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16 novembre 2003 — Dans un excellent reportage, le Daily Telegraph de Londres rapporte les détails d’une très récente intervention américaine en Irak, selon la doctrine nouvellement adoptée de “frapper plus durement” (« America's new get-tough policy against the Iraqi insurgency »). Le résultat est un désastre ajouté à l’échec qu’avaient constitué jusqu’alors les interventions américaines en Irak, après la victoire-éclair et aujourd’hui sans plus la moindre signification d’avril 2003.
Mais d’abord, voici, en quelques paragraphes empruntés au quotidien britannique, la description de l’opération américaine.
« America's new get-tough policy against the Iraqi insurgency reached southern Baghdad last week. The military bore down on Al-Sadia district with an AC-130 warplane. Their target was a clothing factory that the Americans believed was a staging point for rocket attacks on their bases. A mortar bombardment the following night finished the task of destroying the building.
» This deployment — the first since the main combat ended — was a useless display of firepower, according to Karim Medhi, a nearby resident. “We told the Americans days ago that this place was being used to attack them but they sent nobody. Then, yesterday morning, they sent patrols telling everybody to leave because the factory was going to be attacked. When they did attack, the resistance had fled. There was nobody there.”
» The delay may have left the local people unimpressed but with US resources stretched and troops facing an average of 25 attacks a day from guerrillas, it is little surprise.
» Sgt Joe Justin of the 1st Armoured Division arrived at Al-Sadia to log satellite position points for the second hit on the textile factory.
» Khalid Dholia, the owner, pleaded at the door of the sergeant's vehicle for information on compensation. But this is not a high priority for the Americans. They have taken heavy casualties in the past week and their aim is to track down the increasingly organised armed resistance.
» The radio crackled. Sgt Justin looked over at his Iraqi interpreter and gave his orders: “We're going to have to move quickly on this one. We're going to hit inwards from that red car. Clear the area.”
» As a small crowd gathered at the crossroads scrambled to get away, the interpreter shouted through loudspeakers: “This area is about to be targeted by missiles of the US Army. Please leave.” Thirty minutes later eight mortar rounds hit the factory. Sgt Justin explained that the building was one of “many good places” in Al-Sadia from where Americans believe guerrillas have been attacking the US forces. »
On a bien sûr peine à en croire son esprit à la lecture de cette description. Le comportement des militaires américains est au-delà de toute description caricaturale, de toutes les façons qu’on examine cette action, — jusqu’à l’annonce par haut-parleur de l’attaque « by missiles of the US Army ». (On aurait pu nous donner le type de missiles, non ? ...et annoncer, pour que chacun soit fixé, qu’il s’agissait d’une “attaque par surprise”, — pour convaincre les guérilleros de rester sur place, attendant les tirs de missiles.)
Plus sérieusement observée, on dira que cette opération et les caractéristiques qu’elle révèle montrent une situation où les défauts des forces armées US, et de l’“esprit américain” en général, sont poussés à l’extrême. Cela est assez bien résumé par cette remarque de Nouri Al-Badran, le nouveau ministre intérieur du Conseil intérimaire, qui s’est plaint de « l’insistance des militaires américains à affirmer qu’ils pourraient vaincre les guérilleros selon leurs propres conceptions. »
C’est effectivement la signification de ces nouvelles opérations : confrontés à leur échec dans l’affrontement normal contre la guérilla, les militaires américains voudraient imposer une guerre selon leurs conceptions et leurs moyens. Ils prouvent ainsi que la plus puissante machine militaire du monde est aussi la plus dépassée, la plus inadaptée et la plus inefficace du monde. Les forces américaines ne sont capables que de livrer des guerres à leur échelle, des guerres que plus personne ne veut livrer, donc des guerres qui n’ont plus aucune réalité, des guerres totalement virtualistes qui débouchent sur d’extraordinaires possibilités d’échec ; d’où leur victoire-éclair de mars-avril, suivie de l’enlisement, de la suite d’échecs depuis avril, jusqu’à cette situation catastrophique actuelle où un service tel que la CIA n’hésite plus à envisager une défaite. Une fois de plus, dans un autre domaine, confrontation du monde virtualiste avec le monde réel ; le plus étonnant et le plus révélateur étant l’incapacité complète du monde virtualiste à sortir de sa virtualité pour s’adapter à la réalité.
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