La Candeur-JSF

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La candeur-JSF

26 février 2003 — Cela intéresse-t-il les “acteurs” concernés, c’est-à-dire les pays étrangers entrés dans le programme JSF, — Singapour est le dernier du lot — de savoir que le programme F-35 (JSF) suivra fort probablement la voie du programme F/A-22 Raptor ? (Ce dernier, rappelons-le, était prévu en 1987 pour coûter $37 millions l’exemplaire  ; aujourd’hui, il est autour de $200 millions.) Quel est le provocateur qui nous dit cela ? James Roche, secrétaire à l’Air Force, le 14 février, au symposium annuel de l’Air Force Association, — une instance solennelle pour l’Air Force, où l’on dit des choses importantes et mesurées, destinées à être diffusées au sein de l’Air Force par le biais semi-officiel de ce qui est son principal lobby.

C’est Inside the Air Force (IAF) qui rapporte cette information, dans un texte non disponible sur le Net à moins d’un abonnement à contacter sur le site http//www.InsideDefense.com. Le passage qui concerne cette question est le suivant :

«  In a Feb. 14 address to attendees at the Air Force Association‚s Air Warfare Symposium here, Air Force Secretary James Roche said service programmers were too optimistic from the start about the “fact-of-life” difficulties that could be encountered during the Raptor‚s transition from development to production. That period is historically the most perilous in the life of a weapon system, and Roche also suggested the F-35 Joint Strike Fighter development would likely encounter similar problems.

» “As we continue to transition the F/A-22 from development into production we are experiencing the same facts of life that apply to all major aircraft acquisition programs no matter how many times we seem to have learned the lessons,” Roche said. “Historically, major complex weapon systems experience integration challenges in the transition to production phase. The F/A-22 is no exception, nor will the F-35 be any different. Anyone who doesn’t think so has never built a modern airplane. »

On note également dans l’intervention de Roche une attaque contre Lockheed Martin : c’est le contractant principal qui a tendance à calculer les prix de façon avantageuse, optimiste, au départ du programme — bien que l’Air Force, ajoute Roche, ne se batte pas assez contre cette tendance. La démarche est par conséquent évidente :

• D’une part, Roche veut banaliser le prix du Raptor, d’ailleurs en bouclant l’argument par l’affirmation-massue (« Anyone who doesn’t think so has never built a modern airplane »). Les dépassements de coût ne sont pas la sanction de l’incompétence et du gâchis mais une honnête remise à niveau d’une prévision très fortement exagérée dans le sens de la modicité.

• D’autre part, le grand coupable est l’industrie (LM) parce qu’elle veut à tout prix, c’est le cas de le dire, placer ses produits. En l’occurrence, l’USAF a eu le tort de suivre cette démarche mais cette responsabilité est secondaire. (« “Lockheed Martin did not pay the attention it should have to classic transition-to-production issues,” Roche said, adding that the company needs to learn to use “Willoughby templates” — a method for tracking development progress in various subsystems of the aircraft. »)

Cette intervention de James Roche signifie, pour le JSF, que ce programme connaîtra, autour de 2006, une crise majeure des coûts. On passera à cette époque du développement au lancement de la production et c’est là que nous connaîtrons la “vérité des prix”, — et alors, pour quelle raison, nous dit Roche, le F-35 ne connaîtrait-il pas le dépassement qu’a connu le F-22, soit autour de 4 fois son prix initial une fois l’augmentation due à l’inflation elle-même intégrée ? Cette crise s’auto-alimentera par les réductions de commande qu’elle amènera au sein des différents services US, voire pire encore si des solutions alternatives sont recherchées, ou si la génération actuelle du JSF est abandonnée pour une génération plus avancée technologiquement.

C’est donc à cette époque que les pays étrangers qui sont entrés dans le programme JSF seront confrontés à un problème redoutable : devoir envisager de passer commande de l’avion au moment où s’amorceront ces considérables augmentations de coût, — qui ne sont en réalité, ce qui est une sorte de consolation, qu’une simple immersion dans la réalité d’un programme qui a été conçu dès le départ comme totalement virtuel. Il s’avère, aujourd’hui plus que jamais, que le programme JSF est effectivement virtuel : aussi bien au niveau des commandes annoncées qu’au niveau des prix.

On appréciera d’autant mieux : le jour (24 février 2003) où IAF publie ces intéressantes précisions, le journal de Singapour Stait Times annonce l’entrée de Singapour dans le programme JSF sous le titre : « USA : Sky's the limit for new fighter — and it's cheap »