Comptine : “Les ‘13 trolls russes’ et Wall Street”

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Comptine : “Les ‘13 trolls russes’ et Wall Street”

Les textes de James Howard Kunstler, s’ils n’annoncent par nécessairement du nouveau, ont le ton sarcastique et plein de dérision qui convient à cette époque, à cet épisode de la saga américaniste, à cette plongée dans la “tragédie-bouffe” de plus en plus bouffe. Ainsi en est-il des “13 trolls russes” inculpés par le procureur spécial Mueller, – dont on devrait parler plutôt comme on parle des “Sept nains” ou du “Petit Poucet”, – personnages de contes pour enfants et rien d’autre... Il y a presque de l’irrespect de soi-même à traiter sérieusement de cette affaire qui bouleverse la plus grande puissance que le monde ait jamais connue, qui ne cesse de plus en plus de ressembler à une immense montagne qui accouche à répétition d’une minuscule souris ; et cette minuscule souris qui est vraiment insignifiante, mais qui est nécessairement une Souris qui rugissait, accouchant à son tour d’un immense volcan grondant prêt à exploser, mais on se demande pour quoi, pour qui et dans quel but...

L’excellent Moon of Alabama [MoA] s’est acharné avec un très grand stoïcisme mais aussi une remarquable compétence appuyée sur une documentation précise, à nous désosser cette mise en accusation des 13 trolls russes par le procureur spécial, dont le sérieux sur un visage long comme un jour sans pain prend une dimension surréaliste lorsqu’on se trouve en présence de l’auteur du délit. MoA nous démontre donc que les “13 trolls russes” font évidemment partie d’une opération de marketing lancée par un spécialiste russe de la chose, dont le but principal est de ramasser de l’argent par l’internet, et pas du tout de tordre le bras à largement plus de cent vingt-cinq millions d’électeurs pour qu’ils votent comme ceci plutôt que comme cela. Lorsque le milliardaire Yevgeny Prigozhine, le personnage qui possèdent les outils impliqués dans cette opération, est interrogé sur l’accusation pesant contre 13 de ses “trolls russes”, il répond, philosophe et ricanant : « Les Américains sont des gens vraiment très impressionnables, ils voient ce qu’ils veulent voir. [...] S’ils veulent voir le diable, laissons-les le voir. »

Kunstler traite la “comptine des 13 trolls russes” de la façon qu’il faut, également sarcastique et ricanant, mais aussi effaré par la chute abyssale de son pays dans cette tragédie-bouffe que ses animateurs washingtoniens arrivent à transformer en un chaudron bouillonnant, sorte de simulacre de Mordor, ou Trou Noir sans fond, – les mythes et les images se bousculent pour mieux ridiculiser la chose tout en nous avertissant qu’elle concerne quoi qu’il en soit un bouleversement politique et psychologique sans précédent. Le processus d’inversion et la forme du simulacre sont absolument complètes dans cette affaire du Russiagate devenue complètement “hystérie-antirussiste”.

Kunstler doute très justement que l’inculpation des trolls russes calmera cette hystérie, mais au contraire qu’elle l’alimentera pour encore se multiplier. (« Je doute qu’ils seront satisfaits par l'inculpation par Mueller des treize comparses russes. Au contraire, cela peut les inciter à des formes d’hystérie encore plus violentes et à de plus grands actes d’anarchie. ») Kunstler pense que la seule chose qui ramènera ses concitoyens et surtout “D.C.-la-folle” à la réalité serait, — ou plutôt “sera”, car il ne doute pas qu’elle surviendra très vite, une grande crise financière, renouvelant en bien plus puissant le schéma de 2008 :

« La seule chose qui arrêtera cette absurdité est un coup de tonnerre de type Big Trouble dans le système financier – dont les médias classiques et l’essentiel du public n’appréhendent en rien la venue, à leurs risques et périls. Il vient à nous à un rythme endiablé et il sera d’une force terrible ; il nous tombera sur le crâne comme un madrier sans que nous y soyons préparés. »

... Justement, nous aurions tendance à diverger sur ce point : non pas sur l’ampleur d’une éventuelle crise financière ou sur la possibilité d’une telle crise ; mais, en acceptant l’hypothèse, diverger sur le fait que cette crise Big Trouble sortirait la psychologie US de sa crise d’“hystérie-antirussiste”. On peut en effet envisager précisément le contraire, – et ce serait bien entendu notre tentation et notre hypothèse... Si une telle crise se manifestait, les Russes en seraient aussitôt rendus responsables, par un biais ou l’autre, comme ils ont été rendus responsables de la débâcle politique de 2016, et les mesures prises pour stopper cette crise seraient aussi faussaires que l’identification des responsables. Les USA et “D.C.-la-folle” ne sont plus aujourd’hui capables d’assumer leurs faiblesses, ni même de les identifier, – et moins encore bien entendu, d’en contenir les conséquences...

Notre idée est évidemment que l’“hystérie antirussiste” n’a rien à voir avec la Russie, et tout avec la crise de l’effondrement de la psychologie de l’américanisme, comme moteur irrésistible d’entraînement de la crise d’effondrement du Système. Il se trouve que la Russie est la référence d’hostilité la plus aisée, la plus évidente, la plus irrémédiable, et la psychologie américaniste s’y accrochera comme un maniaque à sa manie obsessionnelle. L’“hystérie antirussiste” est la prison décisive et inviolable la folie de l’américanisme et de “D.C.-la-folle”.

Pour cette raison, le désintérêt et l’absence même de conscience, pour ne pas parler d’“information“ à cet égard, des pays d’Europe, et en général des pays du bloc-BAO pour la vérité-de-situation à Washington D.C., constituent pour nous un sujet constant de stupéfaction, tant il est vrai que le Système auquel nous nous raccrochons désespérément dépend de la stabilité de Washington D.C. D’un autre côté, ce phénomène stupéfiant n’est rien d’autre que le signe que “leur” crise est aussi la nôtre, simplement nous n’y tenons pas le premier rôle comme il est normal pour des domestiques si heureux et si empressés de l’être. Notre déresponsabilisation et notre infantilisation portent témoignage que nous tenons dans le bon registre notre rôle infâmant dans cette pièce sur la folie et sur l’effondrement du monde de notre contre-civilisation.

Le texte ci-dessous est une adaptation en français du texte de James Howard Kunstler du 19 février 2018, sur son site kunstler.com / clusterfuck-nation.

dedefensa.org

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Les 13 Russes et le serpent de mer

Vous vous rappelez de le coup de 1996 ? (Couverture du Time de l’époque montrant Eltsine complètement bourré, avec une bannière étoilée, et le titre : « Yanks To The Rescue ».) C’est drôle, c'était les médias traditionnels américains qui se vantaient, après coup, de notre propre ingérence dans l’élection d’une autre nation.

« WASHINGTON - Une équipe de stratèges politiques américains qui a aidé en début d'année le gouverneur de la Californie, Pete Wilson, dans sa tentative de participer à l’élection présidentielle, a déclaré cette semaine avoir servi d'arme de campagne secrète au président russe Boris N. Eltsine. »

— The Los Angeles Times, 9 juillet 1996

La beauté de l'accusation de Robert Mueller contre treize trolls-Facebook russes est qu'ils ne seront jamais jugés, donc M. Mueller n'aura jamais à prouver son accusation. Dans la nouvelle loi rendue populaire par le mouvement #Me Too, l’accusation suffit à condamner la cible de l’enquête. Cela sonne un peu comme “revenir au Moyen-Âge” pour moi sauf que c’est comme ça que nous évoluons aujourd’hui sur la Terre de l’homme libre (The Land of the Free).

Mes lecteurs savent bien sûr que je ne suis pas un partisan de Trump, que je le considère comme une catastrophe nationale mais je suis désormais beaucoup plus préoccupé et troublé par l’hystérie aveugle qui a présidé au complot contre lui de la bureaucratie permanente de Washington en collusion avec une demi-douzaine de grands journaux et de réseaux d'information. Ils ont mené une folle campagne de psy-ops qui a poussé la psychologie du pays dans une psychose de guerre.

Le New York Times a publié samedi un éditorial qui est une perle rare, le lendemain de l’annonce des inculpations. Le titre disait : « Le silence ostentatoire de Trump prive de chef [notre] lutte contre la Russie » (« Trump’s Conspicuous Silence Leaves a Struggle Against Russia Without a Leader »). Dean Baquet et son comité de rédaction cherchent apparemment un Napoléon américain qui montera un cheval blanc et emmènera nos légions à Moscou pour donner une leçon à ces coquins, – quelque chose dans ce genre...

Je ne suis sûrement pas le seul à remarquer combien cette hystérie est bien conçue pour détourner l'attention du public de l'inconduite documentée du FBI, de la CIA, de la NSA, des fonctionnaires du Département d'Etat et des dirigeants du mouvement national qui se baptise “Résistance” : le comité national du parti démocrate, Hillary sa candidate désignée pour 2016 et le cercle intime de la Maison Blanche autour du président Obama. On aurait pu croire qu’au moins une partie de cette conspiration aurait attiré l'attention de Robert Mueller, étant donné que la trace écrite de la preuve est aussi vaste et encombrée que les Périphériques de Washington D.C. Elle (la conspiration) pourrait se définir en fait comme le plus grand acte de subversion bureaucratique de l’histoire américaine.

Bien sûr, l’adjoint du ministre de la justice Rod Rosenstein a rapidement mis en perspective ces accusations officielles en affirmant que l’action sur Facebook des quelques Russes impliqués n’avait eu aucun effet sur les élections de 2016, et que la campagne de Donald Trump n’y était pas impliquée. Peut-être que les inculpations étaient juste une mise en bouche pour quelque chose de plus costaud à venir du bureau de Mueller. Mais que faire si ce n'est pas le cas ? Et si ces treize inculpations était tout ce qu’arrive à accoucher un an et demi de la plus scrupuleuse enquête plongée dans les méandres de cette “narrative” ?

Pendant ce temps, les dommages causés par cette ancienne forme inquisitoriale de pensée de l’Amérique laissent essentiellement les partisans de cette politique comme l’Épouvantail dans Le Magicien d'Oz : sans cerveau. Je doute qu’ils seront satisfaits par l’inculpation par Mueller des treize comparses russes. Au contraire, cela peut les inciter à des formes d’hystérie encore plus violentes et à de plus grands actes d’anarchie. La seule chose qui arrêtera cette absurdité est un coup de tonnerre de type Big Trouble dans le système financier – dont les médias classiques et l’essentiel du public n’appréhendent en rien la venue, à leurs risques et périls. Il vient à nous à un rythme endiablé et il sera d’une force terrible ; il nous tombera sur le crâne comme un madrier sans que nous y soyons préparés.

James Howard Kunstler