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2427Nous prenons ainsi un exemple qui nous paraît singulièrement éclairant pour illustrer d’une part un sentiment diffus et confus, et néanmoins extrêmement puissant et paraissant ainsi véridique, de la dimension catastrophique de notre époque, d’autre part combien cette réaction qui paraît si justifiée se réduit brutalement (on y viendra) à une cause “rationnelle” incroyablement vulgaire et corrompue. On retrouve ainsi, et c’est effectivement un des caractères de ce temps, la cohabitation des extrêmes dans la perception, le jugement, et d’une façon générale dans la production de l’esprit selon l’alimentation de la psychologie par la perception.
Voici donc les deux premiers paragraphes du texte dont nous parlons, qui sont une traduction de l’anglo-américain : « Le monde ressemble de plus en plus à l’un de ces films d’avant-garde ou à une de ces publicités pour une assurance automobile où des véhicules entrent en collision avec d’autres ou avec des piétons sur le mode du ralenti. Ce qui va survenir, la mort et la destruction, est absolument certain. Parfois, on peut voir une personne ou un véhicule tenter, oh si doucement, d’éviter le désastre qui arrive inéluctablement. Mais rien ne peut être vraiment fait.
» Le monde d’aujourd’hui ressemble de plus en plus à l’un de ces films ou à l’une de ces publicités. On voit clairement la venue inéluctable du désastre, et les acteurs eux-mêmes semblent parfois, du coin de l’œil, réaliser fugitivement ce qui est en train d’arriver. Mais personne ne paraît capable d’apprécier précisément ce qui arrive, de mesurer l’ampleur véritable du danger et d’agir en conséquence et avec célérité. »
(Pour plus de certitude, ou de garantie, voici le texte original : « The world increasingly looks like one of those avant garde movies or TV advertisements for car insurance where vehicles collide with one another or pedestrians in slow motion. It is absolutely clear what is unfolding, the death and destruction that is about to occur. Sometimes individuals and vehicles can even be seen trying to respond to the looming disaster, oh so slowly. But nothing can be done about it.
» The world today looks increasingly like one of those films or advertisements. We can see the disaster looming, the participants perhaps slightly aware as they perceive from the corners of their eyes that something terrible is about to occur. But no one seems able to recognize what is occurring, assess the true magnitude of the danger and act with speed. »)
Sans doute un lecteur de dedefensa.org, et nous-mêmes sans aucun doute, verraient effectivement dans ce passage rapide une description acceptable de la Grande Crise générale qui nous frappe et de la destinée de notre monde. Sans doute et sans aucun doute, certes, on se dirait que voilà un auteur qui a pris conscience, lui, de l’ampleur de la dimension catastrophique de la situation, avec ce sentiment de l’impuissance contre la course catastrophique en cours, c’est-à-dire la mesure de la puissance du Système en mode, comme nous disons, de surpuissance au-delà de toute possibilité de contrôle et de maîtrise. L’impression qui se dégage de ce texte est qu’il s’agit d’un auteur qui perçoit l’urgence des temps (que cela soit conscient ou pas) et qui exprimer clairement cette perception comme une vérité-de-situation fondamentale... Et puis, badaboum !
En poursuivant, dès le troisième paragraphe, on découvre que cette description tout à fait acceptable de la Fin des Temps concerne en réalité le dernier essai nucléaire nord-coréen dont nul ne sait exactement ce qu’il signifie en terme de dangerosité au niveau de cette puissance qu’est la Corée du Nord, avec ses moyens de projection complètement archaïques, sa puissance à peine régionale et complètement autarcique, et sa politique qui n’a jamais dépassé le stade de la démonstration, excitée d'ailleurs par l'irresponsabilité pathétique de la politique américaniste. L’auteur classe cela au même niveau du danger potentiel extraordinaire que représentent les progrès (?) de l’Iran en matière nucléaire (malgré l’accord signé en juillet 2015) et d’une façon plus générale la puissance menaçante que constitue l’Iran pour déclencher cette fameuse Fin des Temps que nous avons vu si excellemment décrite. Nous donnons ici les trois derniers paragraphes, que nous nous permettrons de ne pas traduire en français tant leur contenu est sans le moindre intérêt pour ce qu’ils nous disent du jugement général, mais qui sont là simplement pour témoigner de ce à quoi nous avons réellement affaire.
« ...Iran already has an extensive arsenal of short and medium-range ballistic missiles, a number of which were bought from or based on a design provided by North Korea. Iran recently tested several long-range ballistic missiles in apparent violation of the UN prohibition. It has conducted tests of tactical anti-shipping missions within sight of the USS Truman in the Arabian Gulf. UN Security Council Resolution 2231 of July 20, 2015 provides for an eight-year restriction on Iranian (nuclear-capable) ballistic missile activities and a five-year ban on conventional arms transfers to that country. After that, Iran is free to acquire or build what it wants. Including a ballistic missile capable of delivering nuclear warheads to the United States.
» Our choices are simple: stand around watching this slow motion global nuclear car wreck happen. Or stop acting like passive observers and take actions to prevent it. Since the world has, to date, failed to halt the North Korean nuclear weapons and ballistic missile programs and has set up an agreement that codifies a schedule for Iran becoming a nuclear power, there seems little that can be done to stop the impending wreck. What can be done is to mitigate its consequences.
» This means undertaking a serious and global program to deploy ballistic and cruise missile defenses. Reacting to the growing North Korean threat, last year the Obama Administration reversed its decision to reduce the number of ground-based interceptors to be deployed as part of the U.S. National Missile Defense. Both the numbers and deployment sites for the NMD system are insufficient for a reliable defense. We need as many as ten sites and hundreds of reliable interceptors. It would make sense to deploy the Aegis Ashore system, now planned only for Europe, to the homeland as a second layer of defense. The U.S. and its allies must fund an expanded theater missile defense capability in Europe, the Middle East and East Asia. There needs to be a global missile warning and surveillance network and integrated regional interceptor architecture. »
Il serait aussi simple d’expédier tout cela en précisant que l’auteur est Daniel Gouré, directeur du Lexington Institute, institut US richement doté et notoirement producteur de lobbying pour le compte du complexe militaro-industriel, et particulièrement Lockheed-Martin, lequel conglomérat est un des principaux contractants du système antimissiles US dont on connaît à la fois la complète inefficacité et le prix très, très élevé. Le texte, qui date du 7 janvier, a été publié sur le site de l’institut. Nous pensons qu’il ne faut pas s’arrêter à cela, à cette situation si convenue parce qu’à ce point nous restons sur notre faim...
Nous le répétons, les deux premiers paragraphes font retentir un accent de vrai (une vérité-de-situation) qui contraste singulièrement, et d’une façon révélatrice, avec le ridicule complet de l’argumentaire qui suit, – car il est tout simplement ridicule à s’en frotter les yeux d’incrédulité de faire de la Corée du Nord et de l’Iran la menace unique et décisive de la Fin des Temps. Nulle démonstration n’est nécessaire à cet égard puisque le bon sens et le simple jugement suffisent et que nous n’avons pas de temps à perdre, ni à faire bien de l’honneur à une telle sottise. Nous dirions même que la véracité presque poignante de l’introduction dessert d’une façon absolument radicale la cause financière de ces zombies du complexe militaro-industriel, en mettant d’autant plus en évidence le ridicule du propos et de l’argument, et le but poursuivi (sauver la civilisation, ou bien vu d’une autre façon “leur” contre-civilisation et le Système des effets ultimes de la Grande Crise d’effondrement par le moyen décisif du déploiement de systèmes antimissiles sérieux face à la Corée du Nord et à l’Iran). Ce qui nous intéresse est d’observer que se glisse ainsi une vérité-de-situation dialectique d’une extrême importance dans un raisonnement aussi absolument marqué par la philosophie du zombie.
Nous faisons ainsi l’hypothèse qu’en d’autres temps moins marqués par cette sensation d’une issue catastrophique imminente pour la civilisation, et toutes choses étant égales par ailleurs, un auteur du domaine n’aurait pas eu l’idée, sinon le talent inconscient, nourris à la perception également inconsciente du climat des choses, d’écrire une telle introduction à son texte de pub courante. Cela nous conduit à considérer la possibilité, ou plutôt à offrir une fois de plus la démonstration que même les sapiens les plus compromis avec le Système restent sensibles à certaines tensions véridiques qui pèsent sur le monde aujourd’hui. En introduisant son pensum nécessaire à l’équilibre de son budget et de ses privilèges de fin de mois, Gouré montre que même lui n’échappe pas à la puissance d’influence et de communication de cette vérité-de-situation qu’est la Grande Crise d’Effondrement du Système. Nous jugerons que cela est paradoxalement rassurant, parce que cela montre d’une part la puissance de l’influence exercée par cet événement, d’autre part la faiblesse de la psychologie de ceux qui accomplissent leur difficile besogne de tâcheron-du-Système.
Certes, on pourrait s’en tenir à un “c’est un vendu” (du CMI, du lobby sioniste, du Nouvel Ordre Mondial, de Tartempion) mais on n’aurait rien expliqué comme d’habitude lorsqu’on ne fait que magnifier ses propres fantasmes et l’on se mettrait finalement au niveau de l’objet qu’on veut dénigrer, ce qui n’est pas enthousiasmant. Gouré est bien tout cela (CMI, etc.) mais il est aussi inconsciemment touché par le “climat” du temps de la Fin des Temps. Le sapiens-Système conserve une certaine part (en général très-minime mais tout de même) de vivant à côté de son immensité pourrie et morte. Il ne s’agit pas d’une fabrication humaine ni d’un prodige de la génétique type-Google, mais de ce que nous tenons comme une vérité-de-situation selon laquelle même les plus compromis d’entre nous (d’entre eux, les sapiens-Système) restent tributaires de forces extérieures qui les empêchent de totalement sombrer à l’état de robot.
Mis en ligne le 13 janvier 2016 à 10H21
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