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2981Pièce importante et intéressante pour le dossier qui ne cesse de s’épaissir et de prendre lui-même de l’importance, du putsch avorté en Turquie : le philosophe russe Alexandre Douguine, chef de file de l’école de l’eurasisme en Russie, se trouvait à Ankara le 15 juillet. Il se trouvait à l’aéroport d’Ankara, en partance pour la Russie, lorsque le putsch a été lancé. Son départ a été retardé mais a finalement eu lieu.
Les entretiens qu’a eus Douguine à Ankara, notamment avec le maire de la ville, sont tous marqués par la tension générale qui régnait en Turquie, avant même que le putsch n’éclate. Cela confirme l’impression générale que divers services et organisations étaient avertis des préparatifs de ce coup, et peut-être même la thèse selon laquelle le coup a été précipité (ce qui expliquerait sa piètre exécution) pour ne pas être dévoilé et empêché.
Douguine confirme à 100% la thèse du complot réalisé par les réseaux Gülen, – ce qu’on nomme en Turquie “l’État parallèle”, tant leur infiltration est forte et bien implantée. (Bien entendu, l’intervention de Gülen impliquerait le soutien actif de la CIA, tout comme l’action de Gülen ne peut avoir eu lieu sans l’accord de la CIA.) Douguine restitue bien ce qui semble être les réalités de cette implication, allant jusqu’à rapporter que le maire d’Ankara lui a précisé, – idée que l’on retrouve dans divers médias et selon diverses sources, – que le pilote turc qui a abattu le Su-24 faisait partie des réseaux Gülen et US. (Il est assuré, cela sans le moindre doute, que la force aérienne turque est depuis des décennies une partenaire très attentive des USA. Elle est exclusivement équipée de matériels US, elle a passé dans les années 1980 d’énormes contrats assortis de considérables commissions de la part de General Dynamics pour le F-16, et elle s’est fermement inscrite pour une commande de F-35/JSF. Elle est la branche des forces armées turques qui est la plus totalement pénétrée par les USA, – l’USAF, Lockheed-Martin [qui avait acheté la division avion/F-16 de General Dynamics], la CIA, etc.)
Ces divers éléments expliquent d’une façon logique que, autant que le complot était préparé contre lui, Erdogan avait lui-même ses listes prêtes pour liquider les réseaux Gülen sans qu’il faille y voir une preuve d’un montage de sa part. Pour le reste et pour ce qui concerne les “purges” entreprises par Erdogan, c’est-à-dire pour l’aspect démocratique et du respect des lois qui importent essentiellement à ces champions de la démocratie et du respect des lois que sont les USA, la France-de-Hollande, l’UE et l’OTAN, on les laissera à leurs inquiétudes bien naturelles en nous réservant, pour notre traitement de cette affaire, de nous reporter à nos références très différentes que sont le Système et l’antiSystème, – et dire cela, c’est dire que nous y reviendrons...
Là-dessus, il est du plus grand intérêt pour se forger son opinion sur ces évènements de voir avec quelle fougue Douguine enfourche l’argument de l’eurasisme, la référence de l’axe Moscou-Ankara en train d’être reconstitué selon lui par cet épisode, etc. Cette analyse tend à conforter les appréciations de l’importance capitale de cet événement, du point de vue géopolitique certes, mais aussi et plus directement selon ,ou, du point de vue de la structure du monde impliquant la lutte Système-antiSystème, dans la mesure où les répercussions pourraient effectivement aller jusqu’à secouer l’OTAN elle-même, pour nous offrir, qui sait, cette somptueuse cerise sur le gâteau que serait un Turcexit qui aurait, à notre sens, bien autant d’effets, directs et indirects, immédiats et à plus long terme, sur la structure psychologique de l’OTAN.
(... Tant il est vrai que le Brexit a d’abord affecté la psychologie de l’UE peut-être d’une langueur mortelle. L’UE, comme l’OTAN, ou l’OTAN comme l’UE, sont de ces organisations-Système qui ne peuvent envisager, selon l’“idéal de puissance” qui les mène comme le pôle magnétique influe sur l’aiguille de la boussole, d’être amputée d’un seul de leur membre sans craindre de s’effondrer et de se dissoudre. [Seul de Gaulle avait réussi en partie l’opération sans trop de casse, mais c’était un autre temps et un autre sapiens.] Un Turcexit serait, à notre sens, une opération qui plongerait l’OTAN dans une crise existentielle où rien de moins que son ontologie se trouverait devant la menace de la dissolution. Encore écrit-on tout cela, tout comme on évoque le putsch d’Ankara, sans envisager les conséquences, dans ces événements de la possible arrivée d’un Trump à la Maison-Blanche.)
Le récit que nous fait Douguine, ainsi que les références qu’il évoque montrent bien que, dans cette affaire qui devrait voir un nouveau rapprochement entre la Turquie et la Russie (et l’Iran) dans un cadre très international, c’est-à-dire en fonction de la crise syrienne et des relations avec le bloc-BAO/les USA, on se trouve devant la perspective d’un renforcement spectaculaire de l’aile souverainiste nationaliste en Russie, tandis que le renforcement d’Erdogan en Turquie après avoir crevé l’abcès-Gülen ira dans le sens de l’eurasisme prôné par le philosophe. L’analyse de Douguine élargit considérablement le champ de l’événement du putsch avorté d’Ankara : nous sommes passés du plan national, du plan régional, du plan géopolitique au plan structurel fondamental Système versus antiSystème
Le texte d’Alexandre Douguine a paru le 18 juillet 2016 sur le site Katehon.com.
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Fin de semaine dernière, une tentative de coup d'Etat militaire a eu lieu en Turquie. Une tentative de putsch préparée en dehors des frontières de la Turquie.
Par coïncidence, je me trouvais à Ankara le 15 Juillet où je commentais l'attentat à Nice en direct sur «Tzargrad». Personne ne se doutait que quelques heures plus tard débuterait le coup d'Etat.
Voilà ce qui s'est passé. Dans le cadre de ma visite en Turquie, j’ai rencontré des personnes haut placées, y compris le maire d'Ankara Melih Gökçek, qui a pu me confier son opinion sur la situation politique en Turquie à la veille du putsch. Lors de notre entretien Melih Gökçek, qui est très proche du président Erdogan, parlait d’un état parallèle en Turquie crée par la secte de Fethullah Gülen.
Cette secte est basée aux États-Unis, en Pennsylvanie, d'où elle dirige son réseau d’agents d'influence qui se répandent dans la société turque.
Melih Gökçek a avoué n’avoir pas compris tout de suite que, sous couvert de programmes humanitaires et de bienfaisance, se cachent des structures dirigées par la CIA.
Lors de cette conversation privée Melih Gökçek avait exprimé l’idée, qu’il a ensuite exprimé publiquement pendant le coup d'Etat, que c’est la secte de Fethullah Gülen qui a abattu l’avion russe et a tué son pilote. Car le but des États-Unis était de brouiller Ankara et Moscou au moment où nos pays étaient proches d’une collaboration. L'avion et la mort du pilote sont devenus le point de départ de cette intrigue géopolitique. Les Américains ont prévu que le boycott russe affaiblirait les positions d’Erdogan et qu’ils pourraient ensuite le remplacer par Ahmet Davutoglu. C'est pourquoi en Turquie se sont formées deux forces : d'un côté les kémalistes et les patriotes qui voulaient rétablir les relations avec la Russie - ils poussaient même Erdogan à présenter des excuses officielles. Et de l’autre, la secte de Gülen et les structures proaméricaines qui, au contraire, voulaient aggraver la situation.
À la fin de notre rencontre, deux heures avant la révolution, Melih Gökçek disait: «Nous avons sous-estimé la puissance de l'État parallèle crée par les américains et les partisans de Gülen. C’est notre faute. Mais désormais nous corrigerons notre action, la priorité c’est le nouveau rapprochement avec Moscou».
À l'aéroport d'Ankara, pendant que j'attendais le vol pour Moscou, j'ai entendu des coups de feu et des explosions. L'aéroport était cerné par les militaires. Les départs ont été annulés.
Nous avons été informés du coup d'Etat des militaires insurgés contre Erdogan. Mais pour moi il était clair que c’était le réseau d'agents qui occupaient les postes influents dans l'armée. C’était le réseau de Fethullah Gülen qui a mis en pratique le plan final de déstabilisation.
C'était la dernière chance de renverser Erdogan, qui, avec le soutien des kémalistes, a décidé de rompre avec Washington et se tourner vers la politique eurasienne, c'est-à-dire vers Moscou. Plusieurs politiques turcs m’ont même fait savoir que la Turquie examinait sérieusement la perspective de sortir de l'OTAN et de se rapprocher de Moscou pour les questions militaires. Le réseau d'agents américains avait pour seule issue le coup d’Etat, et les forces proaméricaines ont tenté de le réaliser.
Cette nuit-là était pleine d’incertitude. Mais vers le petit matin les forces patriotiques nationales de la Turquie ont réprimé la révolte. Et tout ce dont l’on discutait en chuchotant la veille, était prononcé ouvertement sur les tribunes publiques – non seulement par le maire d'Ankara ou le premier-ministre, mais aussi par Erdogan lui-même : le putsch a été fomenté par les mêmes forces qui ont abattu l'avion russe: l'État parallèle.
Mais maintenant, plus rien ne retient la Turquie de totalement rompre ses relations avec les instigateurs du renversement du pouvoir légitime par la force, sortir de l'OTAN et se rapprocher de la Russie réellement. L’avenir c’est l'Axe Moscou-Ankara, comme j’avais intitulé mon livre, publié en Turquie il y a dix ans. A l'époque j’ai pris les devants, mais maintenant l’Histoire a rendu possible cette idée stratégique.
Depuis des siècles la Russie et la Turquie s’empêchaient l'un et l'autre d’atteindre les buts souhaités. С’était la raison de nombreuses guerres. Si nous bâtissons une stratégie commune, nous réglerons ensemble tous nos problèmes, avec la paix et le partenariat stratégique. C'était la prophétie du grand philosophe russe, slavophile et conservateur Konstantin Leontiev.
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