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6 octobre 2003 — Cette fois, les neocons s’impatientent. Ils jugent que l’administration GW Bush est en train de sombrer dans le chaos. Kristoll sort sa plume et nous en conte là-dessus, dans son plus récent édito du Weekly Standard. Il est catégorique :
« One reason for this is that the civil war in the Bush administration has become crippling. The CIA is in open revolt against the White House. The State Department and the Defense Department aren't working together at all. We are way beyond “fruitful tension” and all the other normal excuses for bureaucratic conflict. This is a situation that only the president can fix. Perhaps a serious talk with Messrs. Tenet, Powell, and Rumsfeld can do the trick, followed by strengthening the National Security Council's role in resolving intra-administration disputes. Perhaps a head or two has to roll. But the present condition is debilitating, and, given the challenges facing us in postwar Iraq, in Iran, and in North Korea, it is irresponsible to let it fester.
» To govern is to choose. Only one man can make the choices necessary to get the administration back on course. President Bush has problems with his White House, his administration's execution of his policy, and its internal decision-making ability. He should fix them sooner rather than later. Time is not on his side. »
Pendant ce temps, et ceci explique peut-être cela, ou plutôt ceci a un rapport de similitude avec cela, on doit noter un ton nouveau dans la prose enflammée de Justin Raimundo. Jusqu’alors adversaire acharné de la guerre et de la politique d’empire, de l’administration GW, du président et des neocons par conséquent, voilà qu’il devient beaucoup plus modéré vis-à-vis du président dans sa dernière chronique, où il donne du « Mr. President » à GW (« Ditch the neocons, Mr. President, and get us out of the quagmire they created — before it's too late »). L’on sait que Raimundo, conservateur libertarien, anti-interventionniste, partisan d’un centre fédéral ultra-réduit, est d’abord adversaire des néo-conservateurs interventionnistes, partisans d’un gouvernement fédéral envahissant, et finalement issus de l’ultra-gauche trotskiste devenue belliciste au coeur de la Guerre froide. Raimundo dit à GW que s’il est abandonné par les neocons, s’il redevient un vrai conservateur, peut-être retrouverait-il le soutien de sa véritable base.
Revenons aux Neocons. Pour eux, l’affaire Plame, ou “spygate”, la montée générale des critiques enflammées contre l’action de l’administration, particulièrement en Irak, tout cela relève d’une sorte de “complot” qui serait lancé par “Bush-I” contre “Bush-II”, — la tendance internationaliste de la famille Bush, qui avait tenté déjà d’empêcher la guerre (Baker et les autres, avec leurs articles critiques d’août 2002) contre la tendance unilatéraliste représentée par l’actuelle administration. Aujourd’hui, estiment les néo-conservateurs, la même attaque est lancée, directement contre Cheney qui est leur homme-pivot (Rumsfeld étant en perte de vitesse à leurs yeux), par l’intermédiaire de l’attaque lancée contre Scooter Liddy, le chef de cabinet de Cheney.
Joe Wilson, l’homme qui mène l’attaque, ancien ambassadeur, hippy-surfeur, sorte de beach boy dans sa jeunesse, aujourd’hui portant beau, parlant beaucoup, avec ses entrées partout, fait partie du schéma “complotiste” des néo-conservateurs. Ambassadeur favori de George Bush (Bush-I), qui s’est trouvé face à Saddam lors de l’invasion du Koweït en 1990 (sa supérieure à Bagdad, l’ambassadrice April Gaspie, était en vacances à Londres après avoir assuré à Saddam que la sécurité du Koweït n’était pas un enjeu fondamental de la sécurité des USA), — Joe Wilson est fondamentalement suspect aux yeux des neocons. Et certes, ils ont des arguments pour cela. De là à décrire un coup monté, par l’intermédiaire de Valerie Plame, la femme de Wilson, officier de la CIA et super-pin-up hollywoodienne, il n’y a qu’un pas qui est franchi avec grâce par tous les Neocons. Ils posent la question de savoir pourquoi la CIA a confié la mission de rechercher des preuves dans l’affaire de l’uranium nigérien à un homme marié à une experte de la CIA dont on nous dit aujourd’hui qu’elle était couverte par le secret ? Et pourquoi avoir confié cette mission à un homme notoirement lié aux internationalistes anti-guerre ?
Ainsi, par ces thèses et ces soupçons divers, les néo-conservateurs, aujourd’hui sur la défensive, participent eux-mêmes au désordre qu’ils (voir Kristoll) dénoncent avec une virulence sans cesse augmentant. Tous les pouvoirs et les centres de pouvoir à Washington sont engagés dans une même logique alimentant sans cesse les ferments de désordre, une spirale du désordre.