La crise du KC-45 “entre” dans la crise du Pentagone

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Ces derniers jours, particulièrement, bien sûr, depuis la publication le 19 juin du rapport du GAO mettant gravement en cause le processus de sélection de l’USAF dans le programme KC-45, la direction civile du Pentagone a tenté avec une certaine brusquerie de maintenir cette crise du KC-45 cantonnée à l’USAF. L’article central d’Aviation Week & Space Technology du 23 juin sur la position du GAO dans cette affaire mettait notamment en évidence combien l’USAF avait été laissée seule dans cette crise, lors de l’annonce, le 19 juin, que le GAO condamnait la procédure suivie. L’extrait suivant de l’article montre même le désarroi des chefs de l’USAF à cette occasion.

«Despite a chorus of recent support from the Office of the Secretary of Defense, including public backing from Pentagon acquisition czar John Young and Pentagon representative Geoff Morrell, those officials did not run to the Air Force’s aid following the GAO’s findings. Only a day before the GAO announced its recommendations, Morrell said: “We believe that the acquisition, the contracting process, that eventually produced Northrop Grumman and EADS as the winner of this deal was a fair and transparent one.” After the GAO’s recommendations were made public, however, Chris Islieb, Young’s aide, simply referred questions to the service, saying it was “an Air Force matter.”

»When the review came out last week, Air Force officials stood in the corridor near the office of Sue Payton, Air Force acquisition chief, reading the findings and exchanging looks of disbelief…»

Bien entendu, cette attitude de la direction du Pentagone (le secrétaire à la défense Gates et ses services, regroupés au sein de l’Office of Secretary of Defense [OSD]) a également directement à voir avec la “crise de l’USAF” et le conflit entre l’USAF et Gates. Mais une intervention du Congrès, en la personne de la sénatrice Patty Murray, démocrate de l’Etat de Washington (où se trouvent les usines Boeing, concurrent d’EADS/Northrop), montre la direction nouvelle que devrait prendre l’affaire. L’intervention est rapportée par Defense News le 26 juin:

«Speaking this morning on the Senate floor, Sen. Patty Murray, D-Wash., said she has requested a one-on-one meeting with Gates to discuss what the Government Accountability Office (GAO) last week dubbed a highly flawed platform-selection process. Murray accused service officials of “having their thumbs on the scales” in favor of Northrop-EADS since the onset of the competition.

»It is likely Murray, a senior member of the powerful Senate Appropriations Committee, will urge Gates to order the service to, as she said on the floor, “start with a clean slate,” meaning conduct another years-long aerial tanker competition. “The Air Force cannot go forward with this contract [because of] the differences between what the Air Force said and what the GAO found is startling,” Murray said.

»Murray's meeting with the defense secretary could be a key point for internal Pentagon discussions about how the Air Force should proceed because of her clout on Capitol Hill - she is the fourth-ranking Democrat in the chamber. A Gates spokesman said yesterday the defense secretary will be heavily involved in such deliberations.»

Malgré ses précautions, la situation de Gates est effectivement délicate. Si la direction civile du Pentagone a pris ses distances récemment, elle n’en a pas moins couvert et même chaleureusement approuvé la décision initiale de sélection d’EADS/Northrop et, surtout, du processus de sélection. Le même article de Defense News le rappelle.

«“I believe, based on the briefings that I've received, that it was a fair competition and a merit-based decision,” Gates said during a March 5 Pentagon briefing.

»Pentagon acquisition chief John Young also has repeatedly defended the decision and the process the service used to make it. “Everything I have seen is, this was a very well-run source selection, by-the-books and in accordance with the law,” Young told reporters in mid-April. “We had an excellent competition, two great proposals, and one proposal clearly delivered better value and better capability.”»

L’intervention de Murray tend nettement à impliquer la direction civile, y compris Gates. Ce n’est certainement pas pour venir au secours de l’USAF mais, bien sûr, pour contester l’ensemble du processus de sélection, y compris le choix lui-même (de EADS/Northrop) que le GAO n’a pas mis en cause. Il s’agit là, bien sûr, d’une manœuvre en faveur de Boeing. Mais en demandant une enquête sur un choix initialement approuvé par Gates, Murray force Gates à monter en première ligne. Le secrétaire à la défense tentera de rejeter la faute sur l’USAF, ce qui est évident pour tout le monde, mais il ne pourra pas éviter de se trouver en position d’accusé puisqu’il a couvert la décision. L’affaire devient sa propre responsabilité, et il ne suffira plus de dire que le processus de sélection de l’USAF est catastrophique, – tout le monde le sait. Il devra répondre d’une situation de désordre, éventuellement d’accusations de corruption (l’idée est dans la tête de Murray, à l’avantage de Boeing), qui règne dans les services dont il a la responsabilité.

Que faire? Punir l’USAF? C’est déjà fait même si pour d’autres raisons, et si l’affaire GAO-KC-45 conduisait à une nouvelle enquête et de nouvelles mesures contre l'USAF, on ne fera qu’accroître jusqu’à des situations dangereuses la crise de ce service. Mais l'essentiel est qu'il semble qu'on aille vers un élargissement de l'affaire. En étant impliqué de la sorte, il est probable que Gates ne pourra pas éviter que cette crise de l’USAF avec la sélection du KC-45 entre dans le cadre plus large de la crise du Pentagone. Ce ne serait que pure logique, sinon justice. Ce serait également un prolongement important, dans le sens de l'aggravation, dans le processus de pourrissement de la situation du Pentagone.


Mis en ligne le 27 juin 2008 à 05H31