Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
607
23 juillet 2003 — Le GAO (Government Accounting Office, — Cour des Comptes US) a publié le 21 juillet 2003 un rapport sur le programme JSF. Ce texte est basé sur une inquiétude fondamentale, qui concerne tout le programme, dans ses perspectives les plus larges, c’est-à-dire ses perspectives internationales. In fine, la question qui est posée est celle-ci : le programme international du JSF n’est-il pas un danger mortel pour le programme JSF dans son ensemble ? (Le rapport envisage des problèmes graves pour le programme, qu’il semble même considérer comme inéluctables. En fait, ce rapport n’est pas autre chose qu’une réflexion autour du thème : le JSF va évidemment connaître de graves problèmes, notamment au niveau des coûts. Il faut en répartir équitablement les effets.)
La question sur la coopération internationale n’est pas dénuée de sens. On a vu hier, à propos de l’Eurofighter, combien le difficile statut actuel de ce programme constitue le signe que les programmes de coopération internationale tels qu’on les conçoit en général, ou qu’on les concevait jusqu’alors (donc, le JSF y compris), sont des machines travaillant de façon destructrice contre l’économie de ces programmes. En effet, on rassemble en un seul programme des partenaires qui y apportent d’abord les exigences de leurs propres intérêts nationaux, et qui ont fort peu une vision concourant à l’intérêt général.
Ce que dit le GAO est finalement assez paradoxal, si l’on considère les positions des uns et des autres (les coopérants non US), se plaignant d’avoir des conditions très difficiles qui sont faites par les USA. (Cas des Britanniques, cas des Néerlandais, cas des Norvégiens, etc.) Le GAO dit que les conditions actuelles du programme défavorisent les Américains (Lockheed Martin) et que cela doit changer, — au profit des Américains, certes.
Ci-après, extraits d’une synthèse du texte du GAO, qu’on peut trouver également au complet sur le site du même GAO :
« Yet international participation also presents a number of challenges. For example, while international partners can choose to share any future program cost increases, they are not required to do so under the terms of negotiated agreements. Therefore, the burden of any future increases may fall almost entirely on the United States. Technology transfer also presents challenges. The large number of export authorizations needed to share project information, solicit bids from partner suppliers, and execute contracts must be submitted and resolved in a timely manner to ensure that partner industry has the opportunity to compete for subcontracts and key contracts can be executed on schedule. Transfers of sensitive U.S. military technologies — which are needed to achieve aircraft commonality goals — will
push the boundaries of U.S. disclosure policy. While actions have been taken in an attempt to address these challenges, additional actions are needed to control costs and manage technology transfer.
» Finally, if partners’ return-on-investment expectations are not met, support within their countries could deteriorate. To realize this return-on-investment, partners expect their industry to win JSF contracts through competition — a departure from other cooperative programs, which directly link contract awards to financial contributions. If the prime contractor’s efforts to meet these expectations come into conflict with program cost, schedule, and performance goals, the program office will have to make decisions that balance these potentially competing interests. »
Le rapport du GAO demande au Pentagone de prendre des mesures. Celles-ci devraient nécessairement aller dans le sens contraire que celui réclamé par les coopérants non US, qui jugent que le programme ne leur a jusqu’ici pas apporté ce qu’ils espéraient. Il y a, bien entendu, dans cette exigence générale de garder et de replier le maximum d’éléments du programme aux USA une contradiction directe avec le sens même, la philosophie du programme JSF.
Le quotidien Financial Times commentait hier :
« The Pentagon should consider directing more of the contracts from the Dollars 200bn (Euros 154bn, Pounds 119bn) Joint Strike Fighter programme to US companies to reduce the number of complex technology export licences required for international subcontractors, Congress's investigative arm recommended yesterday.
» According to a General Accounting Office report, Lockheed Martin, the project's lead contractor, was forced to seek more than 400 export authorisations and amendments during the fighter jet's demonstration phase; in the current development phase the number could exceed 1,000.
» “The volume of JSF export authorisations has taxed Lockheed Martin's licensing resources,” the report found, noting that normal risks such as cost overruns and schedule delays were likely to be worse because of the project's global scale. “International participation in the programme, while providing benefits, makes managing these challenges more difficult and places additional risk on (the Pentagon and Lockheed).” »
Si la critique générale du GAO est fondée, comme on l’a vu, elle implique dans tous les cas une approche du dossier du JSF assez surprenante, ou bien, c’est une autre hypothèse, qui annonce des pressions pour des changements fondamentaux dans les accords de coopération. C’est le cas lorsque le GAO écrit : « while international partners can choose to share any future program cost increases, they are not required to do so under the terms of negotiated agreements. Therefore, the burden of any future increases may fall almost entirely on the United States. » Cette remarque présage évidemment des pressions dans le sens de modifications des accords passés, dans tous les cas de la part du Congrès, pour un partage plus équitable des risques. Si, bien sûr, les observations du GAO ne sont en rien une obligation, si elles sont en général ignorées par l’exécutif, le législatif, peut, au contraire, s’en servir pour renforcer ses exigences.
Cela pourrait être le cas aujourd’hui. Parallèlement à cette étude du GAO, il y a des indications, publiées aujourd’hui dans un article alarmiste, sur les pressions du Congrès pour un renforcement des conditions de transfert des technologies et d’accès des pays non US à la coopération avec l’industrie d’armement. L’action du député Duncan Hunter, qu’on croyait devoir retraiter devant les pressions de l’exécutif, notamment du Pentagone, s’avère extrêmement solide. Comme le signale l’article cité ici, qui reflète bien l’inquiétude des milieux du gouvernement et de la grande industrie de l’armement, l’action de Hunter semble ne pas pouvoir être arrêtée, dans tous les cas en partie, et il y aura à partir de 2004 des conditions encore plus difficiles (les actuelles le sont déjà suffisamment) pour l’accès des pays non US, y compris les plus “fidèles” alliés, sur le marché de la défense US. La seule solution, pour eux, devient celle des Britanniques, dans tous les cas qui est en train d’être préparée activement : l’abandon de toute souveraineté et le bradage de BAE à un des géants de la défense US.
« Opposition to Hunter is so fierce that the defense secretary, Donald Rumsfeld, has said he will recommend that President George W. Bush veto the entire $400 billion 2004 Pentagon budget if Hunter does not back down. According to a White House statement, Hunter's proposals are “burdensome, counterproductive and have the potential to degrade U.S. military capabilities.”
» Such harsh words hardly faze Hunter, a 12-term California Republican and former army ranger, who is joined by other conservative House members and a number of small companies and unions that might benefit. In spite of the power — and fury — of his opponents, Washington analysts say Hunter will most likely get some of what he wants. “If the American worker is going to pay for the defense of the free world,” Hunter said in an interview, “he should participate fully in the manufacture of military goods. This is a warning shot, a red flag. We need to have domestic sources for critical military components. No one argues with that. We just differ in the details.” This Washington tale is rich in ironies. An administration that has been criticized for a go-it-alone attitude towards foreign affairs is now promoting more global military trade and claiming, in the White House statement, that Hunter's efforts would “undermine our efforts to promote cooperation with our allies.” »
Hunter a pour lui la logique de l’extrémisme, qui est celle qui triomphe aujourd’hui à Washington. Cette logique qu’un Rumsfeld, qui dénonce Hunter aujourd’hui, a porté au niveau d’une façon d’être ces derniers mois. Rumsfeld a fait des émules ou, disons, il a trouvé à être doublé sur sa droite, — ou sur son extrême gauche, c’est selon, si on considère que l’actuel régime à Washington aujourd’hui est plutôt d’essence révolutionnaire.