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204321 mars 2017 – La rencontre entre l’Allemande Merkel et le président des USA à Washington D.C. ce week-end a été haute en couleur, avec des épisodes et des incidents pour alimenter la chronique exotique accompagnant le nouveau président des USA dont le comportement tranche de façon si radicale avec celui de son prédécesseur et celui des dirigeants-Système modèle-standard qu’on connaît, et avec la morne platitude des enthousiasmes de circonstance caractérisant les rencontres-Systèmes de ces mêmes dirigeants. On connaît déjà les “épisodes et incidents” de ces deux jours d’entretiens, qui en disent long...
(Un à-côté exotique qui en dit long, justement... L’on connaît un peu moins l’épisode Ivanka-Merkel de la rencontre : l’étonnante chaleur qu’a montrée Merkel, assise lors d’une réunion avec Trump et des délégations d’hommes d’affaire à côté d’Ivanka Trump, l’influente et ravissante fille année du président, dont le charme et le sourire semblèrent conquérir l’austère Allemande ; comme si Merkel, affolée par cette étrange bestiole [The-Donald] se raccrochait comme à une bouée de sauvetage au charme de sa fille ainée et influente, pour se convaincre tout de même qu’elle ne se trouvait pas isolée et perdue sur une planète étrangère et hostile, sorte de TrumpLand... La référence ici se trouve dans le body language, voire le smiling language entre les deux femmes, donc dans les photos qui les représentent et montrent surtout les surprenantes mimiques de Merkel, et certainement pas le détail de leur dialogue. [Pourtant, on pourrait imaginer le dialogue de la photo où Merkel, de face, fait une curieuse mimique tandis qu’Ivanka, de profil, éclate d’un rire rafraîchissant, – Merkel : “Votre papa, il est toujours comme ça ?” ; Ivanka : “C’est vrai que dad est un peu spécial, mais rassurez-vous, on s’y fait et c’est un brave homme...”)
Il apparaît assez évident, – une fois que vous avez écarté les détritus-en-guise-de-commentaires de la presseSystème, – qu’il y eu de sérieuses mésententes, voire une incompréhension, voire une incommunicabilité (malgré Ivanka), entre Trump et Merkel. On ne parle pas de la poignée de mains qui n’a pas eu lieu et qui aurait dû avoir lieu, et selon des interprétations contradictoires, mais bien du climat général... Par contre, au rayon des anecdotes et parce que celle-là est significative, il faut parler de la plaisanterie que Trump a lancé lors d’une conférence de presse commune à l’adresse de la chancelière, qui reflète aussi bien le climat général que le caractère extraordinaire de certaines situations : “En ce qui concerne les écoutes téléphoniques probables de l’administration précédente, au moins on peut dire que nous avons peut-être [Merkel et moi] quelque chose en commun”.
La plaisanterie, – c’est pourtant asse drôle, isn’t it ? – n’a pas été du goût de Merkel parce que la chose joue un peu trop au jeu du “roi est nu”, et qu’elle marque l’extraordinaire singularité de la situation : si le président des États-Unis a été (est ?) “écouté” comme elle l’a été (l’est ?) elle-même, s’il l’affirme en public presque en en riant et sans en montrer la preuve d’ailleurs (les preuves ne lui importent pas), comme s’il était normal de considérer que des services (la NSA en l'occurrence) peuvent ainsi en prendre à leur aise, n’est-ce pas un signe du désordre extraordinaire qui règne au sein du bloc-BAO puisqu'il règne à Washington D.C. même, – ceci allant avec cela ? En un sens, on doit comprendre que Merkel accepte finalement d’être écoutée par son “très-grand frère” si c’est sur les ordres de l’“homme le plus puissant du monde” lui-même, surtout lorsqu’il a la binette transpirant la loyauté et la chaleureuse estime d’un Obama ; mais si le président lui-même semble se soucier comme d’une guigne de savoir qui a fait quoi et qui fait quoi dans ce domaine des écoutes parmi ses divers services, “Où va-t-on ?” s’interroge Frau Menkel qui, manifestement, aime que les choses soient rangées en bon ordre... L'Allemagne a horreur d'être placée devant la vérité de la Bête incontrôlable (le Système), alors que Trump semblerat plutôt d'humeur à jouer avec.
Alexander Mercouris fait une longue analyse de la rencontre, pour en tirer un commentaire désabusé et pessimiste. Ce qu’il note surtout, et c’est bien vu, c’est la différence dans la forme du discours, la façon dont Trump a de parler en businessman, c’est-à-dire avec l’idée que “les affaires sont les affaires”, ce qui exclut en fait l’aspect presque sentimental, sinon romantique, de la solidarité-Système. Ainsi note-t-il, Mercouris, qu’à un moment Trump dit “notre compagnie” alors qu’il veut dire “notre pays”, et ce lapsus linguae très révélateur même s’il suit une affirmation à peine rassurante (“Je ne suis pas un isolationniste...”) :
« But I’m not an isolationist. I’m a free trader, but I’m also a fair trader. And free trade has led to a lot of bad things happening... you look at the deficits that we have and you look at all of the accumulation of debt. We’re a very powerful company... country. We’re a very strong, very strong country. We’ll soon be at a level that we perhaps have never been before. »
Ainsi va l’essentiel du commentaire d’Alexander Mercouris, ce 19 mars. Dans cette époque totalement désincarnée, où les forces réellement efficaces sont anonymes, dissimulées, sinon suprahumaines, il est remarquable de constater combien les dirigeants-Système ont besoin de se rassurer les uns les autres, par une proximité de langage et de pensée, fussent-ils le langage du vide et la pensée du rien. Peut-être les images de la rencontre impromptue et anecdotique entre Merkel et Ivanka est-elle encore plus significative que l’on pourrait croire.
« This is language the like of which Merkel has never heard before and which neither of the two previous US Presidents she has previously dealt with – George W. Bush and Barack Obama – would ever have used. Merkel, whose entire career has been in politics and who has no business background, is peculiarly ill-equipped to deal with this sort of essentially mercantilist thinking, something which incidentally is also true of the rest of her cabinet.
» Something else which will have added to Merkel’s concerns will be the gross insensitivity and lack of deference Trump showed to her. Not only did Trump repeatedly cut in and answer questions before her, but he even made a joke targeting her former friend Obama at her expense when he drew a parallel between the NSA’s surveillance of her mobile phone with his claim that the Obama administration was listening in to his phone conversations
» “As far as wiretapping, I guess, by this past administration, at least we have something in common perhaps.” (Laughter.)
» Merkel’s irritation and embarrassment at this quip was all too obvious to those attending the news conference. A more sensitive person than Donald Trump would have anticipated it. He either didn’t do so, or he did but didn’t care. In either case he showed no interest in accommodating the feelings of his guest. Overall the general impression left from Merkel’s visit is of a strained and unhappy relationship. »
Le site WSWS.org nous donne une image encore plus précise, encore plus catastrophique que celle qu’en donne Mercouris. Le site de la IVème Internationale trotskyste, réputé pour la clarté et l’ampleur de ses analyses économiques en général très pessimistes comme il convient à cette époque, place la rencontre dans un cadre d’une considérable montée des tensions à cause de la mise en cause par les USA de la politique globaliste. L’analogie faite par WSWS.org renvoie implicitement aux années 1930, comme on les a souvent évoquées ces dernières années ; mais, brusquement, l’affrontement décrit par cette analogie comme étant celui du bloc-BAO contre la Russie est remplacé avec une brutalité inouïe par un affrontement central entre les USA et l’Allemagne, avec des références aux deux guerres mondiales, et l’Allemagne représentant bien entendu le reste du bloc-BAO, éventuellement soutenu par la Chine, face aux USA de Trump. Peut-être est-ce la raison qui explique qu’Angela Merkel serait brusquement plus ouverte à un rapprochement avec Moscou...
(On voit que WSWS.org est résolument pour l’interprétation d’un Trump refusant de serrer la main de Trump, au contraire de Mercouris qui n’en fait pas un drame et évoque simplement le caractère du président qui n’aime pas se prêter à ce jeu devant les caméras des divers réseau FakeNews selon ce qu’il en pense...)
« Alors que les tensions entre l’Allemagne et les États-Unis atteignent leur plus haut niveau depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la première rencontre entre le président Donald Trump et la chancelière allemande Angela Merkel a eu lieu vendredi dernier à Washington. L’ambiance était tendue et glaciale. Lors d’une séance de photos conjointe dans le bureau ovale, Trump n’a guère porté attention à Merkel et a refusé la poignée de main habituelle demandée par les photographes. [...]
» Le conflit entre les deux pays, qui se sont opposés lors des deux guerres mondiales pendant la première moitié du XXᵉ siècle, a émergé le plus vivement au sujet de la question de la politique commerciale. Trump se plaignait du comportement passé des alliés des États-Unis qui auraient souvent été “déloyaux”, et il a insisté sur la nécessité d’une “politique commerciale équitable.” Ce que Trump entend par là est clair. Il a menacé l’Allemagne d’une guerre commerciale lors de l’entretien qu’il avait donné peu avant son entrée en fonction, en particulier son avertissement de vouloir imposer des droits de douanes allant jusqu’à 35 pour cent contre l’importation des automobiles allemandes. Prétendant que le comportement de l’Allemagne envers les États-Unis serait “très déloyal”, il a dit qu’il ferait en sorte que cela se termine.
» La semaine dernière, le conseiller économique de Trump, Peter Navarro, a encore une fois pointé l’excédent commercial allemand comme étant une “affaire grave” et l’a désigné comme “l’un des problèmes les plus difficiles” pour la politique commerciale américaine. Les États-Unis préparent actuellement une “taxe d’ajustement aux frontières” qui diminuerait considérablement les taxes sur les exportations américaines et constituerait une lourde charge pour les importations allemandes et européennes. »
Dans son texte, WSWS.org analyse également la position allemande hors des entretiens Merkel-Trump et signale une mobilisation impressionnante des autorités allemandes pour engager une guerre économique avec les USA. L’enjeu est énorme pour l’Allemagne, qui vit sur la rente de ses exportations, dont une part non négligeable affecte les USA : autour d'un cinquième (54 €milliards des 260 €milliards de l’excédent commercial de l’Allemagne en 2015 concerne les exportations aux USA).
« La délégation de Merkel [à Washington] comprenait les principaux représentants de l’économie allemande, qui ont été chargés de convaincre Trump de l’importance du libre-échange. Mais pendant que le gouvernement allemand tente de désamorcer les tensions avec les États-Unis, [l’Allemagne] est en train de préparer en même temps des mesures de rétorsion qui ne sont pas pour autant moins agressives. Le vice-président de la faction parlementaire du Parti social-démocrate (SPD), Carsten Schneider, a menacé des contrôles de capitaux. “En fin de compte, l’Allemagne finance une grande partie du déficit commercial américain avec ses exportations de capitaux”, a déclaré Schneider. “Si Trump ne s’infléchit pas, nous devons être prêts à agir.”
» Dans un entretien accordé vendredi matin à la station de radio allemande Deutschlandfunk, la ministre allemande de l’économie Brigitte Zypries (SPD) a dit : “L’autre possibilité est simple. Nous allons porter plainte contre lui devant l’Organisation mondiale du commerce. Elle fixe des procédures. À l’OMC, il est clairement spécifié dans les accords que vous êtes autorisés à imposer un maximum de 2,5 pour cent de taxes sur l’importation de voitures... Ce ne serait pas la première fois que M. Trump échouerait devant les tribunaux”, a ajouté de manière provocatrice la politicienne SPD. »
Merkel a encadré son voyage à Washington de coups de téléphone au président chinois Xi, car l’entente entre les deux grands exportateurs mondiaux est complète face au monstre Trump. Cela n’a pas empêché une autre grosse pièce de la tragi-comédie du week-end, le drame du G20 à Baden-Baden ; là aussi, il est question de protectionnisme, et les USA sont les trouble-fêtes qui ont stupéfié le reste des puissances économiques du monde en tenant mordicus contre toute déclaration condamnant le protectionnisme. Là aussi flottait le souvenir des années 1930, et plus encore si l’on replace la réunion de Baden dans la perspective du discours du 15 mars qu’a fait Trump, avec cette réminiscence de la puissance industrielle des USA durant la Deuxième Guerre mondiale... (PhG, dans son journal-dde.crisis : « Aujourd’hui, c’est-à-dire hier 18 mars sur ZeroHedge.com, on peut lire cette nouvelle terrible venue du G-20, l’un de ces ‘G’ comme ‘Globalisme’ : “Trump gagne : le G-20 abandonne la réaffirmation de l’engagement anti-protectionniste, libre-échangiste, & financement contre le crise climatique” (“Trump Wins: G-20 Drops Anti-Protectionist, Free-Trade, & Climate-Change Funding' Commitment”)... Lisez cela comme on décrypte un symbole plutôt qu’en analyser tous les termes où il y a à boire et à manger (la position du bordel-Trump vis-à-vis de la crise climatique mérite une sacrée discussion). ... Voyez aussi le grand cas que Virgil fait, dans Breitbart.News, du discours de Trump le 15 mars, sur le site de l’ancienne usine Ford de Willow Run, à Ypsilanti Township, dans le Michigan, où la Ford Company se lança dans la production de la guerre aérienne et produisit de juin 1941 à juillet 1945 neuf mille bombardier Consolidated B-24 Liberator. »)
... Tout cela conduisant WSWS.org à conclure son article sur le G20 par ce rappel impressionnant, effectivement très dans le style des années 1930 puisque l’événement évoqué ouvre la décennie de la Grande Dépression et de la Deuxième Guerre mondiale : « En juin 1930, le Congrès américain adopta la loi Smoot-Hawley, qui imposa des hausses importantes des tarifs douaniers. Au cours des décennies qui ont suivi, cette loi a été presque universellement reconnue comme ayant largement contribué à la spirale descendante du commerce mondial au début des années 1930, exacerbant les effets de la Grande Dépression et contribuant à la montée des blocs commerciaux et monétaires qui jouèrent un rôle majeur. »
Commençons, – ou poursuivons, par un détail : l’homme du nyet au G20, l’homme du protectionnisme versus le globalisme des dix-neuf autres ministres des Finances, dont les Germano-Chinois, et aussi l’homme qui a appuyé Trump contre Merkel à Washington, respectivement Steven Mnuchin (Trésor) et Peter Navarro (conseiller économique du président), sont deux hommes de Wall Street (Mnuchin a été chez Goldman-Sachs). Leurs nominations avaient été saluées comme une victoire des globalistes, ou éventuellement du Deep State, contre les sornettes “America-First” de Trump, c’est-à-dire une récupération du pouvoir économique et financier confié aux mains impies du The-Donald.
On voit où nous en sommes : les globalistes US sérieux restent US avant tout, avec le sens des affaires, et sachant que Trump l’a aussi, et dans le même sens... Cela nous conduit à une situation inédite, et à quelle vitesse ! C’est pourquoi nous parlons de Merkel dans le sens de notre titre, comme d’un révélateur : “The-Donald est nu”, comme “le roi est nu”, car nous savons désormais de quel bois il se chauffe. Les USA viennent de proclamer la fin de l’ère globaliste et le retour des “valeurs“ protectionnistes... Comme en 1930 ? Peut-être, quoique la thèse du protectionnisme US comme accélérateur de la Grande Dépression ne fasse pas l’unanimité chez les économistes, pour lesquels cet événement colossal reste un mystère à moitié élucidé, – parce que, à notre sens, le fond de la Grande Dépression n’est pas d’essence économique. De même pour le tournant de ce week-end, parce que le colossal affrontement entre les globalistes et les “souverainistes économiques” (plutôt que les “nationalistes économiques”, expression trop étroite à notre sens) est bien plus qu’une chose économique (commerciale).
Il est clair que cette orientation va dans le sens d’une dynamique de réactivation du principe de souveraineté. Que Trump prenne l’affaire par le côté le plus sordide de la comptabilité commerciale nous laisse particulièrement froid, et même un tantinet ironique puisqu’il pourrait bien parvenir à rameuter Wall Street dans cette affaire. Le Système avec son bras “armé” de la communication postmoderne (entertainment, Silicon Valley, business sociétaux, parti démocrate multiculturel et multicolore), s’oppose plus que jamais à Trump. James Rubin, qui est dans le business humanitaire, ancien adjoint d’Albright au département d’État, mari de la furie-CNN Christiane Armanpour, nous annonce qu’aujourd’hui, Merkel est « the leader of the free world » parce que le président des USA c’est Trump et que Trump ne peut être décemment le leader du monde libre. (Rubin « penned a piece in Politico on Thursday dubbing German Chancellor Angela Merkel the “leader of the free world,” largely for her role in taking in Middle Eastern migrants ».)
Ce qui est remarquable d’abord, dans ce vaste mouvement qui s’amorce, c’est qu’il s’affirme complètement en porte-à-faux avec les alignements pseudo-géopolitiques qui sont en vérité des alignements d’une idéologie complètement faussaire, un simulacre de type “occidentaliste” à prétention globaliste si l’on veut tenter de définir un tel montage, activée autour des narrative antirusses, anti-syriennes, anti-iraniennes et autres “anti-quelque chose” de la même eau... C’est en fait l’axe transatlantique avec ses divers “outils” (OTAN, UE, communauté idéologique des “valeurs”, etc.) qui se trouve en porte-à-faux par rapport à cette orientation nouvelle, avec la question chinoise grande ouverte sur une autre énigme : les rapports entre l’économie et le commerce chinois d’une part, et son orientation pseudo-géopolitique d’autre part, – étant admis que la Chine n’adhère pas vraiment à une idéologie qui ne soit sortie d’elle-même, se contentant de montrer une extrême sensibilité sur les principes de la non-ingérence internationale.
Certains pourraient alors rappeler qu’il y a fort peu de temps, on élabora, pour la durée de quelques jours, une spéculation autour de l’hypothèse selon laquelle Trump voudrait un rapprochement avec Moscou pour mieux défaire l’axe géopolitique Moscou-Pékin. Plutôt que de chercher une réponse sur ce point précisément parce que la géopolitique est trop usée, archaïque et déclassée par la puissance de la communication pour nous donner quelque explication que ce soit, ce rappel nous conduit à nous intéresser plus précisément à la position russe dans cette affaire de la poussée protectionniste US. Quelle est cette position ? A ce point précis, on pourrait penser que la Russie, conduite à une politique tendant vers l’autarcie par les sanctions imposée contre elle, regarde d’un œil goguenard et vaguement stupéfait ce déchaînement brutal... D’un autre point de vue, il reste que cette dynamique met en question l’équilibre interne de la direction russe et pose un problème de fond à Poutine, et cela à un an de l’élection présidentielle. Si les Russes ont participé à l’assaut général contre les USA au G20, c’est essentiellement parce que la politique économique et financière du pays reste encore tenue par une équipe plutôt de type “occidentaliste”, c’est-à-dire proche des thèses des globalistes.
Par contre, l’attaque contre Trump c’est une attaque contre la souveraineté économique qui peut être jugée comme un développement principiel de type traditionnaliste contre la déstructuration postmoderniste dont le globalisme actuel est l’opérationnalisation centrale. On se trouve alors dans une toute autre configuration. Alastair Crooke, encore lui, développe le 17 mars dans ConsortiumNews une appréciation générale de type traditionnaliste justement, avec des références à l’Italien Julius Evola (et en arrière-plan, les courants de pensée du domaine, dont René Guénon certes), où il constate une convergence principielle sinon spirituelle, au-dessus de l’idéologie et contre l’idéologie, entre un Bannon et un Douguine. On en vient alors à l’extrême probabilité du constat que le courant symbolisée d’une façon générale par Douguine, de type disons “nationaliste-spiritualiste”, voire “souverainiste-spiritualiste”, ne peut que juger favorablement la poussée de souverainisme économique de Trump & Cie même si cette poussée reflète une posture d’abord mercantiliste. Dans ce cas, le conflit latent entre la droite nationaliste et traditionnaliste russe d’une part, et le centre globaliste sinon occidentaliste représenté par Medvedev et certains dirigeants économiques et financiers, ce conflit est également mis à nu pour s’exprimer d’une manière fondamentale. Ce n’est pas indifférent, y compris et surtout pour Poutine qui s’est montré attaché à une ligne d’équilibre entre les deux tendances, alors que l’on constate une poussée à droite des nationalistes de Jirinovski qui sont en train de dépasser les communistes.
On voit combien cette orientation nouvelle des USA ne concerne pas seulement les rapports entre les USA et l’Allemagne mais tout l’arrangement du monde d’une façon générale. S’il y a un peu d’attention disponible dans cette France plongée dans la confusion la plus extrême, peut-être certains s’apercevront-ils que la gâterie de type protectionniste à coloration principielle que nous offre Trump a un rôle essentiel à jouer dans le débat pour les présidentielles. Que vont en faire les candidats “européistes” et globalistes, que vont en faire Marine Le Pen et les autres eurosceptiques ? Dans un développement de contrepied typique de cette époque en plein bouleversement, les atlantistes postmodernistes standard, alignés sur les USA dans un garde-à-vous émouvant, se trouvent conduits par leur logique de soumission au paradoxe d’une attitude d’hostilité à l’encontre des USA ; les autres doivent rapidement faire le constat de ce fait que l’orientation actuelle du “grand frère” promet quelques fruits délicieux de déstabilisation introduisant un renforcement peut-être décisif de leur parti... Tout cela, puisqu’il se pourrait bien qu’il soit confirmé que, par cette orientation économiques, Trump confirmerait opérationnellement qu’il est résolument hostile à l’UE et prêt à faire beaucoup pour détruire cette construction à laquelle les USA ont tant contribué dès l’origine.
Trump tel qu’il est révélé, “mis à nu” par Merkel, se confirme comme un personnage complètement déstructurant, de première dimension et du plus grand intérêt. Même son protectionnisme, qui pourrait n’être qu’une politique mercantile de plus, contient des germes antiSystème exceptionnels dans cette période qui ne l’est pas moins, essentiellement parce que, dominant tous les événements, se développe le débat fondamental de la modernité et de l’antimodernité. Notre sort est d’être confronté à des reclassements crisiques sans précédent. Il est inutile pour cela que The-Donald se fasse théoricien (Bannon lui suffit de ce point de vue) ; il n’a qu’à être lui-même, homme de désordre, absolument imprévisible, toujours en mouvement mais selon des tendances constantes, donc absolument destructeur de l’appareil délicat encombré de narrative et de faux-nez que le Système a mis en place pour tenter de survivre dans sa surpuissance sans que celle-ci ne se transforme en autodestruction. Trump est un agitateur cosmique impénitent, du genre qui nous est nécessaire pour, comme on dit, “secouer le prunier”.
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