La crise de l’USAF: confirmation de l'affrontement bureaucratique

Bloc-Notes

   Forum

Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.

   Imprimer

 1696

On avance de plus en plus nettement dans la confirmation que la crise de l’USAF, avec la “décapitation” du service (le secrétaire à l’Air Force et le chef d’état-major forcés à la démission), répond beaucoup plus au conflit bureaucratique avec le secrétaire à la défense Gates qu’à la raison affichée officiellement des négligences en matière de manipulation de systèmes nucléaires. (On retrouve des éléments de cette explication dans nos précédents “Bloc-Notes” du 6 juin et du 9 juin.)

C’est une note de l’Air Force Association, dans sa rubrique de commentaire épisodique Get in Formation, publié hier sous la plume du rédacteur en chef d’Air Force Magazine John A. Tirpak, qui nous renforce sans doute décisivement dans cette appréciation.

«When Defense Secretary Robert M. Gates ousted the Air Force’s two top leaders last week, there was more to it than just the service’s reported slip-ups with handling of nuclear weapons, according to Pentagon insiders. The shake-up was a clear message to the Air Force to quit making a direct case for preferred systems and get more “Joint.” It also took from the service its top champions in ongoing roles and missions discussions, decapitating airpower advocacy in the Department of Defense.

(…)

»Gates has said numerous times that the Air Force should focus on winning the current war and not fall prey to “next war-itis.” Gates and his lieutenants have, with increasing frankness, told Congress to ignore the Air Force’s push for systems like the F-22, which they say are of limited value in an insurgency and compete with things like Mine Resistant Ambush Protected vehicles needed for the ongoing fights in Iraq and Afghanistan. Pentagon leaders have also been unhappy with USAF’s push to buy more C-17s than are currently on the books.»

On jugera particulièrement impressionnants, dans l’énoncé des signes qui montrent l’intensité de la bataille entre Gates et l’USAF, les choix de personnes fait pour “réorienter” la hiérarchie de l’USAF. Le nouveau chef d’état-major, le général Schwartz, même s’il n’est là que pour quelques mois (il doit se retirer à la fin de 2008) est essentiellement un homme de l’USAF délégué aux missions et aux conceptions “joint”, c’est-à-dire non-USAF spécifiquement («The last time Schwartz held a job in which he advocated specifically for the Air Force was a decade ago, when he was USAF’s director of strategic planning.») C'est comme si l'on nommait à la tête de l'USAF un officier en partie détaché de ce service.

Les précisions données ci-dessous sont significatives et n’ont définitivement rien à voir avec une question technique telle que la sécurité des systèmes nucléaires.

«However, doubters that Gates was slamming the door on further Air Force advocacy of systems not tailored to current operations need only look at his choices to replace the service’s top uniformed leadership. If “loose nukes” was really the issue, Gates might have chosen US Strategic Command head Gen. Kevin P. Chilton to be chief. Instead, Gates opted for US Transportation Command’s Gen. Norton A. Schwartz, who had already put in his papers and was to retire effective Jan. 1 of next year.

»In his 35 years of service, Schwartz has spent 15 years in “Joint” jobs (mostly in Special Operations Command), including the last eight years of his career, during which he headed Alaskan Command, served as the Joint Staff’s ops director and director, and his current assignment as TRANSCOM boss. In that latter role, Schwartz has ignored the Air Force push to acquire up to 222 C-17s, maintaining instead that more than about 205 would be overkill. (…)

»Slated to replace Schwartz at TRANSCOM will be the current USAF vice chief, Gen. Duncan McNabb, who, as the Air Force’s rep on the Joint Requirements Oversight Council, would have led this summer’s inter-service debates about roles and missions, and what goes into the Pentagon’s POM-2010 five-year spending plan. Although the plan may well be discarded by the incoming Administration, it will at least be the basis for the Pentagon’s new civilian leadership’s first defense budget.

»Succeeding McNabb in this crucial advocacy role will be Lt. Gen. William Fraser, assistant to Joint Chiefs of Staff Chairman Adm. Michael Mullen. Fraser, who leap-frogs about a dozen sitting four-star generals for the job, is more suited to supervise a tightening-up of the Air Force’s nuclear enterprise than Schwartz. He’s had a career in strategic bomber operations and strategic intelligence, surveillance, and reconnaissance; something Gates has repeatedly told the Air Force he wants given greater attention.»

Ces décisions et ces diverses précisions donnent sa dimension réelle à la l’affrontement entre Gates et l’USAF. Avec ces nominations, Gates entend contenir les activistes de l’USAF et émasculer les options les plus caractéristiques de la “puissance aérienne” dont l’USAF est la représentante. Il s’agit bien d’une différence majeure de conceptions, une opposition de “philosophies” qui touche à la politique de sécurité nationale elle-même. Cela admis, il est difficile de distinguer les positions des uns et des autres, et notamment les buts poursuivis par Robert Gates, qui s’en va en janvier 2009. (A ce point, il est absolument impossible de donner une appréciation sur la possibilité que Gates reste en place avec la future administration, parce qu’on lui trouverait des vertus diverses et une grande efficacité. Notre sentiment est pourtant que son départ est inéluctable, parce que les rapports avec le Pentagone seront un point de crise central de la prochaine administration et qu’il est nécessaire, pour cela, d’installer à sa tête un homme de poids, apportant une nouvelle autorité et marquant une véritable rupture avec l’administration GW Bush.)

Dans tous les cas, il faut suivre cette bataille avec l’USAF. Elle dissimule, mais de moins en moins, des tensions bureaucratiques d’une force considérable. Appréciée en perspective, la crise USAF-Gates a toutes les allures d’une bataille interne d’une extrême gravité. Pour l’instant, – on le voit à la modération calculée des réactions de l’Air Force Association, – l’USAF mesure ses réactions. Elle est échaudée par la brutalité de l’intervention de Gates et espère, plus que jamais, que la nouvelle administration va lui donner un peu de champ pour plaider sa cause et renforcer ses positions.


Mis en ligne le 10 juin 2008 à 17H26