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1195Le chroniqueur du Guardian George Monbiot a pris sa plume et écrit un article sous forme d’une lettre qu’il adresserait au roi Abdallah d’Arabie Saoudite. Cela est publié le 27 mai et cela est plein d’intérêt.
Monbiot aborde notamment deux sujets inextricablement liés, qui forment un cas assez solide pour nous convaincre que la crise du prix du pétrole en tant que telle, avant de devenir la crise du pétrole (crise de l’épuisement de la ressource), met à jour les contradictions de notre système dans ses tentatives de lutte contre les crises auxquelles il est confronté.
• La question des réactions engendrés par la hausse massive du prix du pétrole. Monbiot observe que les effets de cette hausse, qui impliquent une réduction de la consommation d’énergie pour des raisons d’économie dans les activités économiques courantes, manifestent pour la première fois un résultat tangible au niveau de la lutte contre les émissions de CO2.
«What I know, and you may not, is that the high price of oil is currently the only factor implementing British government policy. The government claims that it is seeking to reduce carbon dioxide emissions, by encouraging people to use less fossil fuel. Now, for the first time in years, its wish has come true: people are driving and flying less. The AA reports that about a fifth of drivers are buying less fuel. A new study by the Worldwide Fund for Nature shows that businesses are encouraging their executives to use video conferences instead of flying. One of the most fuel-intensive industries of all, business-only air travel, has collapsed altogether.
»In other words, your restrictions on supply – voluntary or otherwise – are helping the government to meet its carbon targets…»
• Monbiot enchaîne directement sur l’attitude du gouvernement britannique, confronté à cette hausse du prix du pétrole alors qu’il s’est engagé par ailleurs dans un programme conséquent de lutte contre les émissions de CO2 dans le cadre de la lutte contre la crise climatique. Nous reprenons la citation ci-dessus exactement où nous l’avons laissée.
«… So how does [the UK’s government] respond? By angrily demanding that you remove them so that we can keep driving and flying as much as we did before. Last week, Gordon Brown averred that it's “a scandal that 40% of the oil is controlled by Opec, that their decisions can restrict the supply of oil to the rest of the world, and that at a time when oil is desperately needed, and supply needs to expand, that Opec can withhold supply from the market”. In the United States, legislators have gone further: the House of Representatives has voted to bring a lawsuit against Opec's member states, and Democratic senators are trying to block arms sales to your kingdom unless you raise production.
»This illustrates one of our leaders' delusions. They claim to wish to restrict the demand for fossil fuels, in order to address both climate change and energy security. At the same time, to quote Britain's Department for Business, they seek to “maximise economic recovery” from their remaining oil, gas and coal reserves. They persist in believing that both policies can be pursued at once, apparently unaware that if fossil fuels are extracted they will be burnt, however much they claim to wish to reduce consumption. The only states that appear to be imposing restrictions on the supply of fuel are the members of Opec, about which Brown so bitterly complains. Your Majesty, we have gone mad, and you alone can cure our affliction, by keeping your taps shut.»
Effectivement, nous sommes à un point d’intégration de deux crises systémiques spécifiques et des conceptions contradictoires qu’elles impliquent, et qui sont affirmées par les mêmes entités (les mêmes gouvernements, les mêmes intérêts). La crise de l’environnement implique, pour qu’on lutte contre elle avec efficacité, de réduire les émissions de CO2 et donc la consommation d’énergie. La crise du pétrole, pour l’instant manifestée par la crise du prix du pétrole, n’est pour l’instant appréhendée que du point de vue économique et conduit ces mêmes entités à réclamer plus de pétrole pour faire baisser les prix, parce qu’on a besoin de plus de pétrole pour freiner la dégradation des conditions économiques et relancer la croissance. Bien entendu, on se retrouve dans le cas de brûler plus d’énergie, donc d’émettre plus de CO2 et de contredire directement la lutte contre la crise climatique.
Ce cas d’intégration de ces deux crises est particulièrement antagoniste. Il manifeste de cette façon la crise systémique centrale, où notre système lui-même est impliqué en tant que tel. Il met particulièrement en lumière combien le fonctionnement de notre système est le moteur de la crise climatique, selon les conditions de cette crise qu’on a déterminées, alors qu’on prétend en même temps utiliser ce même système pour lutter contre la crise climatique. Cette contradiction, qui n’est pas prête d’être résolue en raison de l’importance massive des facteurs en jeu et des tendances à l’œuvre, pousse là aussi vers une reconnaissance nécessaire des caractères fondamentaux de la crise centrale, celle de notre système lui-même. La pression des événements va contribuer à l’exacerbation de cette contradiction et va rendre de plus en plus fondamentale la polémique autour de notre système, – entre ceux qui le dénoncent au nom de l’urgence des crises systémiques, et ceux qui le défendent (tentent de le défendre) tout en reconnaissant l’urgence des crises systémiques.
Mis en ligne le 27 mai 2008 à 19H01
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