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2368Depuis la fin de l’année 2013 (voir le 26 décembre 2013), on sait qu’est posée au grand jour et avec une insistance durable, et singulièrement devant le président Obama de la part du Congrès, la question de la déclassification de 28 pages restées secrètes du rapport du Congrès de 2002 sur l’attaque du 11 septembre 2001. (Le document qui comprend les 28 pages d’une partie intitulée “Specific Sources of Foreign Support” est le rapport du Congrès de 800 pages établi en 2002 sous l’intitulé officiel de “Congressional Investigative Report on 9/11 – Joint Inquiry into Intelligence Community Activities Before and After the Terrorist Attacks of September, 2001”, – à ne pas confondre avec le rapport de l’enquête officielle de la Commission spéciale formée pour enquêter sur 9/11, qui a été bouclé en 2004.)
Une organisation sérieuse de communication s’est mise en place, avec un site spécial (28pages.org) dévolu à cette entreprise, impliquant notamment un lobbying pour faire voter par la Chambre des Représentants une résolution bipartisane demandant au président Obama de déclassifier ces 28 pages. Un des plus récents articles du site, le 3 octobre 2014, donne une situation de ce projet de résolution, à l'occasion d'une appréciation critique d’un article du Boston Globe sur la question. L’observation générale est que le rythme de soutien à cette résolution est en train d’accélérer, notamment à cause de la crise ISIS/EI/Daesh et la “Guerre contre la Terreur 3.0” qui va avec. Cet argument du lien entre ISIS et les 28 pages toujours classifiées est notamment affirmé par le député démocrate Stephen Lynch, l’un des trois co-sponsors de la résolution.
«Globe reporter Bryan Bender’s story underscores the urgency of declassifying the 28 pages 13 years after the attacks: “(Lynch) believes the information has direct bearing on the new war against the Islamic State in Iraq and Syria and other militant Sunni Muslim groups that are believed to be drawing some of their funding from the same Arab states that America considers key allies. The revelations are central to understanding ‘the web of intrigue here and the treacherous nature of the parties we are dealing with — the terrorists and their supporters,’ Lynch said in an interview. ‘I am trying to get a sense of who our friends are.’”»
L’importance du contenu de ces 28 pages commence à être largement documentée, sans bien entendu que ce contenu soit publiquement connu. Le même site 28pages.org signale les commentaires du député Massie, du Kentucky (voir la DVD sur le site, le 17 juillet 2014), observant notamment : «After reading it, Congressman Thomas Massie described the experience as “disturbing” and said, “I had to stop every two or three pages and rearrange my perception of history…it’s that fundamental.”» (Massie est un autre des trois co-sponsors de la résolution sur la déclassification.)
Un soutien de poids à cette organisation et à la résolution qui recherche un soutien suffisant à la Chambre des Représentants est venu de l’ancien sénateur Bob Graham, qui fut co-président de l’enquête officielle du Congrès aboutissant au rapport de 2002 avec les fameuses 28 pages toujours classifiées. Graham a répondu à une interview de Bret Bambury, qui produit une émission de talk-show sur la chaîne de télévision canadienne CBC. Le site de CBC donne un compte-rendu de cette émission, le 9 octobre 2014. La question examinée par Graham et Bambury est explosive dans la mesure où elle prend la forme concrète d’une interrogation opérationnelle très claire : si ces 28 pages n’avaient pas été classifiées, si elles avaient eu l’éclat public qu’on peut prévoir de leur connaissance, ISIS/EI/Daesh existerait-il ? Avec, on s’en doute, une réponse négative... L’idée est en effet que le degré d’implication de l’Arabie dans l’attaque 9/11 qui est mis en évidence dans ces 28 pages, – selon Graham précisément, et d’autres qui en connaissent le contenu, – aurait empêché le royaume des Saoud de suivre le comportement qu’il a montré, notamment en soutenant, finançant, équipant, etc., les divers groupes terroristes, dont tout ce qui a débouché sur ISIS/EI/Daesh...
«... Graham says that Saudi Arabia has a long history of ideological and financial support for Wahhabism, a fundamentalist interpretation of Islam. ISIS ascribes to that interpretation. “I believe that had the role of Saudi Arabia in 9/11 been disclosed by the release of the 28 pages and by the declassification of other information as to the Saudi role and support of the 9/11 hijackers that it would have made it much more difficult for Saudi Arabia to have continued that pattern of behaviour...and I think would have had a good chance of reigning in the activity that today Canada, the United States and other countries either are or are not considering going to war with,” said Graham in an interview with Brent Bambury host of Day 6 on CBC Radio. [...]
»Democratic congressman Stephen Lynch from Massachusetts, who co-sponsored the resolution, has said he thinks information in those pages has a direct bearing on the war against the ISIS. Graham agrees. “The connection is a direct one. Not only has Saudi Arabia been promoting this extreme form of religion but it also has been the principal financier, first of Al Qaeda then of the various Al Qaeda franchises around the world specifically the ones in Somalia and Yemen and now the support of ISIS,” said Graham.
»Graham's statements come on the heels of controversial remarks made by Vice President Joe Biden. Speaking to a crowd at Harvard's John F. Kennedy School of Government, Biden implied that Saudi Arabia was partly to blame for the rise of ISIS. “Our allies in the region were our largest problem in Syria,” said Biden in response to a question. He also said that Saudi Arabia and the United Arab Emirates were so determined to topple Bashar Al Assad's regime in Syria that they poured hundreds of millions of dollars and tonnes of weapons into the hands of extremist groups. “So now what's happening, all of a sudden, everybody is awakened because this outfit called ISIL, which was al-Qaeda in Iraq, which when they were essentially thrown out of Iraq, found open space and territory in [eastern] Syria, work with al-Nusra, who we declared a terrorist group early on. And we could not convince our colleagues to stop supplying them.” [...]
»Asked whether the release of the 28 pages could have had an impact on Canada's recent decision to take part in the U.S. lead military campaign, Graham said it's too late to set back the clock. “ISIS is a reality. It's brutal and it has the potential of reaching in to North America through the apparently substantial number of Canadian and U.S. persons who are now fighting with ISIS. I think had the 28 pages been released 10 years ago and had dampened the ability and commitment of Saudi Arabia to export its extreme form of Wahhabism and exposed the Saudis funding of these extreme organizations it may have avoided the necessity of having a debate in the Canadian parliament as to whether to go to war.”»
... Dans tout cela, vient un cri de stupéfaction (il faut bien que cela sorte de temps en temps) : le degré de corruption psychologique et intellectuelle des compères, l’Arabie et les administrations US successives, est prodigieux ! (Ne parlons pas de la corruption vénale, le tout-venant du type-minimum syndical du domaine.) Mais qui est le plus prodigieux à cet égard : l’Arabie ou les administrations US successives ? La pente abrupte de ces questions fait d’autant plus mesurer l’importance de l’enjeu de la déclassification de ces 28 pages même si rien ne peut plus empêcher l’engagement-guignol du Canada jusqu’au boutiste. Ce n’est certes pas la pseudo-guerre contre ISIS/EI/Daesh qui est en jeu ; il s’agirait plutôt de la survie de l’Arabie, dont d’autres évaluations (voir le 7 octobre 2014) font la cible qui-va-de-soi des islamistes déchaînés, et de l’extrême de la stabilité du gouvernement US.
Ce qui est remarquable dans ces nouvelles, et singulièrement dans les déclarations du sénateur Graham, c’est d’abord ce qu’on devine de l’importance explosive du contenu de ces 28 pages, concernant le comportement de l’Arabie autour de 9/11, dans 9/11 même, et en général dans tout ce qui est soutien des réseaux terroristes qui sont dénoncés depuis des années comme la menace existentielle-type pesant sur les USA, le bloc BAO et la “civilisation” impliquée elle-même. Ce qui est remarquable ensuite, c’est la résilience montrée par les parlementaires engagés dans cette affaire, qui semblent vouloir poursuivre leur attaque pour faire passer la résolution, et qui reçoivent évidemment, désormais, le “soutien” indirect des événements (la “Guerre contre la Terreur 3.0”)... Certes, une déclassification des 28 pages n’empêcherait pas ISIS/EI/Daesh d’exister, comme l’observe évidemment Graham, mais elle introduirait un désordre considérable et déstabilisant dans les très nombreuses interconnections USA-Arabie, ajoutant encore à l’hyper-désordre régnant.
Enfin, nous terminerons par une remarque annexe au propos principal, mais qui laisse diablement à penser. Le site 28pages.org observe, pour ce qui est de l’article déjà cité du Boston Globe du 2 octobre 2014, que cet article qui rapporte les déclarations du député Lynch, est couronné d’un titre intéressant : «... even if it runs under the headline of “Stephen Lynch an Unlikely Hero of Conspiracy Theorists.”» On peut alors mesurer le degré et la puissance de la subversion des psychologies, particulièrement au sein de la presse-Système dont fait partie le Globe. Alors qu’il s’agit d’un rapport absolument officiel datant de 2002, approuvé par le président après qu’il ait été bouclé, alors qu’il s’agit de déclarations de parlementaires qui ont lu les 28 pages qui restent classifiées, l’ensemble de la démarche reste tout de même rapproché des théories des complotistes jusqu’à laisser entendre que ce qu’il en ressort, – savoir le contenu de ces 28 pages, – resterait suspect parce que cela se rapprocherait, sinon confirmerait l’une ou l’autre théorie complotiste.
... “Remarque annexe au propos principal”, mais qui n’en illustre pas moins ce point complètement fondamental, qui est l’infection des psychologies, ce “degré et [cette] puissance de la subversion des psychologies, particulièrement au sein de la presse-Système”. Il y a bien là le signe que le phénomène de l’infection/subversion des psychologies va bien au-delà du conformisme politique, des consignes du pouvoir et de l’alignement sur les politiques officielles, puisqu’il s’affiche au fond de lui-même comme un censeur éventuel des créateurs des consignes du pouvoir et des politiques officielles envisageant de revenir au moins en partie sur la narrative initiale selon des éléments factuels reconnus comme justes par toutes les autorités mais jusqu’ici dissimulés par la classification. Ce phénomène d’infection/subversion ne répond plus à des impulsions du pouvoir, de l’ensemble humain en charge de l’opérationnalisation du Système, mais à des impulsions extérieures qui tient ces psychologies prisonnières de l’engagement initial.
Mis en ligne le 13 octobre 2014 à 05H12