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801Après tout, on aurait pu se dire, le 9 juillet, que le tir de missiles iraniens faisait bien dans le paysage, le lendemain exactement de la signature de l’accord entre les USA et la Tchéquie sur les bases de radar du réseau BMDE, – anti-missiles et, s’il vous plaît, contre les missiles iraniens à venir… Encore plus justifié, le BMDE, puisque les missiles iraniens sont déjà là. C’est ce qu’on s’est dit au Pentagone, illico presto.
Robert Gates a été rapide sur la balle. Il a aussitôt expliqué, le même 9 juillet, dans une conférence de presse, que ce tir de missiles justifiait considérablement le BMDE.
«Iran's test of a long-range missile shows the need for the United States to expand its missile defense system into Europe, Defense Secretary Robert Gates said Wednesday. “We've been saying as we talk about missile defense in Europe that there is a real threat, and the test this morning underscores it,” Gates said hours after Iran's test.»
Deux jours plus tard, après que diverses précisions aient été apportées sur le caractère exotique des essais, le ministre russe des affaires étrangères Lavrov fit quelques commentaires aigre-doux, également en rapport avec les projets de déploiement d’un système BMDE en Europe. Pour lui, bien sûr, les essais iraniens prouvent tout le contraire de ce que Gates crut démontré deux jours plus tôt.
«“The tests in Iran have only confirmed that Iran at the moment has rockets with a range of up to 2,000 km (1,243 miles). That confirms what we have said before,” Russian Foreign Minister Sergei Lavrov told a news briefing.
»“That is that the current idea of deploying a U.S. ... missile shield in Europe, with its parameters, is not needed to monitor and react to these particular rockets with this range. We continue to be convinced of the invented nature of discussions about the Iranian rocket threat as a motive for the deployment of the missile shield in Europe,” Lavrov said after talks with Jordanian Foreign Minister Salaheddin Al-Bashir.»
Certains observateurs avisés ont tout de même relevé la coïncidence, à première vue bénéfique pour les Américains, en perspective beaucoup moins, des essais iraniens avec la signature de l’accord USA-Tchéquie. Des sources européennes rapportent des indications venues de Washington, selon lesquelles les Américains auraient été informés de ces projets d’essais et auraient arrangé une signature de l’accord avec la Tchéquie coïncidant avec eux, pour renforcer leur argument en faveur du BMDE. (La date de la signature de l’accord aurait ainsi été repoussée à deux reprises dans ce but.) Le problème est que ces informations ne semblaient pas comprendre tous les détails sur la pauvreté des matériels expérimentés, sur les tentatives de maquillage à cet égard, sur l’effet contre-productif au bout du compte, qui renforce plutôt l’argument de Lavrov que celui de Gates.
«En fait, disent nos sources, les Américains auraient pu s’aviser du risque d’obtenir un effet contraire, simplement parce que, de toutes les façons, les Iraniens n’ont aucun matériel qui puisse justifier leurs analyses alarmistes. Mais, bien entendu, admettre cela, ce serait admettre que les analyses internes du Pentagone sont faussées, et cela n’est pas vraiment envisageable au sein de cette bureaucratie.» Ces remarques permettent effectivement d’admettre qu’il existe, dans les montages US concernant la “menace” iranienne pour argumenter en faveur du BMDE, une dose importante de “groupthinking”, ou de virtualisme pour notre compte, qui fait que ces évaluations largement influencées vers une représentation très exagérée de cette menace ne peuvent en aucun cas être soupçonnées de manipulations par ceux-là même qui manipulent. C’est une question de confort intellectuel obtenu par le canal d’un conformisme de fer, autant que d’évaluation faite en circuit fermé, à partir de sources sélectionnées dans le sens qu’on imagine. «Il est probable, disent encore nos sources, qu’on se trouve dans un cas assez similaire de celui de l’Irak pour les armes de destruction massive. Il y a une véritable entreprise de justification permanente, absolument nécessaire, de la politique agressive des USA vis-à-vis de l’Iran.»
Pour ce cas des essais du 9-10 juillet, Washington resterait très satisfait de la manœuvre, persuadé d’avoir renforcé la cause du BMDE. Les Américains ayant pu crier “au loup” pendant 24 heures sans être contredit, jugent que, pour ce cas, l’affaire est entendue. Ils ont de la difficulté à imaginer que certains esprits puissent ridiculiser leurs propres impressions initiales d’une menace importante selon l’aspect farceur où ces essais sont ensuite apparus lorsque toutes les modalités en ont été connues. Une telle plasticité de la perception, une telle souplesse du jugement, sont choses impies au Pentagone et alentour.
Mis en ligne le 14 juillet 2008 à 13H36
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