Anatomie de l’hypothèse CIA en Iran

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Anatomie de l’hypothèse CIA en Iran

L’historien libertarien Michael S. Rozeff décrit dans un texte détaillé, s’appuyant notamment sur les déclarations du Procureur Général iranien Mohammad Jafar Montazeri le 4 janvier, la possibilité, ou plutôt la probabilité selon lui, de l’intervention de groupes subversifs du bloc-BAO dans les manifestations contre le régime en Iran. La CIA est mise en cause directement par Montazeri, d’une façon détaillée que Rozeff juge “extraordinaire”. Il est intéressant de s’intéresser à ce texte publié le 5 janvier 2018 sur le fameux “blog” libertarien de LewRockwell.com, que nous donnons ci-dessous, parce qu’il est précisément argumenté, soutenu par des faits connexes et révélateurs, et que les déclarations de Montazeri sont appréciées d’une façon rationnelle, disons comme “raisonnablement très crédibles”.

Le texte est d’autant plus intéressant que Rozeff a toutes les qualités et les connaissances pour intervenir sur ce sujet d’actualité et dans ce domaine. Il ne le fait en général pas dans la mesure où il est d’abord un historien et que les commentaires d’actualité qu’il publie tout de même concernent surtout la situation politico-culturelle actuelle des USA, dans cette crise intense qu’on lui connaît. (Plus précisément, même si Rozeff est un accusateur permanent du complexe de sécurité nationale des USA, dont la CIA bien sûr, il n’est absolument pas coutumier des détails un peu “complotistes” des “coups tordus” [“dirty tricks”] de la CIA.) Nous en déduisons que les éléments dont il dispose, dont certains n’apparaissent peut-être pas, sont très sérieux, très solides, renforçant par conséquent la crédibilité qui nous paraît très grande de ce texte.

Lorsque nous précisons à propos “des éléments dont il dispose” que “certains n’apparaissent peut-être pas”, nous pensons à des interventions de sources extérieures dont disposerait Rozeff, qui l’auraient averti dans le sens de la version qu’il développe, l’assurant du crédit de toutes ces précisions. L’on sait bien notre position qu’aujourd’hui où les petites mains de la communication ne cessent de parler de FakeNews sans rien savoir de la réelle problématique du problème, on doit tenir pour assuré le fait que toutes les informations nécessaires à la compréhension des affaires du monde sont disponibles en “sources ouvertes” (OSINT) ; que le classified qui justifie l’existence de monstres tels que la CIA est en vérité lui-même le producteur ou l’inspirateur essentiel des FakeNews ; que le véritable problème est de déterminer la qualité et l’importance des informations-OSINT relativement au contexte, aux causes et aux effets. Nous pensons que Rozeff dispose pour son texte de garanties sérieuses à cet égard...

dde.org

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L’Iran accuse la CIA en détails

Le Procureur Général iranien a accusé la CIA d'être à l'origine des troubles récents en Iran. Le détail des accusations est extraordinaire. La crédibilité de ses déclarations doit être évaluée et cela nécessite de citer en préliminaire un arrière-plan et un contexte, ci-après.

La théorie selon laquelle les États-Unis ont orchestré ou provoqué ou détourné les manifestations en Iran est compatible avec un certain nombre de faits importants. Ces manifestations profitent au gouvernement américain, s'inscrivant dans l’attitude anti-iranienne connue et les politiques de Trump, de McMaster et d'autres. Nous savons que Pompeo, le chef de la CIA, est agressivement anti-iranien. Même des manifestations ratées ont des avantages importants pour les États-Unis. Elles placent l’Iran sur la défensive. Elles fournissent une couverture aux États-Unis pour introduire de nouvelles sanctions. Elles justifient implicitement la démarche de tenter de saboter l'accord nucléaire. Elles justifient beaucoup, beaucoup de montages de critiques nouvelles contre l’Iran et le Hezbollah. Elles fournissent une couverture pour des assassinats en Iran.

Toute cette activité anti-Iran concertée est clairement conforme aux désirs de Washington et à son avantage. A cette lumière, les tweets de Trump se transforment “en actions” concernant l’Iran. C'est ce que montre le plan conjoint américano-israélien issu d'une réunion de haut niveau tenue le 12 décembre 2017. Les 4 objectifs du plan sont cohérents avec les manifestations ultérieures que nous avons observées. Même si les manifestations ne sont pas liées à cette planification, les 4 mesures sont suffisamment importantes pour être citées dans leur intégralité car elles montrent la profondeur de l'activité anti-iranienne générée à Washington :

“1. Une action secrète et diplomatique pour bloquer la voie d’accès de l’Iran aux nucléaires. Selon le responsable américain cité, ce groupe de travail traitera des mesures diplomatiques qui peuvent être prises dans le cadre de l’accord nucléaire iranien pour surveiller et vérifier que l'Iran ne viole pas l’accord. Il comprend également des mesures diplomatiques en dehors de l’accord nucléaire pour renforcer la pression sur l’Iran. Le groupe de travail traitera des éventuelles mesures secrètes contre le programme nucléaire iranien.

2. Contrer l'activité iranienne dans la région, en particulier l’effort militaire iranien en Syrie et le soutien iranien au Hezbollah et à d'autres groupes terroristes. Ce groupe de travail s’occupera également de mettre au point la politique américano-israélienne concernant la situation du “lendemain de la guerre civile syrienne”.

3. Contrer le développement des missiles balistiques iraniens et le programme iranien visant à fabriquer des missiles guidés de précision en Syrie et au Liban pour les fournir au Hezbollah qui les utiliserait contre Israël dans une guerre future.

4. Préparation conjointe des États-Unis et d'Israël pour différents scénarios d'escalade dans la région concernant l'Iran, la Syrie, le Hezbollah au Liban et le Hamas à Gaza.”

L'administration Obama a retiré le MEK de sa liste de terroristes en 2012. (L'Organisation des Moudjahidin du peuple d'Iran ou le Mojahedin-e Khalq [Sāzmān-e mojāhedin-e khalq-e irān, en abréviations MEK, OMPI ou OMK] est “une organisation militante iranienne en exil qui prône le renversement violent du régime actuel en Iran, tout en prétendant être le gouvernement remplaçant en exil”.) Le gouvernement américain a soutenu matériellement le MEK, y compris “en autorisant un entraînement intensif ... de membres du MEK sur le sol US”. Le MEK est accusé de nombreux assassinats en Iran. Les membres du MEK sont de très probables candidats au détournement de manifestations par ailleurs pacifiques, se trouvant sur place et ayant déjà des liens opérationnels avec le gouvernement des États-Unis.

Maintenant, revenons aux accusations du procureur public iranien Mohammad Jafar Montazeri. Il dit que trois États sont impliqués dans le complot contre l'Iran : Israël, les États-Unis et l'Arabie Saoudite. Cette accusation est conforme à leurs politiques connues.

“Montazeri a déclaré que le principal exécutant du plan était un Américain, Michael Andrea, un [officier] de la CIA anciennement chargé de la lutte contre le terrorisme, qui a formé le groupe pour créer des troubles en République islamique d'Iran.” Wikipédia nous dit que “Michael D’Andrea est un officier de la Central Intelligence Agency, récemment nommé à la tête du Centre de Mission de l’Agence en Iran.” En outre, “Il était un opérateur majeur dans la recherche d'Oussama ben Laden, ainsi que dans la campagne d’assassinats par frappe effectuées à partir de drones.” Il est connu pour être “hargneux”, super-faucon, agressif. Sa nomination, en juin dernier, à la tête des forces clandestines anti-iraniennes a constitué un signal clair que Trump commençait sa propre guerre contre l’Iran. D’Andrea recevait le feu vert pour agir.

Montazeri a déclaré que le complot est né il y a 4 ans et a été surnommée “Doctrine Convergence-Consensus (Consensus Convergence Doctrine). Pour moi, cela est une formulation convaincante du genre de dialectique bureaucratique imitée du latin, typique de la bureaucratie washingtonienne.

Il a déclaré que cette équipe a élaboré “divers scénarios tels que la protestation contre le coût élevé de la vie, les salaires et les retraites insuffisants”. D’autres précisions données par Montazeri : “D’autres groupes illégaux tels que le MKO, des groupes soutenant le régime monarchique déchu, des nationalistes et divers groupes affiliés aux communistes étaient représentés dans ce complot.”

“Ils avaient envisagé deux modèles, la Tunisie et la Libye, et ils ont finalement choisi le second qui devait créer des vagues d’agitation évoluant du pourtour vers le centre, a ajouté Montazeri.

“Ils avaient préparé deux salles de direction des opérations, à Erbil en Irak et à Heart en Afghanistann pour rediriger les groupes de Daech de Takfiri vers ces affrontements, a-t-il dit.”

Nous n'avons aucun moyen à ce point de vérifier l'exactitude de ces déclarations de Montazeri. Pour moi, elles semblent cohérentes entre elles et plausibles pour ce qui concerne le modus operandi d’une telle opération. (Ces déclarations sont sans doute une traduction, ce qui peut laisser passer quelques nuances ou approximations.)

Si l’on confronte les accusations de Montazeri avec l’attitude de Trump envers l’Iran, la nomination d’Andrea, le plan conjoint américano-israélien, les avantages pour Washington même si le soulèvement est manqué, et la musique de communication instantanée de Washington en soutien des manifestations, elles me semblent tout à fait crédibles. Le plan ressemble à quelque chose qui aurait pu avoir une gestation de 4 ans, qui a reçu de Trump le feu vert qu'il n'avait pas obtenu sous Obama.

Fournir ce niveau de détail est un moyen pour l'Iran de faire savoir à la CIA qu’il sait ce qui se passe et qu’il n’en est nullement effrayé. C’est aussi un moyen de renforcer la crédibilité du scénario du gouvernement iranien selon lequel les ennemis de la révolution fomentaient les manifestations dans leur détournement vers une dimension de violence provocatrice.

Michael S. Rozeff