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136322 mars 2003 — C’est un déchaînement. On parle de l’extrême-droite américaine, qui se manifeste sans vergogne, comme c’est la coutume avec ces gens-là, dans l’approbation massive de cette guerre qui est également l’occasion d’un déchaînement d’affirmations de puissance. Nous avons déjà attiré l’attention sur deux textes (il y en a d’autres, certes) qui fixent assez bien le sentiment de cette fraction qui, aujourd’hui, inspire complètement la politique extérieure des États-Unis. Il s’agit du texte de Ralph Peters, que nos lecteurs connaissent bien, et d’un texte de Prospect Magazine présentant ces guerriers de l’apocalypse idéologique de l’américanisme.
Leurs intentions sont claires. On les trouve résumées dans ce passage de l’article de Peters et dans cette citation de Michael Ledeen, successivement ci-dessous :
« This is an epochal war, one of those rare events that mark the end of one era and the beginning of another. Much attention has been paid to the new technologies we will bring to bear in this conflict. But our new convictions will leave the greater legacy. »
(...)
« Asserting that the war against Iraq can't be contained, Ledeen says that the very logic of the global war on terrorism will drive the United States to confront an expanding network of enemies in the region. ''As soon as we land in Iraq, we're going to face the whole terrorist network,'' he says, including the Palestine Liberation Organization (PLO), Hezbollah, Hamas, Islamic Jihad and a collection of militant splinter groups backed by nations -- Iran, Syria and Saudi Arabia -- that he calls ''the terror masters.''
» ''It may turn out to be a war to remake the world,'' says Ledeen. »
Tous ceux qui s’occupent de l’Irak, qui pour soutenir la campagne, qui pour s’y opposer, et, d’une façon plus générale, ceux qui voient la guerre contre l’Irak comme l’obstacle à franchir ou à accepter pour retrouver des relations plus normales, — ceux-là devraient envisager l’hypothèse que leur analyse est infondée, que la guerre contre l’Irak n’est qu’un début. C’est ce que nous disent nos guerriers de la plume, Peters, Ledeen, Perle & Co. La victoire qui se profile va leur donner des ailes. Très vite, on ne parlera plus guère de Powell, à moins que le secrétaire d’État ait le courage de démissionner. Tout cela pourrait paraître comme le scénario du pire, mais on est habitué, par les temps qui courent, à aller au pire comme Washington va à l’extrême-droite.
D’autres voix que les américaines vont dans le même sens. C’est le cas de l’Israélien Shimon Peres, dans des remarques sur un ton assez ambigu. (Se réjouit-il ou non de cette orientation prise par les Américains ou bien fait-il ces remarques comme on relève une fatalité ? Il est vrai, après tout, que l’attaque contre l’Irak met en place une logique de guerre qui implique d’autres attaques sur d’autres pays. On peut relever cela comme on met en évidence une fatalité qui a ses revers tragiques.)
« ''The war in Iraq is just the beginning,'' Peres told Israel Channel One Television. ''Problems of the first magnitude can be expected therafter, as well: Iran, North Korea, and Libya.
» ''The problem is, can you simply abandon the world to dictators, to weapons of mass destruction?''
» Asked if that meant America might then be facing as many as five or six years of war at this point, Peres replied, ''That is very possible. I don't know how long it will take, but the problem is a global one, and it will not end in Iraq, even if a new regime is instituted - say a regime like Jordan's, not a democracy, but orderly and responsible rule.'' »
Nous ne pouvons plus, désormais, écarter ces diverses appréciations washingtoniennes sous prétexte qu’elles sont extrémistes, dans la mesure où l’extrémisme est devenu aujourd’hui le caractère principal de la politique US. Elles constituent au contraire des indications de plus en plus précises de ce que pourrait devenir la politique américaine dans l’“après-Irak”, de ce qu’elle est d’ores et déjà peu ou prou.
Comme le montre le texte de Ralph Peters, la cible principale de cette politique est l’Europe. Cela est confirmé par diverses sources, selon lesquelles l’actuelle vague de francophobie doit en fait être interprétée comme une vague d’anti-européanisme. Le Royaume-Uni y échappe à peine, disons Tony Blair y échappe ; les autres pays, même ceux qui sont ralliés à Washington, n’y échappent pas.
Un passage du texte de Peters parmi d’autres, significatif par son attaque contre l’Europe :
« President Bush has turned away from the murderous logic of European diplomacy, from mechanisms of statecraft that have led only to unchecked aggression and unchallenged genocide. The essential purpose of European diplomacy has been, and remains, the preservation of the powerful, by the powerful, for the powerful. Wherever in the world we see a dictatorship protected by diplomatic custom and webs of trade, we see an outpost of ''Old Europe.'' Saddam is more European than Tony Blair.
» Just as we fought our Civil War to cast off the European legacies of human bondage and political power vested in a landed aristocracy, we are now fighting to cast off an Arab dictator who embodies the European tradition of a tyrant sustained by a bureaucracy of terror. Europeans pioneered the methods. Saddam is merely an imitator.
» Our Spanish-American War shattered the inviolable image of European empires. Underestimated in its importance because it was a ''small'' war, the Spanish-American War was the first time a non-European power reached out to destroy an oppressive European empire. It sparked the century-spanning collapse of European empires that ended with the disintegration of the Soviet incarnation of the empire of the czars, in 1991.
» The Europeans will never forgive us for spoiling their party. »
Peters nous montre la voie : c’est désormais en fonction de nos relations avec les USA que la politique européenne va être déterminée, — ou plutôt, puisque rien n’existe, qu’une politique européenne va être fondée. Elle sera marquée non par la concurrence mais par l’antagonisme. La guerre contre l’Irak apparaîtra plutôt comme un palier après l’affrontement à l’ONU de ces six derniers mois. L’affrontement reprendra ensuite, principalement Europe contre USA sur la question de la reconstruction, du contrôle du pays, etc.
Le principal problème qui se posera est celui du Royaume-Uni, comme l’ont bien compris nombre de députés travaillistes qui ont voté contre Blair lors du débat sur la guerre. Notre sentiment est, sur ce point, que la situation est loin, très loin d’être jouée (Royaume-Uni du côté US), — que Tony Blair ne soit plus là ou qu’il soit toujours là.