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4982Partant du cas récent de la tuerie de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, James Howard Kunstler évoque dans son dernier commentaire du 18 mars 2019la situation de haine qui règne aujourd’hui aux USA ; et il met en évidence les responsabilités de la gauche sociétale-progressiste (activiste et “marxiste culturelle”) dans cette intensité de la tension qui s’est installée par la puissance que ce courant développe à affirmer, voire à hurler sa cause dans le système de la communication agissant directement sur la psychologie collective. Kunstler cite un discours de Trump récent, – c’est un thème nouveau que le président aborde désormais, – concernant la retenue actuelle des groupes qui le soutiennent, mais leur éventuelle dureté si la tension les conduisait finalement à sortir de leur réserve.
Kunstler décrit effectivement une population surarmée, notamment celle où se recrutent les électeurs de Trump, celle des milices locales et des vétérans des guerres diverses, celle où l’on peut trouver des Brent Tarrant (l’auteur de la tuerie néo-zélandaise) qui finiraient par agir par exaspération : « Le pays est plein d’hommes avec un énorme potentiel de violence, – et plus particulièrement d'hommes avec une formation militaire et paramilitaire pour tuer et faire la guerre, mais qui ont jusqu'ici à peine exprimé en action leur mécontentement des tactiques de leurs adversaires sur la gauche. »
La différence entre Tarrant et les miliciens de l’Arizona ou de l’Iowa, on la trouve dans la perception même de l’acte avant qu’il n’ait lieu. Autant Christchurch apparaît comme un acte isolé dans pays (la Nouvelle-Zélande) en général assez calme de ce point de vue, et donc acte assez illogique par rapport à la situation de ce pays ; autant un acte semblable aux USA s’inscrirait dans une logique d’enchaînement des antagonismes nourris par la haine, donc un acte logique de guerre civile devant entraîner à son tour d’autres violences du même type. Il faut surtout noter que c’est Trump lui-même qui trace le cadre de cette possibilité insurrectionnelle (ou contre-insurrectionnelle, selon le point de vue qu’on adopte) dans le discours que cite Kunstler, où l’on passe dans la perception au stade de la probabilité insurrectionnelleet où, par conséquent, c’est la perspective même d’une guerre civile qui est envisagée par le président.
Ce discours n’a pas eu assez d’écho, parce qu’on a l’habitude désormais des déclarations extravagantes ou excessives de Trump. Il n’empêche qu’à lire et relire le passage cité par Kunstler, on finit par réaliser que Trump n’a jamais parlé aussi sérieusement quoiqu’il en veuille lui-même, malgré « sa syntaxe désastreuse ainsi que son habitude de se placer au centre de chacune de ses interventions ».
Le passage vaut d’être cité et médité parce qu’il implique d’abord les forces armées officielles en suggérant par une évocation des “Motards de Trump” la véritable dimension de ce qu’il implique. Il s’agit effectivement d’une perspective de guerre civile où toutes les forces seraient engagées, c’est-à-dire à côté des “forces de l’ordre” les formations paramilitaires qui pullulent aux États-Unis et qui sont effectivement du côté de Trump ; et elles le sont moins par fidélité à Trump que par opposition à l’activisme progressiste-sociétal, par choix politique dans une situation où la psychologie distingue de plus en plus les facteurs d’une situation de guerre civile. (Trump restant ainsi fidèle, là aussi quoiqu’il en veuille et même sans nécessairement en avoir conscience, à son rôle de “cocktail-Molotov humain”, mais cette fois destiné à un autre destin, bien plus vaste qu’initialement.)
Le passage cité par Kunstler : « Vous savez, la gauche joue très violemment un jeu très risqué. Cela les amuse. En fait, je pense que les gens à droite sont plus durs, mais ils ne se la jouent pas, O.K. ? Je peux vous dire que j'ai l'appui de la police, l'appui des militaires, l’appui des “Motards pour Trump”. J'ai avec moi des gens très durs, mais ils ne se la jouent pas, – jusqu’à ce qu’on en arrive à un certain point de rupture, et alors cela deviendra très mauvais, très mauvais. »
Par ailleurs, on notera que, par un autre biais et selon au contraire une attitude radicalement anti-Trump, on en revient à ce qui avait déjà été noté à propos du témoignage de l’“avocat marron glacé” de Trump, Michael Cohen. Son avis a été repris et développé par un ami de longue date de Cohen, un dirigeant d’une entreprise publicitaire de New York, Donny Deutsch. Il parlait le 6 mars 2019 lors de l’émission HardBallde MSNBC :
« Le dernier avertissement de Michael Cohen, dans son témoignage, et j’y ai pensé et je l’ai déjà dit, c’est qu’avec Donald Trump nous n’aurons pas une transition pacifique. Je crois que s'il était destitué, s'il était distancé lors des élections, et même s’il était réélu, je crois qu’il dirait à ses partisans de descendre dans la rue. Je sais que cela semble extrême mais c’est comme ça qu’il est.
» Il y a 30% du pays qu’il croit lui être acquis, et effectivement il en a 30% dans sa poche. Les choses normales que nous voyons en général, la transition pacifique, tout cela... Je crois que le président Trump n'est pas loin d'être prêt à déclencher une guerre civile pour rester en fonction.
» Chris, je connais cet homme depuis 20 ans. Si vous regardez chacune de ses prestations, vous saurez parfaitement ce qu'il va faire. Je pense que nous nous dirigeons vers une période très difficile de l'histoire américaine. Je suis triste de le dire. »
Les deux approches sont radicalement différentes mais leur conclusion est la même, et c’est bien cela qui est à la fois remarquable et effrayant, – l’inéluctabilité de la guerre civile... Et dans chacun des cas, “il y a à boire et à manger”. Il est vrai que Trump, avec tous ses monstrueux défauts et faiblesses de caractère et de psychologie, désigne une cible essentielle et justifiée lorsqu’il dénonce la corruption de Washington D.C., même si les causes de sa démarche sont hautement critiquables et s’il est lui-même l’illustration bombastique de cette cible. Il est vrai que “les filles du Congrès”, illustration et productrices pour certaines d’entre elles des incroyables folies de l’activisme ultragauchiste, disent par ailleurs des vérités-de-situation lorsqu’elles dénoncent les inégalités monstrueuses engendrées pat le capitalisme, l’influence du lobby sioniste, les guerres extérieures de l’hégémonisme de la politiqueSystème-Système.
Chaque côté a donc sa narrative, mais de chaque côté la construction simulacre contient des éléments de vérité-de-situation qui lui donne une réelle solidité. L’ensemble est lié par une haine d’une extraordinaire puissance, qui fait comprendre l’irréconciabilité de la mésentente, par conséquent la fatalité de l’affrontement. Par les quelques mots que Kunstler a mis en évidence, le président des États-Unis, pour une fois dans la solennité de sa fonction pour cette caricature de président, a officialisé cette possibilité de guerre civile, transmutant ainsi son statut en probabilité.
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L'auto-vidéo réalisée par le tireur néo-zélandais Brent Tarrant montre une fois de plus au monde à quel point un acte d'homicide de masse peut être choquant et banal. Il a parcouru les différentes salles de deux mosquées de la banlieue de Christchurch, exterminant les fidèles désarmés et impuissants comme s'il s'agissait de simples points à accumuler dans un jeu vidéo. Ils n'avaient ni existences, ni passés pour lui. Ce n'étaient que des cibles. Et quand ils gémissaient ou bougeaient, il leur tirait dessus à nouveau pour s'assurer qu’ils n’étaient plus dans le jeu. Le tireur a été arrêté et est toujours en garde à vue.
Il s'est acquitté de sa tâche avec exactement le genre d'efficacité paramilitaire qui est si admirablement représentée dans les films Mission Impossible ou Fast and Furious où l’on fait le business, sans aucun sentiment. Le manifeste qu'il a laissé sur Internet nous dit son mobile clair et détaillé pour ce qu'il n'a pas hésité à qualifier d’“attaque terroriste”. Il était particulièrement intéressé à provoquer un nouveau débat sur le Deuxième Amendement de la Constitution aux États-Unis, dans l'espoir de provoquer une guerre civile qui diviserait la nation en régions en guerre divisées par race. Il se dit “éco-nationaliste” parce qu'il considère la surpopulation comme la principale menace pour la planète et que les non-Européens sont les plus féconds et donc responsables de ce problème. Il sera jugé et il dit qu’il a l’intention de plaider innocent. Vous feriez mieux de le prendre au sérieux.
Au moins la moitié de la classe politique américaine ne prend pas la question de l'immigration au sérieux, sauf comme un stratagème pour ce qu'elle pense être un avantage politique. La gauche fait tout ce qui est en son pouvoir pour brouiller la question et la mélanger avec des litiges à tous les niveaux, de celui de l’application de la loi locale à celui du Congrès, en poursuivant l’effort entrepris de longue date pour mélanger les définitions de l’immigration légale et de l’immigration illégale. La droite “conservatrice” n'ose pas s’opposer à cet effort, de peur de perdre des voix hispaniques. C'est donc à la figure maladroite et incendiaire de M. Trump d'exiger des éclaircissements sur ce que sera la politique officielle, y compris l’application des lois existantes, et il a été critiqué pour cela tout au long du processus. Ce n'est pas un bâtisseur de consensus, c'est le moins qu’on puisse dire.
La semaine dernière, dans un discours qui coïncidait avec le massacre de la mosquée néo-zélandaise, M. Trump a déclaré ce qui suit :
« Vous savez, la gauche joue très violemment un jeu très risqué. Cela les amuse. En fait, je pense que les gens à droite sont plus durs, mais ils ne se la jouent pas, O.K. ? Je peux vous dire que j'ai l'appui de la police, l'appui des militaires, l’appui des “Motards pour Trump”. J'ai avec moi des gens très durs, mais ils ne se la jouent pas, – jusqu’à ce qu’on en arrive à un certain point de rupture, et alors cela deviendra très mauvais, très mauvais. »
Comme d'habitude, sa syntaxe est désastreuse ainsi que son habitude de se placer au centre de chacune de ses interventions. Mais, comme d'habitude encore avec Trump, et à cause de sa langue brutale, il met à nu des sujets qui devraient être extrêmement troublants pour tous les Américains : que le pays est plein d’hommes avec un énorme potentiel de violence, – et plus particulièrement d'hommes avec une formation militaire et paramilitaire pour tuer et faire la guerre, mais qui ont jusqu’ici à peine exprimé en action leur mécontentement des tactiques de leurs adversaires sur la gauche. Cette boîte de Pandore de la calamité inclut la récente campagne de la gauche pour dénigrer les hommes comme étant toxiques et sans valeur, en particulier les hommes blancs portant inscrit sur leur front la lettre écarlate “P” pour “Privilège”.
La gauche aurait intérêt à rester sobre et à se joindre à un débat de bonne foi intelligible sur la politique d'immigration américaine et l'application des lois existantes, sans quoi elle aboutira exactement à ce que Brent Tarrant a exposé et à ce à quoi M. Trump a maladroitement fait allusion. Au lieu de cela, bien sûr, il est plus que probable que nous entamerons une nouvelle campagne sur la limitation des armes à feu. On dispose de quelques faits précis à ce sujet. Il y a déjà assez d'armes à feu de toutes sortes dans ce pays pour déclencher une guerre civile, et il faut savoir qu’elles ne seront pas rendues par leurs propriétaires. Les équipements sont d’ores et déjà disponibles, même si la vente d'armes de type militaire venait à être interdite. Toute tentative de les confisquer à des personnes qui les possèdent déjà ne fera que provoquer un antagonisme plus ouvert entre les deux pôles de la politique américaine, et cela conduira probablement exactement au type de violence que les observateurs raisonnables voient se dessiner à l’horizon.
Notre culture commune américaine massacrée et son expression dans le consensus politique devrait commencer par le fondement du contrat social : l'accord de ne pas s’entretuer. C’est du moins le principe qui devrait être considéré comme allant de soi, sans qu’il soit nécessaire de recourir à l'équivoque par le biais d'arguments sur le “diversité”. La gauche joue avec le feu avec son approche malhonnête et de mauvaise foi pour débattre de la question de l’immigration, et le débat sur les armes à feu ne fera qu'en détourner l'attention.
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