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1411C’est dans un intérêt documentaire, tout en gardant à l’esprit les grandes lignes de nos engagements (antiSystème contre le Système), que nous publions ces deux articles, du même auteur, du même site connu pour sa rigueur doctrinale et factuelle. Bien entendu, il s’agit de WSWS.org, dont il s’agit d’avoir à l’esprit qu’il est le site de la IVème Internationale, et trotskiste, – et plus trotskiste que lui, dans le genre pur et dur, cela est difficile à imaginer. Trêve de persiflage : ces deux textes ont un intérêt factuel, documentaire, etc., sur la crise catalane, mais aussi un intérêt qui dépasse la justesse ou l’orientation de leur contenu en nous posant la question : quel choix faut-il faire dans ce cas lorsqu’on est antiSystème ? Nous savons bien, nous, quel choix nous faisons mais il s’agit ici de l’expliciter, d’en montrer l’intérêt, éventuellement l’avantage.
Les deux textes sont en français et reprennent, les 9 octobre 2017 et 10 octobre 2017, deux textes anglais des 7 et 9 octobre 2017. Le premier a pour thème un aspect assez peu documenté de la crise, qui concerne les mesures de concentration et de déploiement de troupes espagnoles en vue de la possibilité d’une intervention armée qui ferait de la Catalogne un territoire “occupé” sous le régime de la loi martiale ; ce texte insiste bien entendu sur ce qui est considéré avec une vigilance impitoyable du type-WSWS.org comme l’aspect militariste de l’évolution du gouvernement central de Madrid, saupoudré de paléo-fascisme assaisonné aux restes de franquisme. Le second concerne la situation générale de la crise et il mentionne avec insistance des critiques sévères contre les indépendantistes, assimilés dans ce cas à des nationalistes petits-bourgeois tandis que ce qu’il reste de “classe ouvrière” catalane est largement décrit comme anti-indépendantistes, notamment parce que la direction autonome catalane (celle qui veut l’indépendance) a suivi avec zèle, dans l’administration de la province, une politique d’austérité correspondant aux tendances fondamentales du Système.
Cela nous vaut ce morceau de bravoure à la fin du second texte (10 octobre), qui est un “ni-ni” quasiment parfait, chef d’œuvre trotskiste correspondant si l’on veut au “en même temps” du président Macron... Nous sommes contre ceci et, “en même temps”, nous sommes contre cela, ceci et cela formant les deux acteurs du drame considérés finalement comme la peste et le choléra :
« Le Comité international de la Quatrième Internationale condamne la répression du week-end dernier lors du référendum de l’indépendance de la Catalogne et en même temps les projets de Madrid visant à maintenir la région à l’intérieur de ses frontières au moyen de l’occupation militaire. Il s’oppose d’un point de vue de gauche en même temps à la politique du nationalisme catalan et du nationalisme espagnol. »
L’intérêt n’est pas, ici, de s’intéresser à l’analyse trotskiste mais bien de voir combien une analyse idéologique ferme et rationnelle, et datant du début du XXème siècle, se trouve dans une impasse dès lors qu’il est question de faire un choix opérationnel au début du XXIème siècle, après l'attaque 9/11 et tout ce qui suit. Il s’agit d’un exemple, car à peu près toutes les idéologies, toutes datant du XXème siècle, se trouvent, devant cette crise, devant la même impasse s’il s’agit de faire un choix clair à cause du terrain sur lequel elles travaillent. (Cette situation nouvelle est apparue dans la période 2010-2014, avec la formation du bloc-BAO et l'évolution qui l'a favorisée.) L’UE, qui soutient le gouvernement espagnol, le fait vraiment sans entrain en raison de la gravité des effets de la crise qui pourraient se révéler et se répandre si l’escalade montait aux extrêmes, et montreraient par conséquent le véritable visage d’une situation structurellement assez catastrophique dans un espace fondamental de l’UE, donc de la responsabilité indirecte et implicite, mais incontournable, de l’UE... Si l’on devait insister dans tous ces cas, on ne pourrait qu’arriver à des choix de compromis, en choisissant “le moindre des maux” ou en ne choisissant rien par réfutation des réalités, pour ceux qui “choisissent” une sorte de “splendide isolationnisme” intellectuel et idéologique (cas des trotskistes). Encore n’aurait-on rien maîtrisé de l’effet de la crise.
Pour notre compte, cette démarche, qui est de droite comme elle est de gauche selon des références complètement dépassées, souffre de l’extrême faiblesse d’ignorer la logique de “l’ennemi principal” qui réclame absolument un choix clair. Bien entendu, pour nous l’“ennemi principal” n’est pas un inconnu : il s’agit du Système, et notre choix à cet égard est d’une clarté limpide. Il repose d’abord sur notre volonté complètement assumée de refuser absolument de nous laisser dicter les conditions stratégiques de notre choix ; nous voulons absolument refuser cette logique et nous extraire de cette contrainte-là, dans ce cas de la crise catalane comme dans toutes les autres crises de cette sorte.
Ainsi la crise catalane n’est pour nous qu’une question de tactique, alors que pour les autres elle implique une posture stratégique. Pour nous, la question stratégique est celle du Système, tandis qu’elle est, pour les autres cas, impliquée dans des considérations partisanes suscitées par la crise et renvoyant à des références stratégiques (y compris pour les trotskistes qui s’abstiennent par esprit partisan). En un sens, le résultat de la crise catalane ne nous importe pas parce que nous ne nous intéressons qu’à l’effet de la crise catalane (effet sur le Système, certes, c'est-à-dire sur l'UE).
Le point de départ de notre réflexion vis-à-vis de cette crise est d’une part que le thème central est le concept structurant de souveraineté, d’autre part que l’“ennemi principal” est l’UE comme indubitable acteur important du Système, essentiellement les conceptions déstructurantes et dissolvantes qui gouvernent son action et règlent désormais la situation européenne dans son ensemble (dans la partie européenne du bloc-BAO). Dans cet ensemble, nombre de gouvernements des pays de l’UE, dont l’Espagne plus qu'à son tour, adhèrent complètement au processus supranational déstructurant de “dé-souverainisation” ; par conséquent, on ne peut en aucun cas avancer l’argument antiSystème de la défense des principes structurants dans le chef du gouvernement espagnol qui ne travaille que comme un “relais” de l’UE. Notre position est alors que la dynamique de la poussée indépendantiste est une chose qui nous paraît vertueuse à cause de ce qu’elle contient d’antiSystème sans l'avoir nécessairement voulu, sans en avoir nécessairement conscience ; nous parlons bien de la dynamique indépendantiste et non de l’indépendance elle-même (acquise ou pas), et cette dynamique considérée comme un acteur à part entière de la crise dans lequel nous apprécions d'abord le mouvement.
Nous pouvons considérer d’ores et déjà que la crise catalane, comme elle se développe, est sur le point de rendre son effet principal, sa poussée étant devenue antiSystème à cause de la résistance puis de la contre-offensive du Système. D’une certaine façon, comme dans le cas de Trump que nous avons souvent exposé, la dynamique crisique sule importe, et nullement la résolution de la crise. Par ailleurs, une “résolution de la crise” ne serait possible que par l’indépendance de la Catalogne acceptée par tous, et la Catalogne intégrée dans l’UE comme elle semblerait le vouloir, d'où le peu de cas pour notre cause que nous faisons d'une indépendance bouclée et achevée.
Ainsi aboutissons-nous à une position de refus de choix qui n’est en rien une impasse mais au contraire une ouverture. Nous ne sommes pas placés devant une impossibilité de choix (comme, par exemple, WSWS.org), nous sommes animés par une volonté active, sinon activiste et militante, de refus d’un choix. L’essentiel est dans le désordre supplémentaire ainsi injecté dans le fonctionnement du Système. Si l’on considère la situation européenne, donc la situation du Système, il y a un ou deux mois d’ici, la situation présente marque un succès non négligeable dans le sens de l’antiSystème.
Ainsi la crise catalane commence-t-elle à dessiner un effet stratégique important et qui pourrait devenir fondamental, et un enseignement théorique considérable, dans la mesure où nous la prenons dans sa véritable dimension qui ne peut être qu’européenne (UE) puisqu’ainsi en a décidé le Système... C’est bien connu car les génies fondateurs ne nous l’ont jamais caché : l’Europe sous forme devenue postmoderne (UE) a été faite pour que plus jamais les guerres n’opposent et ne déchirent les Etats-nation, s’il le faut en liquidant les Etats-nation ; ce que l’on ne nous avait pas dit, c’est que cette Europe postmoderne est faite, par contre, pour déchaîner les conflits intérieurs... Plus de guerre entre nations, uniquement des guerres civiles.
Les deux textes sont donc, dans l’ordre, du 9 octobre 2017 (« Madrid se prépare à déployer des troupes en Catalogne », original en anglais du 7 octobre) et du 10 octobre 2017 (« Alors que la répression se profile en Catalogne, le Parti populaire espagnol appelle à une manifestation à Barcelone », raccourci pour des raisons techniques en « La répression se profile en Catalogne », original en anglais du 9 octobre). L’auteur des deux textes est Alejandro Lopes, pour WSWS.org.
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Il existe de nombreux reportages non confirmés sur l’expédition de troupes vers la Catalogne et les régions voisines avant une éventuelle déclaration unilatérale sur l’indépendance au début de la semaine prochaine.
L’establishment politique espagnole parle ouvertement d’invoquer l’article 116 de la constitution espagnole, jetant ainsi les bases de l’imposition de la loi martiale.
Selon les sources militaires citées dans le journal de droite OkDiario, des troupes sont en train d’être mobilisées vers l’Aragón et la Communauté valencienne, régions adjacentes à la Catalogne. Cela explique le fait que le gouvernement espagnol estime qu’il faut déployer environ 30 000 soldats des forces de sécurité pour prendre le contrôle de la région et « établir un ordre constitutionnel contre l’insurrection ». Le journal dit qu’il s’agit d’un : « nombre qui ne peut pas être rétabli par les 8000 policiers et gardes civils actuellement déployés en Catalogne. »
Selon OkDiario, les divisions mobilisées comprennent la Division Castillejos (anciennement la Force d’action rapide), composée de trois brigades totalisant 3000 soldats (les brigades aériennes, de parachutistes et de la légion), ainsi que l’unité d’infanterie blindée Alcazar de Tolède, composée de 300 soldats et 44 chars. De plus, Madrid serait en train de mobiliser le Groupe des opérations spéciales de la Marine, l’équivalent espagnol des SEAL de l’US Navy. Les effectifs cités dans d’autres sources varient entre 12 000 et 16 000.
La Tribuna de Cartagena explique que la frégate Navarre, escortée par deux frégates anti-mines, partira pour Barcelone entièrement équipée de troupes, arrivant au port de Barcelone le 8 octobre – un jour avant que la déclaration d’indépendance annoncée précédemment soit supposément faite au Parlement catalan. Selon une déclaration du ministère de la défense, les frégates participent au Salon Nautique International de Barcelone.
Pendant ce temps, l’OTAN a organisé un exercice d’entraînement sous le titre « Angel Guard », impliquant 600 policiers militaires espagnols et de neuf autres pays membres de l’OTAN. Selon le site de l’armée espagnole, ces exercices visent à former la police militaire dans la gestion d’un poste de commandement pendant des opérations et des raids, dans l’escorte et la protection des autorités, la neutralisation du personnel armé hostile à l’intérieur d’un complexe militaire et dans le contrôle des foules.
L’article 116 porte sur le déploiement de l’armée et permet la suspension de nombreux droits démocratiques, y compris la liberté d’expression et le droit de grève. Cela permet également des arrestations préventives. La suspension de ces droits armerait l’État de vastes pouvoirs policiers que les militaires pourraient utiliser pour terroriser toute la classe ouvrière, comme l’a fait le régime franquiste de 1939 à 1977.
L’Association de l’armée espagnole (AME) a publié une déclaration défendant le discours du roi Felipe VI, où le monarque a dénoncé le référendum sur l’indépendance catalane et a exigé que l’État espagnol prenne le contrôle de la région. La déclaration qualifie le discours d'« impeccable » parce que Felipe a transmis « de manière claire, concise et critique la ligne à suivre dans ces temps difficiles et complexes ».
AME a demandé au Premier ministre du Parti populaire (PP) Mariano Rajoy de « défendre sans délai l’unité de l’Espagne, son intégrité territoriale et sa souveraineté nationale. »
L’Union européenne a déclaré son soutien à la répression militaire en cours de préparation. Au cours du débat de mercredi au Parlement européen, le premier vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a déclaré que c’est « un devoir pour tout gouvernement de respecter la loi, ce qui nécessite parfois l’utilisation proportionnée de la force ».
Cela a été soutenu par des représentants de premier plan des partis conservateurs, les Sociaux-démocrates et les Libéraux.
Les conséquences de ces déclarations ont été précisées par le commissaire allemand de l’UE, Gunter Oettinger, qui a prévenu hier : « Une guerre civile au milieu de l’Europe est imaginable maintenant », avant de faire le vœu pieux : « On ne peut qu’espérer qu’un fil de conversation sera bientôt enregistré entre Madrid et Barcelone. »
Les médias espagnols jouent leur rôle dans la préparation de la voie à l’intervention militaire par une campagne visant à déshumaniser les nationalistes catalans et, dans certains cas, toute la population catalane. Pas un jour où la presse ne décrit pas les développements en Catalogne comme une « insurrection », un « coup d’État », une « rébellion » ou une « trahison » qui doivent être écrasés.
Les nationalistes catalans sont accusés de lavage de cerveau des enfants et de les mettre en première ligne des manifestations pour qu’ils soient attaqués par la police. La police nationale et les gardes civiles, qui ont brutalement blessé 800 manifestants pacifiques dimanche dernier, sont représentées comme étant sans défense et persécutés par des personnes protestant devant leurs hôtels et leurs résidences temporaires. La police régionale, les Mossos, sont présentés comme traîtres et déloyaux. Les séparatistes de la Gauche républicaine catalane et des Candidatures d’unité populaire (CUP) de pseudo gauche sont constamment attaquées, avec des articles les décrivant comme « le cancer de la Catalogne » (ABC), ou en appelant à ce que ces partis soit « décapités […] et jetés dans la poubelle de l’histoire » (El Español).
Un tel langage fasciste précède une manifestation provocatrice appelée dimanche par le Parti populaire et la Société civile catalane anti-sécessionniste, une organisation avec des liens avec l’extrême droite. Soutenus par le parti Citoyens (Ciudadanos) et le Parti socialiste, et largement promu par les médias basés à Madrid, des nationalistes anti-catalans de droite de toute l’Espagne sont en train d’être transportés à Barcelone.
La nature d’extrême droite de la manifestation est admise par ses organisateurs.
Dans un entretien paru dans El Confidencial, Javier Megino, vice-président du groupe De l’Espagne et de la Catalogne, a accepté qu’il y ait des néo-fascistes et des gens de l’extrême droite, comme cela fut le cas lors d’une manifestation contre la séparation à Barcelone il y a deux semaines. Lorsqu’on lui a demandé s’ils pourraient causer des violences, Megino a répondu : « lorsque vous rassemblez tant de personnes, il est impossible de les contrôler tous. »
La manifestation vise clairement, non pas à représenter la « majorité silencieuse » au sein de la population catalane qui s’oppose au séparatisme comme l’ont affirmé les médias, mais plutôt à provoquer une confrontation violente entre les forces séparatistes catalanes et les forces fascistes, ce que le gouvernement cherchera à exploiter pour justifier une répression.
Le grave danger politique c’est qu’on ne mobilise pas la classe ouvrière en Espagne et à l’international contre les mesures répressives préparées par Madrid.
À ce moment critique, les travailleurs catalans et espagnols doivent évaluer les forces politiques qui prétendent les défendre.
Le premier ministre régional catalan, Carles Puigdemont, continue d’appeler au dialogue, une option rejetée par Rajoy qui déclare que ce dernier est un criminel. Le vice-Premier ministre catalan, Oriol Junqueras, est principalement préoccupé par les annonces faites par les grandes banques et entreprises comme Banco Sabadell, CaixaBank, le géant de l’énergie Gas Natural, Abertis, la société de biotechnologie Oryzon et la société de télécommunications Eurona, selon lesquelles ils déménagent de Catalogne craignant l’avenir de la région en plein mouvement séparatiste.
La parlementaire des CUP Eulàlia Reguant a déclaré au quotidien catalan Nació Digital que son parti travaillait sur un plan sur la façon dont ils prendraient le contrôle du territoire catalan, y compris les ports et les aéroports, en approuvant une loi qui signifierait que 17 000 policiers régionaux, les Mossos, « ne feront plus partie du système judiciaire espagnol ».
Le parti de pseudo-gauche Podemos poursuit son appel au dialogue, tout en favorisant les illusions dans un gouvernement PSOE-Podemos comme alternative au PP, même si le PSOE participe à la manifestation d’extrême droite de dimanche et travaille directement avec Rajoy dans la préparation d’une intervention violente.
La Cour constitutionnelle espagnole, sur la base d’une plainte déposée par le Parti socialiste de Catalogne (PSC), l’aile catalane du PSOE, a interdit la session de lundi du Parlement régional catalan, où l’on s’attendait à ce que les partis séparatistes fassent leur déclaration unilatérale d’indépendance.
Toutes ces forces politiques démontrent leur faillite politique face à une menace militaire et policière. Elles désarment la classe ouvrière, malgré l’opposition générale au retour au régime d’État policier.
L’opposition largement ressentie aux attaques brutales contre les droits démocratiques en Catalogne et toute l’Espagne ne peut que s’exprimer sur la base d’une perspective révolutionnaire et socialiste, politiquement indépendante de toutes les factions des élites dirigeantes espagnoles et de leurs partis.
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Des centaines de milliers de personnes ont défilé hier lors d’une manifestation appelée à Barcelone par des forces politiques de droite, une semaine après que le gouvernement régional catalan eut tenu un référendum sur la sécession et avant la déclaration unilatérale d’indépendance éventuelle des forces sécessionnistes mardi.
Après avoir tenté de supprimer par la violence le référendum sur l’indépendance du week-end dernier en Catalogne, l’élite dirigeante de Madrid avance rapidement vers une répression et un régime militaire dans la région.
Sous le mot d’ordre « Assez, reprenons notre bon sens ! », entre 350 000 et 400 000 personnes ont marché dans les rues de Barcelone. Beaucoup agitaient des drapeaux espagnols, le drapeau impérial d’Espagne, le drapeau européen et aussi des senyeres (le drapeau catalan non sécessionniste).
La manifestation a été appelée par Societat Civil Catalana (Société Civile Catalane) et soutenue par des organisations de droite, y compris le Parti Populaire (PP) et Citoyens, avec l’aval semi-officiel du Parti Socialiste. Les groupes d’extrême-droite ont également rejoint la manifestation, y compris la Falange du dictateur fasciste Francisco Franco, la Plate-forme pour la Catalogne, la Plate-forme pour une Catalogne Civique, Somatemps, VOX et d’autres.
Societat Civil Catalana vise à construire une alternative anti-sécessionniste à l’Assemblée nationale catalane sécessionniste, bien qu’elle ne compte que quelques milliers de membres. Ses liens avec l’extrême droite sont bien connus. Dans son congrès fondateur en 2014, les invités incluaient Santiago Abascal (VOX), une délégation du Front national de France, une délégation représentant la Fondation nationale Francisco Franco et le Mouvement social-républicain néo-nazi, le parti frère d’Aube dorée de Grèce.
Les principaux chants lors du rassemblement ont été «[le ministre régional catalan Carles] Puigdemont en prison », « Je suis espagnol », « Vive l’Espagne, vive la Catalogne et vivent les gardes civiles » et « Dialogue ? Non. En prison ». Lorsque le cortège est passé devant le quartier général de la Police nationale à Via Laietana, les manifestants ont applaudi et ont scandé « vous n’êtes pas seuls ». En même temps, ils ont scandé « traîtres » contre la police catalane régionale, les Mossos d’Esquadra.
Outre les milliers de sympathisants de droite et d’extrême-droite, dont beaucoup ont voyagé en train, en voiture et dans des centaines d’autobus organisés par la Societat Civil Catalana et les couches supérieures de la classe moyenne des quartiers riches de Barcelone, les manifestations ont également attiré des couches de la classe ouvrière de la « ceinture rouge » de Barcelone.
El Confidencial a noté : « Aujourd’hui, des milliers de catalans de la ceinture ouvrière de Barcelone, de Lleida et des villes de Tarragone, ainsi que des familles de quartiers “nobles” comme Sarrià sont venus. Les transports en commun des quartiers ouvriers comme Santa Coloma de Gramenet étaient pleins de personnes avec des drapeaux.
Un travailleur de Lleida a déclaré à El Confidencial : « Il m’a été difficile de décider parce que je ne veux pas qu’il apparaisse que je viens défendre [Premier ministre PP Mariano] Rajoy […] Mais maintenant, je ne peux pas rester à la maison, parce qu’ils vont annoncer l’indépendance mardi. »
La présence du PP dans la ceinture rouge de Barcelone est minime et la croissance du parti Citoyens anti-sécessionniste au cours des dernières années y a été au détriment du Parti socialiste, dont la politique d’austérité au niveau national a vu décroître son soutien au cours des années qui ont suivi la crise économique mondiale de 2008. Lors des dernières élections, Podemos a pris le contrôle de ces quartiers.
Il y a une large opposition à la politique d’extrême droite et au fascisme, dans un pays qui a souffert sous la dictature fasciste brutale de Franco de 1939 à 1978. En raison de l’hostilité populaire répandue au fascisme, les organisateurs ont demandé aux manifestants de ne pas apporter leurs « drapeaux pré-constitutionnels » (c.-à-d. drapeaux franquistes). Le chef du parti de droite Citoyens en Catalogne, Inés Arrimadas, a envoyé un tweet controversé demandant aux gens de ne pas montrer des drapeaux fascistes « devant la presse ».
Cependant, il existe également une large opposition au séparatisme dans la région : le dernier sondage du Centre d’études d’opinion (CEO) financé par la Catalogne montre que, à la question « voulez-vous que la Catalogne devienne un État indépendant ? », 49,4 pour cent des Catalans ont répondu « non » et 41,1 % « oui ».
Le même institut de sondage a montré que seulement 32 pour cent des Catalans avec un revenu familial inférieur à 900 € veulent l’indépendance. Ce n’est que dans des couches de classe moyenne avec un revenu de plus de 1800 euros par mois, par rapport à la moyenne régionale de 1400 € par mois, que le soutien au sécessionnisme dépasse les 40 %. Parmi ceux qui gagnent plus de 4000 € par mois, 54 % veulent l’indépendance de l’Espagne.
Le fait qu’un tel nombre de personnes puisse être amené à des manifestations dirigées par la droite et l’extrême droite témoigne de la faillite des nationalistes catalans qui, après avoir mené des politiques d’austérité depuis des années, sont incapables de faire un appel sérieux à la classe ouvrière d’Espagne pour s’opposer à la répression brutale de Madrid.
Cela démontre clairement aussi que la répression violente de la police en Catalogne n’était pas nécessaire pour bloquer la sécession. Son but principal était de créer des conditions pour la répression violente de la classe ouvrière, en Catalogne et dans toute l’Espagne.
Bien qu’il y ait une opposition massive contre la répression militaire que prépare Madrid, soutenu par Citoyens et le Parti socialiste, il n’y a pas un seul parti qui appelle les travailleurs à se mobiliser dans une lutte commune en Espagne et en Catalogne contre la répression qui est en cours de préparation.
Les séparatistes catalans sont méprisés dans de larges couches de la classe ouvrière pour leurs politiques d’austérité. Sous leur contrôle, la région a connu des réductions de 31 pour cent dans les dépenses de santé et 26 pour cent dans les dépenses sociales de 2009 à 2015.
Le référendum de la semaine dernière ne leur a pas donné un mandat décisif pour une déclaration unilatérale d’indépendance mardi. Ils ont déclaré que 90 pour cent des votants ont soutenu la séparation dans le référendum ; cependant, avec une participation électorale de 42 pour cent, cela ne représente que 2,26 millions des 5,3 millions d’électeurs inscrits. Ceux qui ont été motivés pour voter avaient tendance à favoriser l’indépendance.
Les Candidatures de l’unité populaire (CUP) petites-bourgeoises, avec leurs 10 sièges au Parlement régional, font appel à Puigdemont pour qu’il déclare immédiatement l’indépendance. L’un de ses dirigeants, Eulalia Reguant, parlementaire des CUP, a demandé des propositions pour prendre le contrôle territorial de la Catalogne, y compris ses ports et ses aéroports.
Un tel scénario est prévu par le PP au pouvoir, qui prépare une répression militaire et policière. Samedi, le Premier ministre Mariano Rajoy a déclaré à El País : « L’Espagne ne se divisera pas et l’unité nationale sera maintenue. Pour ce faire, nous utiliserons tous les instruments que la législation nous donne. Il appartient au gouvernement de prendre la décision et de le faire au bon moment. »
Lorsqu’on lui a demande s’il appliquerait l’article 155 pour faire prendre le contrôle du gouvernement régional par Madrid et pour l’utilisation potentielle de l’armée afin de supprimer l’opposition sociale, il a déclaré : « Je n’exclus rien de ce que la loi dit ».
Felipe Gonzalez, l’ancien Premier ministre du PSOE, qui était à Berlin au cours du week-end pour commémorer le 25ᵉ anniversaire du décès du chancelier Willy Brandt, s’est également prononcé en faveur de l’application de l’article 155 dans des déclarations de presse à Berlin.
La crise catalane expose également les divisions à l’intérieur du parti de pseudo-gauche Podemos. Au niveau national, il continue à semer des illusions dans le PSOE, appelant son secrétaire général Pedro Sánchez à cesser de soutenir le gouvernement minoritaire du Parti populaire. Le principal mot d’ordre de Podemos est le dialogue entre les séparatistes catalans et le gouvernement Rajoy, ce que Rajoy a rejeté à plusieurs reprises.
La section de Podemos en Catalogne apporte maintenant son soutien aux séparatistes. Son dirigeant, Dante Fachin, a déclaré au quotidien catalan naciodigital.cat qu’il soutiendrait la déclaration unilatérale d’indépendance indiquant : « Si Puigdemont appelle une République [catalane] et un processus constitutif, nous nous y impliquerons ».
Le Comité international de la Quatrième Internationale condamne la répression du week-end dernier lors du référendum de l’indépendance de la Catalogne et en même temps les projets de Madrid visant à maintenir la région à l’intérieur de ses frontières au moyen de l’occupation militaire. Il s’oppose d’un point de vue de gauche en même temps à la politique du nationalisme catalan et du nationalisme espagnol.
Comme il l’a écrit dans « Une stratégie de classe indépendante pour la classe ouvrière espagnole et catalane ! », les travailleurs de toute l’Espagne « doivent faire valoir leurs intérêts de classe en intervenant de manière indépendante dans cette crise. Cela implique de s’opposer résolument aux actions de Madrid et exhorte leurs frères et sœurs de classe en Catalogne à se joindre à eux dans une lutte commune contre l’austérité et la guerre et pour l’Espagne ouvrière dans des États unis socialistes de l’Europe ».
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