américain à l'Allemagne, une sorte d'explication officieuse, de provenance US, de l'évolution des choses pour l'Allemagne. Comme dans tout texte de cette sorte, il est nécessaire de décoder. D'autre part, ce décodage ne doit pas nous laisser penser que les effets de ce texte seront limités aux domaines délimités par le codage ; si le texte s'adresse effectivement aux Allemands, il a une formidable signification transatlantique.

(L'importance que nous accordons à ce texte ne doit pas tromper, notamment faire croire que ce texte est en lui-même important. Ce texte est important comme stéréotype. On commence à retrouver et on retrouvera de plus en plus, dupliquée par le conformisme qui fonctionne très efficacement, la même thèse, avec les mêmes idées, reflétant la même pensée. Par conséquent, on s'attache à un et on les a tous ; et celui-là est particulièrement significatif des questions que nous abordons à cette occasion.)


Tiens, première nouvelle : l'Europe d'aujourd'hui, avant l'arrivée des 10 petits nouveaux, est une Europe pétante de “volonté de puissance” et prête à affronter les Américains

La particularité de la dialectique complètement virtualiste qu'utilisent les Américains du système washingtoniens d'influence et leurs amis, et tous ceux qui suivent leur mode de pensée, est que la vision historique, disons du “futur proche” où a commencé à agir cette tendance, devient également complètement marquée par le virtualisme. Cela crée une nouvelle catégorie d'un “virtualisme rétrospectif”, dans laquelle on trouve des références complètement faussées par rapport à la réalité historique, des cas et des débats complètement faussés, des raisonnements faussés, des conclusions faussées. Cela conduit à des erreurs d'évaluation, bien actuelles celles-là.

Ici, le cas est flagrant. Vinocur cite à satiété un de ses interlocuteurs allemands favoris, Karsten Voight, et ce dernier nous dit cette chose considérable, qui ne doit pas manquer de nous surprendre à un point remarquable : « Any concept attempting to define the EU as an organization that is basically against the United States is no longer able to muster a majority. That temptation is finished. As an enlarged Europe comes into being and defines itself, that view of (an antagonistic) Europe, or that American analysis of what the EU means, is overtaken. » Le « is no longer able to muster a majority » vaut son pesant d'éditoriaux : cela signifie qu'avant l'élargissement, c'est-à-dire encore aujourd'hui et jusqu'à l'entrée des 10 pays-sauveurs à la fin 2004, vous êtes capable de réunir une majorité à l'UE pour orienter l'UE contre les USA et faire une politique européenne anti-US ? Cela signifie que l'UE est, potentiellement, majoritairement « antagonistic » des USA, actuellement, telle qu'elle est ?

On trouve peu d'affirmation aussi complètement surréaliste, à cause de la fausseté complète du propos du fait de son absence également complète de rapport avec la réalité. Aujourd'hui, une politique européenne antagoniste des USA obtiendrait, à l'UE, une demi-voix française et un quart de voix belge, et le reste (y compris une demi-voix française et trois-quarts de voix belge) serait évidemment et irrévocablement à 100% pro-américaine. (En d'autres termes : si l'UE paraît parfois anti-US, c'est parce que la politique US radicalisée l'y contraint pour ses intérêts les plus importants. Cela se verra de plus en plus. Et là, on doute que les 10 nouveaux, tout pro-US qu'ils soient, puissent envisager d'avoir une autre attitude que celle qu'on décrit, qui est le fait d'une écrasante majorité d'anciens, aussi pro-US qu'eux.)

Voilà la technique : on érige comme réalité une contre-vérité (d'ailleurs, en ignorant qu'il s'agit d'une contre-vérité), pour ensuite affirmer qu'avec tel événement (l'entrée des 10 nouveaux) cette “réalité” est renversée, vaincue, dispersée, et que c'est un grand événement. C'est une victoire dialectique virtualiste. Elle est agréable à l'oeil, au premier coup d'oeil, mais comporte de graves conséquences. Elle nous fait prendre des vessies (celles de l'UE) pour des lanternes, et les Américains ont bien tort car les vessies, même si elles ont peu d'allure, sont fortement pro-américaines.


Tiens, deuxième “première nouvelle” : tout était prêt pour que l'Europe tombât sous la coupe de l'Allemagne devenue une puissance et, patatras, l'Allemagne est devenue « provinciale »

Un deuxième cas de cette démarche intellectuelle, corollaire du premier, concerne la “provincialisation” de l'Allemagne, attestée par Voight et pris en compte par Vinocur, le « putting aside for the time being the idea of an emergent Germany leading the continent from Berlin ». L'idée d'une Allemagne dominatrice du continent a germé avec la réunification, d'abord chez ceux qui la craignaient (les Français et les Britanniques) et chez ceux qui s'en frottaient les mains puisque l'Allemagne était complètement alignée sur les USA (Bush-père et, dans la théorie, le Brzezinski de The Grand Chessboard: American Primacy and Its Geostrategic Imperatives).

Qu'en est-il ? Cette idée d'une Allemagne dominatrice de l'Europe s'est exprimée de façon caricaturale, et plutôt contre-productive, par l'une ou l'autre bévue allemande (la reconnaissance de la Croatie en 1992) ; elle devait s'affirmer définitivement avec le départ définitif des troupes russes de l'ex-RDA en 1994 et ne le fit pas du tout ; l'idée de la domination, et seulement l'idée, se perdit rapidement dans des problèmes économiques (difficulté d'intégrer la RDA) et diverses autres réalités allemandes (incapacité d'affirmer une croissance de l'appareil militaire notamment). Fin 1998, la relance de l'Europe de la défense se fit sans les Allemands. L'émergence de l'euro, loin de voir l'affirmation allemande relayée par la monnaie, vit au contraire la dilution de la seule carte allemande (la puissance du mark). La crise chronique de ces trois dernières années a complété cette évolution. Ce n'est pas une “provincialisation”, c'est l'incapacité allemande à atteindre un statut qu'elle n'envisageait qu'en termes économiques et qui comprend des termes politiques et stratégiques qui lui sont étrangers.

Là encore, on fait d'une situation qui n'a jamais existé (la prépondérance allemande sur l'Europe) une réalité virtualiste rétrospective, pour pouvoir mieux affirmer une victoire d'un autre concept virtualiste (la “provincialisation”). C'est à ce terme, qui a sa signification codée également, auquel il faut s'attacher.


Soyons sérieux : ce big message s'adresse à Gerhardt Schröder pour lui dire que son escapade ne durera pas mais il nous montre aussi à quel point de désespérance sont tombés les amis atlantistes allemands

L'Allemagne « provinciale » ? Ce terme nouveau est applicable, dans le monde du conformisme, depuis que Schröder s'oppose à la guerre contre l'Irak. La “provincialisation” de l'Allemagne selon Kartsen Voight, c'est l'Allemagne qui s'est retirée du concert atlantiste et belliciste (ce qu'il en reste). Il faut imaginer ce que diraient les mêmes, si Schröder avait poursuivi sa politique type-Kosovo et s'il tressait aujourd'hui des lauriers aux ambitions belliqueuses des super-faucons de GW. C'est alors qu'on parlerait de la maturité de l'Allemagne, de son accession au rang de puissance internationale.

Cela est devenu impossible. Schröder n'a pas pris le parti qu'on lui a vu prendre par conviction mais par électoralisme, en août dernier, pour être réélu. Or, la situation à cet égard n'a pas changé depuis la campagne électorale, elle n'a fait même que se confirmer (empirer). Vinocur lui-même le confirmait, le 20 novembre, dans un article où il constatait, en marge du sommet de Prague, une sorte d'institutionnalisation de la mésentente entre l'Allemagne et les USA.


« Although no member of the North Atlantic Treaty Organization has followed Germany's lead, and some allies have suggested that Schroeder acted unilaterally, there is no private acknowledgment from the chancellery that Germany's position has led to a degree of German isolation and to doubts about German leadership capabilities. There was no suggestion either of a softening in Schroeder's stance on Iraq, it being a rare domestic asset at a time of intensifying economic misery, massive criticism in the media, and diminished popularity for the chancellor.

» Although the conservative opposition in the Bundestag is now trying to underscore this negative fallout, one of the greater concerns about Germany, acknowledged by some conservative leaders, is that there was only feeble willingness within the Christian Democratic-led opposition during the last 10 days of the election campaign to challenge Schroeder's choice to wall off Germany from taking the side of its postwar guardian.

» Since then, American and German officials have talked about the implications of generational changes and differing threat assessments on both sides affecting the relationship. But for [the foreign policy spokesman of the Christian Democrat grouping in the German Bundestag] Pflueger, making a comparison between now and the 1950s or the 1980s, when large portions of German public opinion resisted rearmament or accepting U.S. Pershing and cruise missiles, the central upheaval in the German government's role rattled not only the Americans but European allies.

» “This time, ” he said, “and for the first time, the government was not in danger of yielding to the street, it was fueling the street. And it was leading the elite. This time, the government provided the essential part of the resentment.“ »


Effectivement, le désarroi est plus grand dans les rangs des chrétiens-démocrates atlantistes, tels Voight et Pflueger, devant le constat que la politique anti-américaine de Schröder sur l'Irak est de plus en plus sérieusement approuvée par une majorité allemande, y compris une part importante des démocrate-chrétienne. Les conservateurs allemands, eux aussi, apprennent à vivre sans l'alignement inconditionnel sur les USA. Le désarroi de l'aile atlantiste extrême, représentée effectivement par Voight et Pflueger dans les articles de Vinocur (ses interlocuteurs privilégiés, qu'on retrouve dans ses articles consacrés à l'Allemagne), s'exprime par la thèse de l'Allemagne « provinciale » : puisque l'Allemagne n'est plus capable d'avoir une “politique de maturité”, c'est-à-dire d'alignement complet sur les USA, par bonheur nous nous en remettrons à la majorité pro-américaine qui envahira l'Europe avec l'entrée des 10 nouveaux. D'où ces applaudissements devant cette perspective :


« Friedbert Pflueger, the foreign policy spokesman of the Christian Democrat grouping in the German Bundestag, said flatly that the “influence of the United States will be fostered by the Central and East European countries which look more to the U.S. than to Europe.”

» But he analyzed the circumstances as essentially positive ones, especially in a situation where opinion polls and politicians in Europe, as well as the substantially higher economic growth rates projected for the United States than for the EU in 2003, have recently emphasized their conflicts and differences.

» “This double enlargement by Central and East European countries,” Pflueger said, “is a great chance. The idea that these new countries could serve as a bridge has real importance to both sides of the Atlantic, which are growing apart.” »


Une telle impudence est assez rare : applaudir de la sorte à la perspective de ce qu'on espère être un abandon si complet de la souveraineté nationale, et suggérer une si complète subversion de la majorité démocratique de la population de son pays, pour le cas de l'Allemagne, et cela en termes à peine voilés. C'est au moins le signe de la panique des politiciens postmodernes du parti américain en Europe. Ce faisant, ils nous disent leur conviction qu'il existe désormais une majorité anti-américaine et anti-belliciste dans la population européenne et ils espèrent qu'elle sera renversée par le vote des dirigeants des 10 nouveaux-venus. C'est un exercice de subversion de la démocratie, exposé de façon délibérée, par une classe politique dont la fonction fut de relayer une influence extérieure (de l'ouest), qui perd aujourd'hui espoir de renverser ce courant sans intervention extérieure (de l'est). Ce qui doit nous rester dans l'esprit est le pessimisme extrême à propos de l'influence américaine en Europe (sans les 10) que nous suggèrent ces appréciations qui ne prennent plus aucun masque.


Le résultat de tout cela est « big » : l'élargissement, jusqu'alors perçu comme une affaire interne qui ne faisait aucun pli et ne soulevait aucune problème autre que technique, est maintenant passé au rayon des soupçons transatlantiques

On ne se rend pas encore compte ce qui s'est passé dans ces dernières semaines, — ni les Américains, ni les 10 nouveaux, ni les 15 anciens. D'ores et déjà, pourtant, une mécanique est en marche, une mécanique terrible : celle du soupçon. Et ce n'est pas le soupçon d'être pro-américain puisque, comme on l'a dit, tout le monde en Europe l'est ; c'est le soupçon de n'être pas pro-Européen. Si les 10 se laissent aller à ce jeu-là, à se présenter comme pro-US non pas “comme tout le monde” mais dans le but de “changer” l'Europe, de la faire “plus pro-américaine” (quelle idée étrange, elle l'est déjà quasi-complètement), — ils vont s'apercevoir que l'addition est lourde.

(Les Britanniques ont connu une mésaventure, en janvier-juillet 1998, lors de leur présidence de l'UE, parce qu'ils ne répondent pas à ce curieux destin européen qui vous fait un devoir d'être pro-américain, mais en étant également pro-européen favorables à l'évolution vers une Europe autonome, (cette gymnastique dépasse complètement les Français cartésiens, qui ne voient pas comment on peut marier deux termes qui sont pour eux antinomiques : pro-américains et autonomes). Les Britanniques ont été totalement isolés, chaque autre pays attendant que passe cette présidence, comme un mauvais moment. Parce qu'ils étaient pro-américains ? Allons : les Néerlandais ne sont-ils pas pro-américains, et les Allemands, les Danois, et ainsi de suite ? Mais tous ceux-là, bien que pro-US pur sucre, sont aussi, se disent, se proclament pro-européens, avec la finalité de l'autonomie d'une Europe intégrée affirmée en théorie. Comment ils font, peu importe, reste la proclamation. Les Britanniques ne jouent pas ce jeu-là, ou plutôt personne ne les croit, et ils se retrouvèrent isolés, à ce point où Tony Blair décida de lancer l'initiative de Saint-Malo de décembre 1998 pour sortir de cet isolement.)

Bien sûr, il sera difficile d'isoler les 10 comme on a isolé les Britanniques. Mais il y a d'autres méthodes, car ces 10 ne représentent pas une puissance cohérente. D'ores et déjà, et c'est un résultat de la mise en évidence virtualiste de ce problème, des réflexions diverses sont engagées, qui s'appuient sur l'idée que les 10 nouveaux sont peut-être des “ennemis”. Nous avons évoqué cet aspect des choses dans un F&C du 14 décembre, avec des exemples concrets.


« The general work of the meeting, enlarging the EU to 25 members including countries from the former Soviet orbit in East and Central Europe, has been a subject of some discomfort in France because, like Turkey, the great majority of the new members have close, almost existential ties to the United States.

»The new members' pro-American tilt is such, said Alain Duhamel, a leading French political commentator, that there was discussion about a revision in the EU's bylaws that would take away the veto right held by each member state.

»  In a broadcast Thursday on RTL radio, Duhamel said that for some minds this would eliminate the possibility of the United States gaining de facto veto power within the EU through the current expansion. »


D'autre part, et surtout à notre sens, les 10 nouveaux pourraient se révéler différents de ce qu'ils affichent et prétendent être. La réalité de ces pays, au niveau des appareils administratifs, est loin de correspondre aux affirmations démagogiques des hommes politiques et, souvent, pour ces appareils, la priorité est d'abord européenne. Jusqu'ici, un pro-américanisme affiché à servi comme moteur pour assurer l'entrée dans l'Europe en même temps que dans l'OTAN ; il pourrait apparaître à ces fins tacticiens du post-communisme que cette tactique n'est pas nécessairement la meilleure sur le long terme.

On verra. En attendant, le résultat de l'opération virtualiste est clair : pour l'élargissement, “le rouge est mis”. Désormais, chacun a derrière la tête que les 10 nouveaux pourraient être, sont peut-être, sont déjà des “chevaux de Troie”. C'est sans doute une exagération et c'est peut-être une erreur. Mais cela ramène le débat de l'élargissement dans le seul domaine qui compte pour une définition du phénomène européen, qui est celui des relations transatlantiques ; et cela le ramène en durcissant de facto l'image de l'UE actuelle, en en faisant une machine antagoniste de la poussée US. C'est faire à l'UE bien de l'honneur, mais c'est aussi, peut-être, la forcer en telle ou telle circonstance à tenir un rang qu'on n'imaginait pas.

Curieux effet mais effet habituel de la politique de force américaine, au niveau de l'influence, de la désinformation, etc : à pousser de façon immodérée des situations déjà acquises à leur parti, les Américains mettent leurs proches dans des situations si difficiles par rapport à leur image officielle qu'ils risquent de les obliger à agir comme ils n'auraient jamais imaginé eux-mêmes de faire. C'est ainsi, aujourd'hui, qu'on fabrique d'excellents Européens.