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1050Les effets combinés de la montée du prix du pétrole, des remous aux USA autour des prix à la consommation domestique dans le cadre de la campagne électorale, des considérations autour du voyage de Bush au Moyen-Orient et de sa demande d’augmentation de pompage faite à l’Arabie, ont précipité le phénomène de la perception de la crise. Désormais, la crise entre, si l’on veut, “dans le domaine public”. C’est ce que le Financial Times traduit par le mot “mainstream” dans le titre de son long texte d’analyse du 19 mai: «Running on empty? Fears over oil supply move into the mainstream.»
Comme à l’habitude dans les longues analyses de prospective sur le futur, on se trouve confronté à des visions optimistes et à des visions pessimistes. Le FT pose donc la question (les questions), après avoir instruit le dossier : «So what if politics, an ageing workforce and a dearth of equipment get in the way and Saudi Arabia cannot – or will not – come to the rescue? Will the peak oilists turn out to be right, for the wrong reasons?» Après cela, les réponses, où l’on voit que l'argument des optimistes est notablement plus documenté que celui des pessimistes. Il est vrai que, du point de vue des conceptions économiques et idéologiques dont le FT se fait l’écho, la version pessimiste est décourageante.
»The answer depends on the market’s ability to adjust. For optimists, the worst that could happen is high oil prices eventually damp demand while giving the entrepreneurially inclined time to think of ingenious ways to produce and conserve energy.
»Growth in demand is in fact already slowing, especially in the US and other developed countries. Neil McMahon, an analyst at Sanford Bernstein, suggests the downturn in developed countries may prove large enough to allow hungrier nations, such as those within Opec and China, to continue to demand increasing volumes of oil. “The question is: Have these [developed] nations been squeezed enough yet, or will prices have to go higher?” he asks in a recent report. Though he leaves open the possibility that prices will continue to rise for a while, he argues: “Based on 3.5 per cent [growth in] global GDP, overall oil demand growth will be close to zero.”
»Guy Caruso, head of the Energy Information Administration, the statistical and forecasting arm of the US Department of Energy, also points to the power of the market to drive changes in government policy and the behaviour of consumers and oil companies. “As you know, we are not believers in peak oil. We believe the above-ground risk is the issue,” he says.
»The EIA predicts that US imports of oil and petroleum products will decrease slightly in the next 22 years. This means the import dependence of the world’s biggest oil consumer is forecast to drop from 60 per cent to 50 per cent by 2015 before climbing again slightly to 54 per cent by 2030. The reasons for the drop include improved car efficiency, slower demand, higher use of biofuels and a 1m b/d increase in oil production from the US’s Gulf of Mexico by 2012. “One of the things M. King Hubbert couldn’t have known is about the technology to drill in 12,000 feet of water and to drill horizontally,” Mr Caruso says.
»A pessimist’s version of events would include a more serious and widespread downturn, as developing countries buckle under the burden of subsidising their citizens’ swelling fuel and food bills. At the extreme end are the views of Jeremy Leggett, a geologist turned entrepreneur and author of Half Gone: Oil, Gas, Hot Air and the Global Energy Crisis. In his worst-case scenario parable, he writes: “The price of houses collapsed. Stock markets crashed ... Companies went bankrupt ... Workers fell into unemployment by the hundreds of thousands and then millions. Once affluent cities with street cafés now had queues at soup kitchens and armies of beggars on the streets.”
»Industry executives dismiss this as doom-mongering so corrosive that it has the power to distort policy and investment decisions. But such visions also have the power to prompt people to use energy more efficiently. The bagpipers and didgeridoo players of Transition Towns are indeed already a part, if only a small one, of the solution to the uncertainties ahead – even if the world never has to experience quite the disaster that they predict.»
L’appréciation critique de la réponse pessimiste est caractérisée par cette remarque très révélatrice: «Industry executives dismiss this as doom-mongering so corrosive that it has the power to distort policy and investment decisions.» Il s’agit de l’appréciation selon laquelle la perception d’une crise catastrophique est très dangereuse parce qu’elle pourrait influer sur les décisions de politique et d’investissement; mais non, notre traduction, venue naturellement avec le verbe “influer”, est mauvaise: le verbe “to distort” signifie “altérer”, “déformer”, “dénaturer”, “fausser”… Tout est dans cette nuance, qui caractérise la “perception” des milieux dirigeants occidentaux, plus précisément anglo-saxons et économistes libéraux. Il existe une vision idéologique du monde, traduite dans la politique économiste qu’on connaît (les marchés, l’économie libérale, le libre-échange, etc.). Cette vision détermine la politique et les investissements. L’essentiel est que rien ne vienne altérer ou dénaturer cette politique et ces investissements qui sont garants de la vision idéologique. Les prévisions pessimistes sont rejetées, non pas sur leur valeur mais selon les effets “dénaturants” de ces prévisions sur la vision idéologiques. La certitude de l’idéologie est préférée à l’incertitude de la réalité. Rien de nouveau sous le soleil, plus ça change plus c'est la même chose.
Le FT juge néanmoins nécessaire de tempérer cette condamnation brutale par une version tempérée d’optimisme, – que les mêmes pessimistes, qui sont informés que d’autres crises systémiques vont conjuguer leurs effets à ceux de la crise du pétrole, pourraient qualifier d’“angélique”. Il s’agit de la prévision que la crise catastrophique (systémique) peut conduire à des comportements salvateurs («But such visions also have the power to prompt people to use energy more efficiently») face à ce que le FT qualifie finalement, et d'une façon révélatrice sur sa pensée profonde, d’“incertitudes de l’avenir” (“uncertainties ahead”). Dans ce cas, il faudrait alors encourager la prise en considération des prévisions pessimistes, lui faire une grande publicité contrairement aux vœux de nos chers “industry executives”? Sur ce point fondamental de la perception, l’incertitude est aussi bien caractéristique du présent que de l’avenir.
Mis en ligne le 20 mai 2008 à 05H14
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