Les épiciers font leur compte, - et le compte n'y est pas

Les épiciers? Non, il y a erreur (est-ce bien sûr?), – ce sont les sénateurs US dont nous voulons parler, – mais il s’agit bien de faire des comptes d’épicier. Les sénateurs menacent l’Arabie Saoudite de leurs foudres principales, qui sont de ne pas autoriser une vente d’armes si ce pays n’augmente pas sa production de pétrole pour faire baisser le prix du pétrole, rassurer le consommateur US, assurer la réélection des sénateurs et ainsi de suite. Ces menaces portent sur un marché récemment conclu de $20 milliards (dont, par exemple, 900 bombes guidées par laser JDAM, dont les marchands de missiles US vous assurent qu’elles vous ouvrent les portes du paradis). Les USA ont imposé l'année dernière ce marché à l’Arabie pour que ce pays assure sa propre défense contre le Hezbollah, la Syrie, l’Iran, etc., toutes ces menaces suscitées ou bien inventées, ou bien imaginées par les USA eux-mêmes.

Une dépêche AFP, relayée par Defense News le 13 mai, nous donne quelques indications…

«A group of Democratic senators on May 13 threatened to block a multimillion dollar U.S. arms deal with Saudi Arabia unless the kingdom ups oil production and helps cut soaring gasoline prices.

»The Senators introduced a resolution of disapproval on the arms sale as President Bush prepared to head for Saudi Arabia, partly on a mission to contain runaway oil prices. “We are saying to the Saudis that, if you don't help us, why should we be helping you?” said Sen. Chuck Schumer, D-N.Y. “We are saying that we need real relief, and we need it quickly. You need our arms, but we need you to cooperate and not strangle American consumers.”

»The resolution, expected to be fast-tracked to the Senate floor, would prohibit the mammoth arms sale unless Saudi Arabia agrees to increase oil production by one million barrels per day.

»Schumer said such an increase could bring down the price of a gallon of gasoline at the pump by 50 to 75 cents. “We're losing our wealth. Our economy is heading south. That is the highest priority, not the Saudis getting the top-notch weapons,” Schumer said.

Le don de courte vue du personnel dirigeant du système américaniste US est époustouflant, stupéfiant. La question du pétrole, du dollar, etc., sont autant de symptômes d’autant de crises systémiques qu’on imagine, et eux en sont à faire du marchandage menaçant avec les Saoudiens pour obtenir un meilleur prix à la pompe cet été. La pauvreté intellectuelle et la médiocrité d’âme des élites occidentales est un de ces joyaux dans l’histoire de la chute des civilisations, qui mérite de rester comme un étalon de la décadence.

Cela dit du côté des imprécations, passons à autre chose et observons l’enchevêtrement des contradictions. Ce sont les USA, le lobby du complexe militaro-industriel en l’espèce, qui ont forcé l’Arabie à acheter cette quincaillerie de toutes les façons sans aucune efficacité dans les situations envisagées, elles-mêmes hypothétiques et improbables sinon dans quelques cerveaux hystériques assortis de portefeuilles bien garnis. Maintenant, on menace l’Arabie de lui interdire la vente de ces armes qu’on lui a imposée, et de priver le pauvre complexe d’une manne de $20 milliards. Si les Saoudiens avec deux sous de bon sens, quatre sous de courage et le goût de l’ironie, ils diraient “chiche” ponctué d’un discret bras d’honneur. Dans l’attente, sans doute assez longue, nous observerons avec intérêt les suites de cette affaire, et comment, effectivement, cette fois avec mesure et prudence, les Saoudiens réagiront.

Mis en ligne le 14 mai 20089 à 14H22