Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
1057Alors que l’Europe se lamente sur ses beaux projets de puissance unie quelque peu compromis par la Verte Irlande, la perspective européenne est de plus en plus sur une restauration des liens avec les USA avec le nouveau président US, – cette perspective d’ailleurs également mise en question. Que se passera-t-il, s’inquiète-t-on à Bruxelles, si l’UE n’est pas au rendez-vous des retrouvailles à cause de l'affaire irlandaise? Mais non, posez-vous la question autrement, ou, plutôt, ajoutez-y cette autre question, plus décisive: les USA seront-ils au rendez-vous des retrouvailles? L’avis de Gerard Baker, du Times, en date du 13 juin, est particulièrement intéressant. Il se résume à cette idée que les Européens pourraient en venir un jour à regretter GW Bush.
Avec son confrère Tom Baldwin, du même Times, Baker a récemment (le 9 juin) réalisé une interview de GW Bush à bord de Air Force One, en route vers l’Europe. Il en rapporte des réflexions contrastées sur ce que serait l’après-GW. Il estime que ceux qui attendent de grands changements, notamment avec Obama, – dans l’hypothèse la plus souvent évoquée pour un changement de l’élection d’Obama, – pourraient être bien déçus. Baker note: «As an adviser to Mr Obama noted recently at a transatlantic conference in Washington, the differences for Europe between a first Obama administration and the second Bush Administration will probably be smaller than the differences between the first and the second Bush terms.»
Baker explique que, sur l’Irak, Obama ne pourrait faire que ce que la situation lui permettrait de faire; c’est-à-dire, pas grand’chose de différent que ce que fait GW, et que ferait McCain. On retrouve le schéma d’un pouvoir civil prisonnier du système militariste qui gère le désordre de cette monstrueuse affaire, où les USA voudraient se retirer progressivement tout en gardant tous les avantages qu’ils en veulent retirer, ce qui les amène à repousser les perspectives de retrait pour tenter de verrouiller ces avantages que les Irakiens (et les Iraniens) ne veulent pas leur concéder, ce qui repousse un arrangement et ainsi de suite. Obama lancera-t-il quelque chose sur l’Iran? L’initiative aurait peut-être des effets déstabilisants sur les relations entre les pays extérieurs, notamment avec les Européens qui se sont enfermés dans une rhétorique anti-iranienne pour plaire aux USA et se trouveraient ainsi isolés dans une position dure, – un paradoxe à porter au crédit de l’aveuglement européen, lorsqu’on voit où les Européens en étaient dans cette affaire en 2003. Sur l’Afghanistan, Obama «is certainly going to want more European effort […] European governments can conveniently hide behind anti-Bush sentiment now to resist those calls, but that won't work when St Barry is in the White House».
Mais il y a bien plus ennuyeux, selon Baker. La situation entre les USA et l’Europe pourrait devenir pire que ce qu’elle est, cette fois pour des raisons de fond alors que c’est surtout la rhétorique qui sépara les USA et une Europe parfaitement alignée sur les USA, durant la présidence GW Bush. Baker voit en effet une politique démocrate classique des USA en temps de crise: plus protectionniste, voire isolationniste.
«My biggest worry, in fact, is that Mr Obama wins and the Democrats get a huge majority in Congress. The new president will be focused hard on two big policy challenges in Washington – dealing with Iraq and reforming US healthcare. He won't have a lot of political capital to spare to stand up to a resurgent Democratic Party in Congress over trade policy, and the US could slide further towards protectionism.
»Meanwhile, a big Republican defeat in November is quite likely to result in a very nasty isolationist turn inside the opposition party. The neoconservatives - those bad guys who believe that the US should spend blood and treasure trying to bring democracy to the great unwashed - will be discredited. President Obama could find himself under pressure from both parties in Congress to put US interests first.
»All of this means that the new president will have to spend a fair amount of time on trips to Europe explaining to his admirers why he really isn't able to deliver that much.»
Gerard Baker, vieux routier du pro-américanisme pur et dur, mais aussi connaisseur de ses copains d’outre-Atlantique, parle là d’or et d’expérience. Son analyse est classique et elle pourrait être sujette à modification si l’un ou l’autre événement inattendu survenait, mais un tel événement aurait de fortes chances, dans les conditions générales qu’on connaît, de plutôt renforcer sa prévision d’une Amérique de plus en plus sur le repli.
Mis en ligne le 14 juin 2008 à 06H12