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15 décembre 2003 — Le facteur le plus intéressant après la capture de Saddam, c’est la prudence et les réactions mitigées qui ont accueilli la nouvelle. Cela avait commencé par le général Sanchez lui-même, présentant de façon très retenue la nouvelle de l’arrestation. Cela s’est poursuivi ensuite, et amplifié, au long des commentaires et analyses qui ont été faits.
L’appréciation générale se retrouve sur un article qui donne bien la couleur générale de ces réactions, celui du Christian Science Monitor, qui nous dit dans son titre et son sous-titre, ces phrases qui disent tout : « How much will it matter? — Saddam Hussein's capture may not end attacks by insurgents. But for a day, Iraqis celebrate. »
Un article comme celui de Robin Wright and Glenn Kessler, dans le Washington Post de ce jour (« Complex Tasks Remaining on Several Fronts — Rebuilding Faces Tight U.S. Deadline ») est également significatif par le ton qu’il nous restitue autant que par les faits qu’il énonce.
« Saddam Hussein's arrest symbolizes major progress in wrapping up Iraq's past, but the United States still faces complex challenges in sorting out Iraq's future and winning support from the outside world — both essential to stabilizing the country enough to bring U.S. troops home.
» The insurgency is only part of the problem. Under its own schedule, the Bush administration has less than seven months to bring together in a new democratic government ethnic and religious communities that have been divided for decades. It also has to re-create a country devastated by the world's toughest economic sanctions and three wars during Hussein's 24-year rule.
» “This does mark the closing of an important chapter in Iraqi history, but so far the United States has not been able to open a new chapter by constituting an Iraqi political authority considered legitimate by Iraqis that is representative of their views and competent to rule the country,” said Kenneth M. Pollack, an Iraq expert at the Brookings Institution and former National Security Council staffer. »
L’important, dans cet extrait qui débute l’article qu’on cite, est l’opposition entre le passé et l’avenir, et l’arrestation de Saddam est une satisfaction du passé qui ne résout en rien les problèmes que réserve l’avenir de l’Irak : « Saddam Hussein's arrest symbolizes major progress in wrapping up Iraq's past, but the United States still faces complex challenges in sorting out Iraq's future... » ; plus loin : « This does mark the closing of an important chapter in Iraqi history, but so far the United States has not been able to open a new chapter... »
Il s’agit là d’un climat morose, d’une humeur sceptique, voire notablement noire. C’est certainement un problème fondamental, dans une crise qui est essentiellement basée sur la communication et dont l’évolution se fait pour une part importante dans le champ virtualiste. Le paradoxe de l’arrestation de Saddam est que, en opposant le passé et l’avenir, elle met en évidence qu’on résout les “problèmes” du passé et que de nombreux problèmes existent pour l’avenir, voire que de nouveaux vont se créer. L’arrestation de Saddam met en évidence les difficultés qu’il reste à résoudre pour mener à bien l’affaire irakienne.
C’est un point complètement fondamental, qui nous montre combien l’affaire irakienne est d’ores et déjà, dans l’esprit des commentateurs et autres aux USA, une partie pas loin d’être perdue. On comprend la cause de cette attitude psychologique : les promesses étaient telles, d’une telle envergure et à une telle hauteur, que les difficultés rencontrées ont aussitôt paru être insurmontables et suscitent le plus terrible pessimisme. La guerre en Irak devait être un triomphe étourdissant (comme elle l’était encore le 9 avril) ou bien elle conduit au pessimisme qui mine l’appréciation des événements et transforme le commentaire médiatique, essentiel aux USA, en un acte d’accusation permanent. L’arrestation de Saddam, qui aurait été un triomphe il y a huit mois, joue ce rôle aujourd’hui : celui d’un éclat de lumière qui sert à éclairer un peu plus les difficultés à venir. L’étrange ironie et l’ultime insolence de l’ancien dictateur irakien, c’est que l’arrestation de Saddam nous montre ceci : psychologiquement, les Américains ont perdu en Irak.