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1er janvier 2004 — Nous signalons un très intéressant article paru sur le site de Counter Punch, les 27-28 décembre 2003, d’un professeur de droit américain, Brian J. Foley, du Touro Law Center de Huntington, dans l’État de New York. Foley examine la situation créée par les hypothèses de déstabilisation aux USA si une attaque terroriste de grande envergure y avait lieu, menant à des mesures autoritaires au niveau de la structure du gouvernement, voire de la structure juridique et fondamentale de l’Amérique elle-même. Foley fait directement allusion à la fameuse interview du général Tommy Franks, dont nous avons déjà abondamment parlé.
Foley introduit effectivement le problème dans les termes qui conviennent lorsqu’il écrit : « Yet the most vulnerable victim of any future terrorist attack may be our Constitution. » Foley poursuit :
« Such is not mere speculation by conspiracy theorists but comes straight from recently retired U.S. Army General Tommy Franks, who field marshaled the U.S. wars against Afghanistan and Iraq. In a lengthy interview in this month's ‘Cigar Aficionado’ [magazine], Franks painted a picture of what he called “the worst thing that can happen in our country”: a terrorist attack with WMD, a ''massive casualty-producing event somewhere in the western world — it may be in the United States of America — that causes our population to question our own Constitution and to begin to militarize our country in order to avoid a repeat of another mass-casualty-producing event. Which, in fact, then begins to potentially unravel the fabric of our Constitution. “As a result, Franks said, the western world, the free world, loses what it cherishes most, and that is freedom and liberty we've seen for a couple of hundred years in this grand experiment that we call democracy.” »
Le professeur Foley examine le cas posé par les déclarations du général Franks et les thèses complotistes qui sont implicites à cette sorte de démarche. On sait que l’hypothèse Franks est aussi bien qu’il peut y avoir une attaque terroriste nécessitant des mesures arbitraires, qu’un montage, une simulation d’attaque, nécessitant ces mêmes mesures.
On peut même envisager d’autres hypothèses, du pur domaine virtualiste. Il est temps de considérer cela sérieusement, lorsqu’on a à l’esprit le déroulement de l’affaire des armes de destruction massive (ADM) de Saddam, qui n’existaient pas, qui étaient signalées comme réelles par une campagne massive de désinformation interne et externe, et qui furent finalement prises pour réelles par ceux-là mêmes qui avaient monté cette campagne. (Voir, par exemple, le cas du docteur John Hamre.) En d’autres termes, on peut envisager une campagne interne massive de désinformation générée par l’appareil bureaucratique, sans dessein arrêté ni complot, produisant comme certaine une attaque terroriste ; cette évolution conduisant les dirigeants eux-mêmes à croire effectivement à la possibilité d’une attaque, comme ils crurent à la réalité des ADM, décidant préventivement des mesures autoritaires au niveau de la structure politique du gouvernement et de cadre législatif US.
Tout cela doit être considéré comme étant du domaine des possibilités. C’est ce que fait Foley pour son compte, avec l’hypothèse que des mesures pourraient être décidées par le gouvernement et confirmées par un Congrès terrorisé par son devoir de patriotisme type-politically correct, comme ce fut le cas pour les votes type-soviétique, avec des majorités s’échelonnant très démocratiquement entre 99% et 100%, du fameux train de lois “PATRIOT I”, en octobre 2001 . Cela conduit Foley à envisager des mesures pratiques pour résister à une telle possibilité. Il propose quelques idées pour sauver la Constitution des États-Unis :
« — Popularize the idea that the Bush Administration has a duty to protect us from future terrorist attacks. If an attack occurs, Americans should stand ready to blame, in part, where appropriate, this Administration — not the Constitution.
» — Post the Constitution on websites and publish it in newspapers -- to be plastered on cars, front doors, office cubicles. Pile copies in stores and restaurants. Leave it in hotel rooms, like the Gideon's Bible. Distribute little flags of the Constitution for car antennae. Hand out t-shirts. Make the Constitution as ubiquitous as the flag became after 9/11.
» — Campaign for the idea that “What Makes America Great is Our Constitution.” MoveOn, Common Cause, the ACLU and others could build on the work they have been doing and start this educational campaign, which might include short explanations of each Constitutional freedom. Few Americans have ever read this wonderful document.
» — Repeal the USA PATRIOT ACT. Already, based on citizen initiatives, three states (Alaska, Hawaii, and Vermont) and more than 100 cities, towns and counties, have rebelled, voting not to enforce the Act within their borders. We should take another step and declare all of our towns, cities, counties and states “Constitution Zones.”
» — Make protecting our Constitution an issue in all 2004 political campaigns. Demand that candidates pledge to uphold it. Indeed, remind all government officials that, upon taking office, they pledged to protect and uphold the Constitution. Make clear that we won't let officials tread on our cherished freedoms.
» — Plan now to march boldly for civil and human rights after any terrorist attack. It's always easy for governments to silence and detain a few dissenters. We need to make rounding up freedom-loving Americans harder than herding cats. »
Parmi ces suggestions du professeur Foley, deux nous paraissent particulièrement intéressantes parce qu’elles permettent de mesurer exactement l’impact que pourrait avoir cette sorte de crise aux USA, et comment elle pourrait conduire à la crise américaine centrale. (Crise interne déjà représentée en théorie par la répartition des votants pro- et anti-GW Bush en 2000, pour l’élection présidentielle.)
• L’une nous fait penser qu’il est effectivement possible que la question des droits constitutionnels, et la question de la Constitution elle-même pourraient apparaître durant la campagne présidentielle, par exemple si des incidents liés au terrorisme avaient lieu aux USA, ou encore, si un candidat indépendant participait à la campagne et adoptait ce thème. (« Make protecting our Constitution an issue in all 2004 political campaigns. Demand that candidates pledge to uphold it. Indeed, remind all government officials that, upon taking office, they pledged to protect and uphold the Constitution. »)
• L’autre est, de loin, la plus importante remarque. Foley suggère que, si des mesures arbitraires étaient prises au niveau fédéral, les pouvoirs locaux et les pouvoirs des États de l’Union pourraient refuser ces mesures. Le passage concerné est celui-ci :
« Repeal the USA PATRIOT ACT. Already, based on citizen initiatives, three states (Alaska, Hawaii, and Vermont) and more than 100 cities, towns and counties, have rebelled, voting not to enforce the Act within their borders. We should take another step and declare all of our towns, cities, counties and states “Constitution Zones.” »
Foley nous rappelle (ou nous apprend) qu’il existe d’ores et déjà une résistance légale aux décisions du centre washingtonien, et qu’il s’agit de rien moins que du refus d’appliquer une loi de l’importance du “PATRIOT Act” (trois États, une centaine de villes et de comtés, avec, dans les villes, outre celles réputées à gauche comme Berkeley, des villes de tendances très différentes, — avec le cas le plus important d’une des plus grandes villes du pays [Chicago]).
L’essentiel dans ce dernier point, et pour élargir le problème (c’est-à-dire lui donner ses vraies dimensions), est que nous débouchons sur l’opposition, fondamentale aux USA, entre le gouvernement washingtonien central et les États. C’est en effet par ce biais, à la fois légal et populaire, que pourrait s’exprimer une véritable opposition au pouvoir et à l’orientation politique actuelle. Cette possibilité est beaucoup plus concevable que l’effet d’une quelconque élection, d’un démocrate ou d’un autre, l’un ou l’autre également paralysé par la puissance de la bureaucratie à moins d’entrer en conflit ouvert avec elle. D’autre part, cette possibilité peut s’élargir, en cas de tensions, sur des perspectives d’affrontement interne. L'importance de cette hypothèse tient évidemment en ce que nous rencontrons une ligne de tension historique des États-Unis, et même la principale ligne de tension historique.