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1979L’America-First de Trump pourrait s’énoncer America-Alone, certainement encore plus du point de vue psychologique que des points de vue géographique et politique, ou bien American-Zombie pour l’humeur et le niveau de la pensée. Le vote à l’Assemblée Générale des Nations-Unies sur la décision unilatérale des USA de reconnaître Jérusalem dans-son-entier comme capitale d’Israël a donné un résultat catastrophique (pour les USA), qui met une fois de plus en évidence l’isolement considérable des USA : 128 votes contre les USA, 9 pour, 35 abstentions. La conduite de la séquence (trois jours plus tôt, votre du Conseil de Sécurité d’une résolution condamnant les USA, bloquée par le veto des USA) a été catastrophique, montrant chez les principaux protagonistes, – le président Trump et l’ambassadrice Haley, – un même état d’esprit, une même impuissance de perception, un même hybris grotesque.
Devant le Conseil de Sécurité, Haley a notamment commenté que « le Conseil avait été témoin d’une insulte [faite aux États-Unis] qui ne sera pas oublié [par les États-Unis] ». Commentant ce commentaire très américaniste, Alexander Mercouris observe :
« Parler aussi brutalement des États membres du Conseil de sécurité de l'ONU – y compris des alliés des États-Unis tels que la Grande-Bretagne, la France, l’Italie, le Japon, l’Égypte et l’Ukraine [qui ont voté contre les USA à l’Assemblée], – comme s’ils avaient “insulté” les États-Unis et les menacer de “ne pas oublier” simplement parce qu'ils ont voté en faveur d'une résolution conforme à toutes les résolutions antérieures de l’Assemblée générale des Nations Unies et du Conseil de sécurité de l'ONU sur le sujet de Jérusalem était absurde et inutilement grossier et menaçant.
» Haley a ensuite conclu cette déclaration désastreuse en avertissant les États membres de l’ONU qu'elle dressait une liste de tous ceux qui avaient osé voter [contre les USA] à l'Assemblée générale et qu'elle en ferait rapport au président. À un moment donné au cours de la session d'aujourd'hui, elle a même semblé laisser entendre que les États-Unis pourraient envisager de se retirer complètement de l'ONU.
» Cette dernière sortie est bien entendu un simple bluff sans la moindre consistance... »
Auparavant dans le même texte, le même Mercouris avait développé l’observation de ce qu’il juge comme une conduite catastrophique de l’ambassadrice Haley dans la préparation du vote. La présentation semble faire porter l’essentiel de la responsabilité de l’épisode sur la seule Haley, dont on pourrait croire, à le lire, qu’elle n’a pas informé le président comme il aurait dû l’être.
Pourtant, la matière est d’une simplicité considérable et du plus grand écho puisque venue d’une décision sensationnelle du président (reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël), avec une grande publicité et une information en conséquence. On peut raisonnablement penser qu’il n’y avait pas la seule Haley, dans l’administration Trump et autour du président Trump, sinon Trump lui-même (rêvons un peu...), pour comprendre et deviner ce qui allait arriver, – et qui arriva effectivement.
« En bon français, une résolution de l'Assemblée générale dans le cadre de la procédure “Uniting for Peace”[, comme celle qui était votée,] est inapplicable sauf par le biais du Conseil de sécurité des Nations Unies ; elle est reconnue par le droit international comme telle et elle est donc essentiellement symbolique. Cela étant bien compris, l’attitude correcte de Nikki Haley était d'informer le président (1) qu’il était certain que l'Assemblée générale voterait pour la résolution ; (2) que le vote serait purement symbolique ; et (3) que les États-Unis ne devraient donc absolument pas s’inquiéter à ce sujet.
» Compte tenu de cette situation, la seule chose à envisager et à exécuter était de faire tout son possible pour réduire la pression de la communication avant la session de l'Assemblée générale aujourd'hui afin de minimiser l'importance du vote et de limiter les dégâts diplomatiques.
» Nikki Haley a plutôt fait le contraire.
» Au lieu de minimiser l'importance de ce qui se passait, elle a multiplié les injures et les menaces à l’intention autres États membres de l'ONU au Conseil de sécurité de l'ONU lundi et avant et pendant la session de l'Assemblée générale des Nations Unies [le 21 décembre]. »
On comprend bien le raisonnement, qui pourrait être jugé juste d’un point de vue formel, mais nous serions bien évidemment très fortement tentés de ne pas suivre ce seul cadre pour nous intéresser plutôt à l’esprit de la chose. Il est vrai que dès lundi, Haley avait pris l’initiative grossière et complètement déplacée d’“avertir” par des contacts divers les pays qui voteraient la résolution proposée, condamnant les USA, qu’ils seraient placés sur une sorte de “liste noire” et que les USA leur feraient payer ce vote. On ne peut que suivre le jugement de Mercouris sur le comportement disons “opérationnel” d’Haley, mais sur le fond des choses il ne faut pas trop chercher à se dissimuler l’évidence au nom d’un formalisme trop rigide et étroit...
Les USA ont toujours agi de la sorte. Ils ont toujours fait lourdement sentir qu’ils exerceraient des représailles contre les pays qui voteraient contre eux dans cette sorte de vote, et il y a toujours eu des effets du type représailles, dans l’un ou l’autre domaine. Haley s’est simplement conduite encore plus grossièrement, plus vulgaire, plus sonore, et cela d’une façon publique particulièrement médiocre et inculte, agitant cette menace absurde et puérile dans le chef de sa propre communication d’une “liste noire”. La cause en est qu’Haley est elle-même grossière, vulgaire et sonore, d’un esprit absolument médiocre dans sa très-grande inculture tant à propos des actes que des usages. L’on doit aussitôt ajouter là-dessus que Trump a été constamment informé et qu’il a complètement approuvé Haley, notamment sur cette idée d’une “liste noire” qui pourrait d’ailleurs venir de lui-même, ajoutant même que les USA pourraient interrompre l’aide financière qu’ils apportaient à certains des pays “listés”, que cela ferait une économie utile...
Dès mercredi, on ne se cachait pas pour parler, dans les divers réseaux de la communication à l’ONU et alentour, de la “lettre secrète” dont le contenu fut divulgué le jour suivant par Haaretz, cette lettre envoyée par Haley à tous les membres de l’Assemblée Générale des Nations-Unie. Il s’agit d’une méthode habituelle des mœurs mafieuses, où la menace et l'usage du chantage sont affichés dans les termes les plus crus, – c’est dire qu’il s’agit de mœurs mafieuses d’une Mafia de seconde zone, ou disons de banlieue sinon de bidonvilles, – une “mafia-zombie”, si vous voulez, pour situer le niveau de la diplomatie US, – bref le niveau du caniveau...
« L'ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU a averti les Etats membres que Donald Trump considérera chaque vote sur la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël comme “une affaire personnelle” et elle lui rendra compte des membres à l'Assemblée générale des Nations Unies ayant voté pour la résolution. [...] La veille de la session d'urgence, l’ambassadrice américaine Nikki Haley a envoyé une lettre informant les représentants des autres pays que tous ceux qui s'opposeraient à la position américaine seraient identifiés et que le président Donald Trump en serait informé. Haley a précisé que le président suivrait “soigneusement” le vote, selon le journal Haaretz.
» “Quand vous examinerez dans quel sens ira votre vote, je vous encourage à tenir compte du fait que le président et les Etats-Unis en feront une affaire personnelle” indique la lettre, selon le journal. “Le président suivra attentivement ce vote et il a demandé que je lui signale ceux qui auront voté contre nous”, a-t-elle ajouté. »
Bref encore une fois, l’épisode est si caractéristique, non pas de la seule Haley, non pas de la seule connexion Haley-Trump, non pas de la seule administration Trump dans son entièreté, mais bien du pouvoir de l’américanisme qui se déchaîne à “D.C.-la-folle”, et dans le sens d’une tradition de brigandage mafieuse qu’autrefois on prenait soin de dissimuler un peu. La médiocrité abyssale du personnel actuel de la direction de l’américanisme, l’hystérie qui lui sert de pensée, l’absolu désintérêt pour toute matière hors du périmètre de D.C. et des luttes interminables pour le pouvoir qui s’y déroulent, tout cela n’est pas le fait du seul Trump ou de la seule Haley pour la conduite catastrophique de la diplomatie dévastée des USA. L’élection de Trump, somme toute, n’est une surprise que dans l’ordre du conjoncturel, et pour mettre en évidence la faiblesse des défenses du Système contre cette sorte de conjoncture. Structurellement, par contre, Trump est, dans la dimension de l’absence complète de noblesse de son caractère, dans celle de la bassesse de ses vues, absolument représentatif de la direction de l’américanisme et de “D.C.-la-folle”.
L’épisode de l’ONU n’a rien pour surprendre, et ne nécessite aucun commentaire politique sortant du business as usual. Le véritable aspect important de l’incident, c’est le constat de l’absence complète de la part des dirigeants US de la perception de la nécessité d’un peu dissimuler le comportement odieux des USA derrière un léger vernis de respectabilité, de respect des lois internationales et de la souveraineté des autres. Plus personne, à Washington, n’est capable de concevoir cet exercice de la raison pratique et utilitaire dans les relations internationales, et les autres pays s’en apercoivent de plus en plus précisément (on aura remarqué dans l’extrait de l’article de Mercouris, que l’Ukraine elle-même, – “Kiev-la-folle”, – est pointée comme ayant voté contre la position US). Les American-Zombies de “D.C.-la-folle” puent psychologiquement et moralement et aucun d’entre eux n’a l’idée de se passer un coup de torchon savonneux ou d’utiliser quelque parfum pour dissimuler cet effondrement complet du comportement. Non seulement le bateau est ivre, mais il ne cesse de vomir ; le vrai Titanic avait plus d’allure dans l’exercice du naufrage.
Mis en ligne le 22 décembre 2017 à 16H56
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